L’audition du 13 mai 2009 a révélé les conditions suspectes des interrogatoires des salariés AZF. Ils ont été interrogés deux jours après l’explosion de l’usine et mis en cause dans l’explosion du bâtiment 221. Les avocats de la partie civile ont tenté d’opposer les constatations des experts aux déclarations des salariés. Il en ressort que les policiers ont réalisé ces interrogatoires dans des circonstances douteuses. Le contremaître Paillas déclare qu’un commissaire lui fit cette réponse « il faudra choisir votre camp » (sic)
La salle Jean Mermoz est remplie de « têtes blanches » : anciens salariés AZF à la retraite ou sans travail. Leurs hochements de tête en dit long sur le décalage entre ce qu’ils vivaient au quotidien et les exposés du tribunal. C’est eux qu’on plaça en première ligne quand on chercha à tout prix des responsables de l’explosion de l’usine, en prétextant le soi-disant état de délabrement du matériel, la prétendue vétusté des installations et surtout une manipulation décrétée contraire aux procédures de sécurité, mais pourtant jamais décrite précisément, ni même définie.
Pour l’ingénieur Panel, c’est un retour en arrière pénible.
A la barre il raconte comment il avait l’habitude de vérifier les quantités stockées dans le hangar 221, et surtout, combien les conditions de ce travail étaient bonnes. Lorsque l’on parle de dalle souillée ou bien de résidus dans l’ammonitrate déclassé, il évoque le quotidien d’une usine chimique où les règles de sécurité étaient respectées. Son intervention est marquée par la question du président Le Monnyer qui insiste pour savoir si le tas d’ammonitrate était proche du muret de séparation d’avec le sas d’entrée.
Pourquoi donc cette question ? Uniquement pour crédibiliser le cœur de la thèse officielle, c’est-à-dire la rencontre entre deux produits qui, selon cette thèse, pourraient être à l’origine de l’explosion du hangar 221 (stockage des produits déclassés). Or le sac de DCCNA n’a pas été perdu, comme le prouve l’inventaire soigneusement consigné et retrouvé. Monsieur Paillas le confirmera, lui qui passa 38 ans dans cette usine et expliquera, dans son témoignage à la barre après Monsieur Panel , que vu les précautions réglementaires toujours scrupuleusement observées, une telle perte était absolument impossible.
D’où la question centrale, question pendante depuis octobre 2001 et jamais élucidée : comment ce sac de DCCNA a-t-il pu se arriver là où il a été retrouvé, C’EST-À-DIRE DANS LE BÂTIMENT 335 Où IL N’AVAIT RIEN À FAIRE ?
Il a été insinué que la ‘’perte’’ de ce sac aurait pu être considérée comme vénielle par Monsieur Panel du fait qu’il ne connaissait pas l’explosivité du mélange des deux produits. Ce sont là des extrapolations hardies et indémontrées, car ce que connaissait Monsieur Panel de la réactivité de ces deux produits n’a rien à voir avec sa conscience professionnelle, vu que d’après les procédures réglementaires en vigueur dans l’usine, ce sac ne pouvait en aucune façon arriver au bâtiment 335. Or Monsieur Panel n’a jamais commis la moindre faute professionnelle, ni ce jour-là ni avant, et sa conscience professionnelle n’a jamais été prise en défaut. D’ailleurs il se souvient très bien de ce qu’il a fait ce matin fatal du 21 septembre 2001. Le tribunal semble avoir oublié que quand on accuse, il faut prouver ! Or en quoi avoir retrouvé ce sac ailleurs qu’à sa place démontre-t-il que Monsieur Panel aurait commis une faute professionnelle ? Accuser M. Panel sans savoir qui a déplacé ce sac, c’est se comporter comme ces médecins qui testent des médicaments sur leurs patients pour déduire leur diagnostic de l’effet de ces médicaments, ou encore comme ces garagistes qui remplacent des pièces les unes après les autres pour trouver la panne
Les intérimaires et les sous traitants ne sont pas des sous hommes
Le contremaître Paillas vient à son tour à la barre. C’est un grand moment d’émotion pour cet homme, mémoire vivante de l’usine AZF. De sa grosse voix, avec sa barbe de patriarche, il explique au président Le Monnyer combien il est choqué et révolté par le traitement subi par et la suspicion jetée sur le personnel sous-traitant et les intérimaires. ‘’Ils ne sont pas des sous hommes’’, « c’étaient des collègues depuis 30 ans » et « ils connaissaient parfaitement leur travail ». Il explique qu’il faisait son « tour d’inspection » quotidiennement et n’avait rien remarqué la veille et ni le matin du 21septembre 2001. A la question des souillures alléguées par les experts officiels, il répond qu’elles n’existaient pas, et que la vétusté du matériel pour stocker le nitrate d’ammonium dans le hangar 221 est imaginaire et calomniatrice, puisque le matériel de manutention était flambant neuf et sécurisé même en cas de fuites de flexibles, de sorte que jamais, en aucune circonstance, de l’huile ou d’autres fluides de ces machines ne puissent sortir de sa carrosserie. Il précise que l’humidité pouvait être perçue dans le hangar par un temps de grande pluie, mais qu’en tout état de cause, même dans ces circonstances exceptionnelles, elle ne pouvait y entrer que par le roulage des engins, et on n’en était certes pas là au matin du 21 septembre 2001.
Ensuite il relate, à son tour, les conditions très pénibles de son interrogatoire au commissariat et sur le site AZF. Victime de l’explosion il était sous morphine et avait 17 agrafes sur ses plaies. Sa famille ne put lui donner ses médicaments pour soulager ses douleurs. Il passa plus de 6 heures avec ses douleurs tout en répondant aux questions des policiers et des experts. « J’étais blesséet j’ai tenu le coup parce que j’ai pensé que c’était un devoir de collaborer avec la police ». Il faut rappeler que le contremaître Paillas fut mis en accusation et en garde à vue pour finalement être mis hors de cause quant à ses responsabilités dans l’explosion de l’usine AZF. Sa déclaration en dit long sur sa déception : « être honnète ça se retourne contre vous »
A la fin de son témoignage il conclut contre la thèse de l« instruction et du tribunal »Je n’ai pas vu le sac de DCCNA, ceux qui ont fait l’inventaire n’ont pas vu le sac"
En conclusion, cette journée n’a fait qu’apporter deux questions de plus :
1) Si ce n’est pas le chlore qui est responsable de l’explosion, c’est quoi ?
2) Puisque les personnels de l’usine ne sont pour rien dans l’étrange périple de ce sac de DCCNa, il s’est déplacé comment ?
Ces deux questions en entraînent une troisième : pourquoi seul le tribunal ne se pose-t-il pas ces questions fondamentales ? ne serait-ce pas parce que la réponse est connue en haut lieu ?
La rédaction Geopolintel