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Géopolitiques de Nantes

Compte-rendu

mercredi 1er octobre 2014

La seconde édition des Géopolitiques de Nantes s’est déroulée les 26 et 27 Septembre. Lors de l’ouverture de cet événement, Hubert Védrine exprimait son point de vue personnel sur sa compréhension du monde. Quelques sujets évoqués par l’ancien Ministre des affaires étrangères ont été détaillés dans la première partie de cet article. La seconde partie résume la conférence sur la géopolitique de l’énergie.

« Quel rôle pour la France dans un monde en mutation ? »

Avant la révolution de l’information, la communication circulait verticalement, elle était délivrée par séquences et son débit était régulier. Dorénavant les flux d’informations sont de plus en plus horizontaux, et l’information est continue. Auparavant, la majorité des informations était composée d’analyses fines et argumentées qui étaient reliées les unes aux autres. L’enjeu était d’expliciter les structures et les concepts en jeu. L’hémisphère gauche du cerveau était alors beaucoup plus activé car la conscience travaillait alors plus par le raisonnement. La popularisation actuelle des contenus médiatiques s’est accompagnée de messages plus simples : images chocs et vidéos heurtant les sensibilités. Les émotions et les passions s’y expriment et elles s’impriment dans l’hémisphère droit de nos cerveaux.

Cette forme de communication enchante l’ « instantanéisme » et l’ « hystérisme » des foules [1], ne parle-t-on pas des « médias de masse » ? Dorénavant toute gouvernance d’Etat doit prendre en compte ce rapport d’influence entre le jugement des citoyens et les décisions gouvernementales à prendre, par exemple toute opération militaire extérieure doit recevoir le soutien des citoyens. Le caractère régalien des opérations extérieures s’est affaibli avec l’affirmation de l’opinion publique qui peut influencer et inversement être influencée par le quatrième pouvoir : les médias [2]. « Comprendre mieux notre monde pour mieux agir » reste la formule facile à édicter, mais compliquée à réaliser pour être juste. La société mondialisée s’est complexifiée. Le monde de la « Guerre froide » était placé sous l’égide des idéologies capitaliste et communiste, le monde était bipolarisé, les grilles de lecture étaient plus simple à lire. Dans les années 1990, l’avènement des Etats-Unis comme hyperpuissance n’a pas fait que le monde devienne moins manichéen. Même si alors le « Nouvel ordre international » faisait croire à tort que le monde vivait « la fin de l’Histoire ».

En effet, F. Fukuyama s’est trompé. La réalité est qu’il existe une hiérarchie des alliances et ces évolutions font l’Histoire. L’Histoire recommence avec l’apparition des pays émergents. Les BRICS sont devenues des puissances, elles ont leur propre vision du monde et leur propre aspiration. Il existe une distinction entre la puissance et l’influence des nations. Il est communément pensé que la communauté internationale doit arbitrer les Nations en cas de litiges. Le fait est que la communauté internationale n’existe pas en tant qu’arbitre impartial, de la même façon les Nations-unies n’existent pas non plus, ces organisations ne sont pas une puissance supranationale. En réalité ces communautés représentent les pays occidentaux et leurs intérêts (il est vrai aussi que sans cet espace privilégié de rassemblement des Nations, les situations internationales seraient encore plus confuses). Les européens croient beaucoup à cette structure supranationale qu’est la communauté internationale. En effet l’occident est toujours marqué par Saint Paul « apôtre des Nations » qui a prêché l’évangélisation des peuples et des nations au message universel du christianisme. Cet idée d’universalisme et peut-être aussi de supériorité morale est la marque de l’occident. C’est ce schéma dogmatique qui s’applique lorsque les pays occidentaux pensent pour le bien des autres. Les américains eux croient de plus à leur propre force (ils ont parfois la bonne surprise de recevoir le prix Nobel de la paix pour « bonne intention », avant même qu’Obama n’exerce pleinement sa fonction présidentielle…). La réalité est que le monde est marqué par la disparité, et que les idées universalistes n’existent nullement partout comme par exemple dans le monde chinois. Un autre exemple est la conférence contre le racisme de Durban en 2001, il est intéressant puisque l’on pouvait croire à une convergence sur ce sujet entre pays. En réalité les ONG des différents pays ne partageaient pourtant pas les mêmes définitions du racisme. Il est donc très difficile au niveau mondial de créer un équilibre juste entre morale et force des Nations.

A la question « qu’est-ce que l’Europe ? », la réponse est : « de qui parle-t-on ? » Il n’y a pas de peuple européen, il n’y a pas d’esprit européen. Il y a actuellement un chaos stratégique : « qui décide quoi ? » Les élections européennes ont reçu seulement 60% de participants. Les européens y ont exprimé un certain euroscepticisme, ce qui ne veut pas dire qu’ils soient hostiles à l’Europe, zone géographique et historique. Le remplacement rhétorique et idéologique du « la paix a fait l’Europe » vers « l’Europe a fait la paix » inverse l’histoire européenne.
La conclusion d’Hubert Védrine reposait sur une nécessaire remise en selle de la « realpolitik » (la politique étrangère fondée sur le calcul des forces et l’intérêt national), en argumentant que, d’une part le conflit Palestine-Israël pourrait facilement être résolu avec ce type de politique et que d’autre part c’était la politique qui avait tué le moins de personnes.

« Vers une nouvelle géopolitique de l’énergie »

Actuellement 87% de l’énergie dans le monde provient du pétrole et du gaz. 5% provient de l’atome et 2% de l’éolien.
Ces dernières années 4 crises majeures ont secoué la géopolitique de l’énergie :

  • Catastrophe nucléaire de Fukushima
  • Crises au Moyen-Orient
  • Crise Ukrainienne
  • Utilisation des gaz de schistes

Au Japon, la conséquence de l’accident de Fukushima se traduit en un désastre écologique et en coûts économique et industriel importants. En 2022 l’Allemagne a prévu de sortir du nucléaire. Au Yémen, en Libye, en Egypte les exportations de gaz ont été stoppées. L’Irak est dans le chaos. [NB : la France reçoit actuellement du gaz à hauteur de 25% par les norvégiens, 15% par les russes, et 13% par les algériens.]
Malgré ces crises, le prix du baril de pétrole ne s’est pas envolé, il est resté constant. Qui aurait pu prévoir cela quelques années auparavant ?
L’Arabie Saoudite a compensé la hausse sur le marché en tenant son rôle d’ajusteur de débit de brut pour réguler les prix du marché.
L’autre facteur mis en exergue est l’indépendance énergétique des Etats-Unis, laquelle se traduit par l’extraction des gaz de schiste à bon marché. Les américains produisent l’équivalent de la production irakienne. Les ports américains construits comme ports importateurs pour les méthaniers sont en train de se métamorphoser en ports exportateurs. Le marché européen est peut-être en ligne de mire dans quelques années, notamment avec le Marché transatlantique. La Russie avec Gazprom a diversifié son marché vers l’Asie depuis plusieurs années. En 2019, les pipelines entre la Sibérie et la Chine devraient être fonctionnels, même si l’annonce phare du 1er Septembre semble être pour le moment plus un effet d’annonce que de convergence industrielle. La Chine propose sur ce contrat une avance de paiement pour aider au financement.

Une gouvernance de la géopolitique de l’énergie est la chaîne : « Energie, Rente, Stratégies d’acteurs, Scénarios ». Un scénario se profile : celui appelé la transition énergétique qui s’inscrit sur un temps long. La géopolitique de l’énergie dite internationale est l’approche classique, elle est fortement majoritaire par rapport à la géopolitique nouvelle dite du territoire. Ce changement progressif actuellement en cours se fait sur l’affaiblissement du développement classique et la croissance du nouveau. C’est-à-dire une évolution de la géopolitique internationale vers la géopolitique du territoire. La géopolitique de territoire est celle où l’individu produit sa propre énergie avec le solaire, l’éolien... comme engagée en Allemagne ou au Danemark.

Louis Hugo

Notes

[2Conférence : « Les médias fabriquent-ils l’opinion ? »

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