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Le partenariat transatlantique

mardi 27 janvier 2009

C’est un document confidentiel de sept pages rédigé par le Quai d’Orsay et envoyé aux 26 capitales de l’UE, trois jours après l’élection de Barack Obama.
Il est intitulé « Le partenariat transatlantique. »
Sa vocation est, selon ses auteurs, d’être « une boîte à outils pour notre future collaboration avec les nouveaux responsables américains. »

Ce que l’Europe propose à Obama
de Vincent Jauvert Nouvel Observateur

Il s’agit d’un texte de synthèse, issu de « discussions collectives ».
Une sorte de « plate-forme commune minimum, élaborée sous la responsabilité de la présidence » française de l’UE.
Pourquoi était-il nécessaire ?
Parce que, toujours selon les auteurs, « notre crédibilité à l’égard des Etats-Unis implique, autant que faire se peut, de leur parler d’une seule voix. »
Voici ci dessous ce texte dans son intégralité (il est ici en anglais.)
http://globe.blogs.nouvelobs.com/me...

On y lira avec un intérêt particulier la partie dédiée au conflit israélo-palestinien (« nous devons agir ensemble, sans attendre, et ne pas repartir à zéro » car « le temps joue en faveur des extrémistes ».)

Et ce qui est dit concernant l’Irak (« Notre intérêt commun est de contribuer au succès de l’Irak ».)
La réflexion engagée à Avignon et finalisée à Marseille par les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne vise à offrir, sur un nombre choisi de sujets, une boîte à outils pour notre future collaboration avec les nouveaux responsables américains. Elle ne prétend pas à l’exhaustivité, des travaux étant engagés par ailleurs dans d’autres enceintes, notamment sur le conseil économique transatlantique ou sur les questions de gouvernance financière, de justice et d’affaires intérieures.

Le présent document est le résultat de ces discussions collectives où chacun a apporté sa contribution, sa vision et ses ambitions de ces grands sujets internationaux.

Il peut donc être considéré à présent comme une plate-forme commune minimum, élaborée sous la responsabilité de la présidence. Il n’a pas vocation à être publié. Chacun d’entre nous pourra ensuite le valoriser en y ajoutant sa touche et sa sensibilité propres à l’occasion de ses démarches et de ses contacts.

***

La réflexion des ministres européens s’appuie sur une conviction forte : le partenariat transatlantique, ancré dans notre histoire, correspond à une communauté de destin. Il contribue à notre sécurité collective, à la pérennité de nos valeurs communes et à la défense de nos intérêts partagés. Notre démarche vise à déterminer quelles contributions, parfois dans des registres différents, mais complémentaires, les Européens et les Etats-Unis peuvent apporter ensemble pour affronter les défis du XXIe siècle.

L’ordre mondial a évolué ; les Européens souhaitent y prendre leur pleine place aux côtés des Américains. Ils ont montré, à travers leur intervention dans le conflit russo-géorgien et leur action dans la crise financière internationale, qu’ils avaient la volonté et la légitimité pour agir et entraîner leurs partenaires (conférence de Washington, le 15 novembre, sur la crise financière internationale...). Nous devons travailler ensemble et non en opposition. Américains et Européens doivent et peuvent agir dans un esprit de complémentarité et de co-responsabilité, ce qui suppose, à l’évidence, que les Européens aient préalablement défini leurs propres positions, tout comme ce qu’ils ont à offrir et ce qu’ils ont à demander. Notre crédibilité à l’égard des Etats-Unis implique en effet, autant que faire se peut, de leur parler d’une seule voix.

La Présidence propose que l’Union européenne prenne date, dans son dialogue avec les Etats-Unis, sur quatre sujets qui correspondent à des priorités communes.

1. Premier sujet : l’efficacité du multilatéralisme.

Face aux excès de la mondialisation, aux risques d’un monde composé de nations aux puissances relatives et souvent antagonistes, à la logique des sphères d’influence, au recul de l’universalisme des principes, Européens et Américains doivent se retrouver dans la contribution à un multilatéralisme efficace fondé sur le respect, par tous, de règles de droit et sur un socle de valeurs communes.

La promotion des règles de droit et du multilatéralisme est un enjeu fondamental pour le traitement des questions globales et l’amélioration de la gestion des crises. L’objectif, c’est l’efficacité du système de décision collective, prenant notamment en compte l’essor des pays émergents dans les nouveaux équilibres mondiaux.

Notre message commun : la puissance globale appelle des responsabilités globales que nous devons partager pour inscrire la fougue des pays émergents dans un cadre multilatéral. La crédibilité de ce message dépend de notre capacité à entretenir un dialogue exigeant avec ces partenaires, en tenant compte de leurs intérêts et de leur histoire, mais sans renier nos propres valeurs.

Propositions :

  • agir étroitement avec les Etats-Unis pour résoudre la crise économique et l’instabilité financière globale, ce qui implique de travailler ensemble à la réforme de l’architecture internationale de Bretton-Woods afin de promouvoir des institutions modernes et efficaces ; dans cet esprit, il s’agit de poursuivre la réforme, qui vient d’être engagée, du Fonds Monétaire International, qui doit mieux refléter et agir sur les réalités contemporaines ;
  • poursuivre la transformation espérée du G8, qui doit refléter la réalité du monde, en lui associant les puissances émergentes afin de faire face aux responsabilités communes ;
  • à cet égard, s’agissant de la lutte contre le changement climatique, enjeu majeur des décennies à venir pour les Européens, les Américains et le reste du monde, l’UE doit partager ses enseignements et ses meilleures pratiques en ce qui concerne ses efforts de réduction des émissions et son expertise en ce qui concerne le commerce des émissions. Une approche concertée visant à réduire la dépendance des économies à l’égard du pétrole est cruciale ; elle implique que les politiques visant au redémarrage de l’économie soient soutenables et sobres en carbone ;
  • poursuivre et amplifier la réforme du système des Nations unies engagée en 2005 et faire preuve d’une même détermination politique à la faire aboutir, afin notamment de maintenir le rôle crucial du Conseil de sécurité dans l’ordre international ;
  • agir conjointement davantage dans le domaine des droits de l’Homme, perspective qui sera facilitée par la fermeture du camp de Guantánamo ;
  • faire face, avec les Etats-Unis, aux risques croissants de prolifération en consolidant le régime global de non-prolifération, en renforçant les efforts de maîtrise des armements et en apportant ensemble une aide aux pays tiers dans ces domaines ;
  • relancer de façon concertée les efforts indispensables à la gestion des effets de la mondialisation, qui doit être plus équitable (réduction des écarts de développement, renforcement de la sécurité énergétique) et plus solidaire (lutte contre le changement climatique, réduction des crises alimentaires majeures, lutte contre les grandes pandémies, meilleure prise en charge du risque santé dans les pays en développement) ; à cette fin, agir conjointement pour l’aboutissement des négociations à l’OMC, tout en prenant mieux en compte les problèmes économiques structurels des pays les moins avancés.
  • travailler conjointement, dans les enceintes multilatérales, à une meilleure prise en compte de la responsabilité de protéger, et plus encore lorsque cela est possible à la responsabilité de prévenir. Les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur l’intervention extérieure (capacités, légitimité…) ne peuvent servir de prétexte à l’inaction : nous devons prendre toutes nos responsabilités, et pour cela commencer par réfléchir ensemble à la problématique de l’intervention, et de l’articulation entre Nations Unies et organisations régionales ;
  • articuler le rôle des Etats-Unis et d’une Europe plus présente et influente en Asie. Le récent sommet de l’ASEM a mis en évidence la volonté de l’Asie et de l’Europe de travailler plus étroitement ensemble. L’Union européenne, à travers l’ASEAN par exemple, représente un modèle d’intégration pour certains pays asiatiques – même si tous n’y aspirent pas et rejettent le principe de souveraineté partagée. Des partenariats stratégiques ont été conclus avec la Chine et l’Inde, qui nous engagent à une coopération ambitieuse sur les domaines politique, stratégique et économique, visent à mettre sur pieds des partenariats dans les grands défis climatique, énergétique et de développement de la planète et à donner sa juste place au dialogue sur les droits de l’homme.
  • relancer le dialogue sur l’aide au développement avec la nouvelle administration américaine, fondé sur une réaffirmation conjointe des Objectifs du Millénaire. Parce que l’Afrique sub-saharienne reste à l’écart des bénéfices de la mondialisation, parce qu’elle demeure très sensible aux évolutions des prix des matières premières et des denrées alimentaires, il importe que l’Union et les Etats-Unis restent mobilisés pour promouvoir son développement. A titre d’exemple, une action renforcée des Etats-Unis et de l’Union dans le cadre de « l’initiative pour la transparence dans les industries d’extraction » serait très productive.

Notre but conjoint doit être de faire de l’Afrique un acteur de la mondialisation, en développant son intégration en particulier à travers l’Union africaine, dans le domaine de la gestion des crises, du rétablissement et de la consolidation de l’Etat de droit, de la démocratie, des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance.

2. Deuxième sujet : la situation au Proche et Moyen-Orient.

Priorité du dialogue transatlantique, compte tenu du rôle-clef du conflit israélo-palestinien dans les crises régionales et des inquiétudes que suscite la montée en puissance de l’Iran.

Le processus de paix. Nous devons agir ensemble, sans attendre, et ne pas repartir de zéro. Le temps joue en faveur des extrémistes et menace l’idée même de deux Etats. Paramètres Clinton et legs de Taba hier comme les déclarations d’Ehud Olmert et d’Abou Mazen aujourd’hui montrent que la paix est possible, ses contours connus et largement acceptés : Jérusalem, capitale de deux Etats, frontières sur la base de la ligne de 1967 avec un échange limité et équilibré de territoires, solution juste mais réaliste à la question des réfugiés. Il faut, pour atteindre cette paix tant attendue, s’appuyer sur les acquis d’Annapolis.

L’UE doit chercher le plein engagement des Etats-Unis sur le processus de paix dès le début du mandat du nouveau Président. Les Etats-Unis et, sur la base de l’actualisation de la stratégie d’action qu’elle a définie, l’Union Européenne, peuvent y concourir :

  • en contribuant à l’édification d’un Etat palestinien viable, doté d’institutions fortes, respectueuses de l’Etat de droit ;
  • en participant si nécessaire à la sécurité, en accord avec les protagonistes ;
  • en créant et/ou en mettant en œuvre un mécanisme visant à traiter la question des réfugiés, fondé sur un partage du fardeau équitable.

Européens et Américains doivent enfin peser plus fortement sur le contexte même de cette négociation. Les Palestiniens ont fait des efforts convaincants en matière de sécurité, qu’il faut continuer à encourager : à ceux-ci doit à présent répondre le gel total de toutes les activités de colonisation, comme le prévoit la Feuille de route. La colonisation constitue une hypothèque majeure pour un accord de paix.

Il nous faut enfin (dans le contexte notamment du rehaussement de la relation entre l’UE et l’Etat hébreu) soutenir la poursuite par Abou Mazen au-delà de janvier 2009 de sa mission à la tête du peuple palestinien et favoriser un dialogue entre Israël et les pays arabes en y intégrant l’Initiative arabe de paix, ainsi que la réconciliation interpalestinienne, en soutenant l’initiative égyptienne en ce sens : c’est le meilleur moyen de contenir les radicaux et de contribuer au maintien du cessez-le-feu.

La Syrie et le Liban. Nous devons répondre aux évolutions positives récentes : sortie de la crise institutionnelle libanaise, négociations indirectes israélo-syriennes, reconnaissance du Liban par la Syrie avec échange d’ambassadeurs. L’UE et les Etats-Unis doivent ensemble encourager ces ouvertures, les favoriser de manière pragmatique. Car nous partageons les mêmes objectifs : souveraineté et stabilité du Liban, normalisation effective entre la Syrie et le Liban, ouverture de négociations de paix directes entre ces deux pays et Israël. Cette attitude convergente des Européens et des Américains pourra aider la Syrie, pays laïc, à prendre conscience de qu’elle a plus intérêt à se rapprocher de nous qu’à coopérer avec l’Iran.

Une approche globale de la région est nécessaire, incluant le Liban et la Syrie mais aussi le facteur de risque iranien. Plusieurs acteurs au Proche et Moyen-Orient ne partagent actuellement pas notre refus de l’alternative catastrophique - bombe iranienne ou bombardement de l’Iran.

L’Irak. Notre intérêt commun est de contribuer au succès de l’Irak. Ce pays commence à se stabiliser et à se reconstruire. Il doit retrouver tout son rôle dans la région et affirmer son indépendance et sa souveraineté. L’Irak peut incarner demain dans un Moyen-Orient conflictuel la possibilité d’un Etat démocratique où coexistent chiites, sunnites et chrétiens, arabes et kurdes. L’Union européenne entend donc se réengager sans attendre dans ce pays.

L’Iran. La poursuite du programme d’enrichissement constitue l’une des menaces les plus graves pour le système international de non prolifération et la stabilité de la région, ainsi qu’un risque pour la crédibilité du Conseil de sécurité des Nations unies et de notre action, depuis que nous avons pris l’initiative sur cette crise en 2003. Les Européens ont fait front commun. Ils ont pu rallier les Etats-Unis puis la Russie et la Chine. Nous devons poursuivre sur la double voie actuellement suivie. La situation de plus en plus désastreuse de l’économie iranienne, que la baisse des prix du pétrole va encore empirer, renforce l’effet des sanctions.

La détermination des Européens à renforcer la pression sur l’Iran, dans les différents cadres qui s’offrent à nous, doit se concrétiser. Elle s’accompagne d’une pleine disponibilité au dialogue, à laquelle l’Iran n’a encore, malheureusement, pas répondu.

Nous restons ouverts à un dialogue constructif reconnaissant que l’Iran, grand pays par son histoire et sa situation, joue un rôle régional important. Mais les réponses iraniennes sont restées décevantes jusqu’à présent. Aussi longtemps qu’un dialogue substantiel n’a pas commencé et que l’Iran n’a pas suspendu ses activités nucléaires sensibles, comme l’exige le Conseil de sécurité des Nations unies, nous devrons afficher clairement notre détermination à accroître la pression sur l’Iran.

Faire front commun contre la menace implique de poursuivre l’effort de transparence réciproque. En particulier, une reprise du dialogue entre les Etats-Unis et l’Iran pourrait sous certaines conditions être utile ; si elle se concrétisait, il serait indispensable de préciser comment un tel dialogue pourrait conforter notre approche commune et nos tentatives répétées.

3. Troisième sujet : la situation en Afghanistan et au Pakistan.

Perception par la population afghane que la situation sur le terrain change peu et résurgence des Talibans. En même temps, risques liés à l’évolution de la situation au Pakistan. Il est nécessaire de mieux utiliser les leviers dont nous disposons, pendant la fenêtre des six prochains mois.

L’Afghanistan, d’abord. La détermination des Européens à poursuivre et à accroître leurs efforts, sur les plans civil et militaire, aussi longtemps que nécessaire pour gagner, est essentielle. Elle doit être réaffirmée. Il s’agit moins de redéfinir nos objectifs que d’assurer la pleine mise en œuvre de ceux qui ont été déterminés lors du Sommet de Bucarest et de la conférence de Paris. La solution ne peut être seulement militaire.
Notre préoccupation première doit demeurer l’exercice par les autorités légitimes afghanes de toutes leurs responsabilités, à commencer par le domaine de la sécurité. C’est à cette aune que nous devrons déterminer conjointement l’horizon de notre présence.

Il faut donc travailler à donner aux autorités afghanes les moyens d’assumer progressivement seules leurs responsabilités : en consolidant notre présence militaire et en renforçant notre assistance à l’ANA, en aidant le pouvoir central à renforcer sa crédibilité dans les provinces (justice, police, lutte contre la corruption) tout en tirant les leçons de l’expérience d’EUPOL, en apportant notre soutien aux initiatives politiques que les autorités afghanes souhaitent engager, tant sur le plan international que local, pour cheminer vers un Afghanistan réconcilié avec lui-même. Nous devons continuer à renforcer la mission de police européenne, et rendre son action crédible. L’organisation des élections de 2009 sera un enjeu majeur, qui requerra une contribution financière conséquente. L’engagement européen sera à la hauteur des enjeux.

Il faut par ailleurs renforcer la cohérence entre les stratégies civile et militaire, comme entre les différents volets de l’action militaire. Pour cela, notre soutien politique et matériel au Représentant spécial du SGNU doit être sans faille.

Les voisins de l’Afghanistan ont également un rôle essentiel dans la sécurité et dans la stabilité du pays : notre approche d’ensemble doit intégrer cette dimension régionale.

Sur le Pakistan, ensuite, les évolutions récentes doivent être encouragées et confortées, en particulier le rapprochement engagé entre Islamabad et Kaboul depuis l’élection de Asif Ali Zardari, ainsi que la détermination des nouvelles autorités militaires pakistanaises à changer d’approche envers les Talibans et leur apparent changement d’attitude envers l’Inde. L’initiative du G8 va dans ce sens.

Dans ce contexte, il est indispensable qu’Européens et Américains fassent preuve d’une plus grande transparence réciproque sur l’assistance économique et militaire apportée, et sur la démarche politique dans laquelle celle-ci doit s’inscrire. Aujourd’hui, une priorité s’impose : accompagner le gouvernement pakistanais dans sa volonté de lutter contre l’extrémisme où qu’il se situe (en Afghanistan ou au Pakistan) : il ne pourra y avoir de stabilité au Pakistan tant que l’Afghanistan est en guerre, et l’Afghanistan sera en guerre tant que les insurgés afghans continueront à recevoir un soutien de l’extérieur.

Nous devons rapidement réfléchir à accroître l’assistance économique et commerciale que nous pouvons apporter au Pakistan et à la façon de coordonner notre appui dans le cadre du groupe des « Amis du Pakistan ». L’UE pourra développer un dialogue fructueux avec les Etats-Unis dans ce domaine si elle met en œuvre une politique globale pour le développement du Pakistan, qui s’attaquerait aux causes de l’insécurité.

4. Quatrième sujet : la relation avec la Russie.

Nous reconnaissons tous que la Russie est un meilleur partenaire que ne l’était l’Union soviétique. Mais nous ne pouvons nous contenter de cela. La Russie aspire à jouer un rôle à la mesure de sa puissance retrouvée. Par leur action conjuguée, l’Union européenne en parlant d’une seule voix et les Etats-Unis doivent engager la Russie à respecter pleinement les règles du jeu international.

La Russie a un rôle-clé. Dans leur relation avec elle, l’Union européenne et les Etats-Unis doivent continuer à défendre leurs valeurs communes. En tenant le même langage à son égard, nous devons appeler la Russie à respecter pleinement les règles du jeu mondial.

La crise géorgienne a montré que les Européens ont su faire entendre raison aux deux protagonistes, arrêter le conflit et le déploiement des troupes, et, en l’espace de deux mois seulement, les rapprocher d’une même table de négociation. Ils ont acquis une voix et une légitimité. C’est sur cette base que nous devons inventer avec la Russie une nouvelle forme de dialogue marquant nos ligne rouges, comme la situation des droits de l’Homme ou le respect de l’intégrité territoriale des Etats souverains, et montrer à la Russie, à chaque étape, l’avantage de faire aussi, elle-même, ce choix et d’abandonner la confrontation.

Cet équilibre implique, pour les Américains comme pour les Européens, la définition d’une politique cohérente qui s’inscrive dans la durée, qui tienne compte des intérêts légitimes de toutes les parties mais respecte aussi les valeurs qui sont les nôtres. Une bonne coopération transatlantique dans la recherche des solutions satisfaisantes aux questions qui demeurent à l’issue du conflit géorgien est, à cet égard, nécessaire.

Nous devons ensemble faire comprendre à la Russie qu’une politique de puissance se retournerait contre elle et qu’elle porte également une responsabilité dans l’efficacité du fonctionnement du Conseil de sécurité. Outre qu’il s’agit d’inciter la Russie à respecter les règles des organisations dont elle est déjà membre, cette politique nécessite un réinvestissement :

  • par et sur l’économie. L’enjeu, c’est d’inciter ce pays à se doter de règles prévisibles et stables. L’objectif, c’est l’accession de la Russie à l’OMC, à l’OCDE et à l’AIE et la concrétisation d’un espace unique de coopération économique entre l’Union européenne et la Russie qui comporte toutes les composantes d’une politique énergétique conjointe. Le développement d’une réelle économie de marché en Russie contribuerait au rapprochement de ce pays de notre vision du monde.
  • dans le domaine de l’énergie, l’Union européenne s’est engagée à mettre en œuvre des politiques internes et externes plus cohérentes, qui se traduiront par une plus grande diversification de ses sources et de ses routes d’approvisionnement. Il est essentiel que les Européens travaillent étroitement avec les Américains, notamment pour permettre à de nouveaux fournisseurs d’accéder au marché global.
  • dans le champ de la sécurité européenne. Face aux incertitudes actuelles sur le traité FCE, Européens et Américains doivent faire pression sur la Russie pour qu’elle en respecte les termes. Mais ils ont aussi intérêt à examiner attentivement, notamment dans le cadre de l’OSCE, les propositions « Medvedev » et à y répondre lorsqu’elles auront été précisées. Ils doivent faire comprendre à la Russie qu’une approche de partenariat n’est pas compatible avec des menaces ouvertes contre certains partenaires européens et leur intégrité territoriale. Tout en maintenant le rôle de l’OTAN, nous devons inscrire notre sécurité commune dans un cadre rénové.
  • la prise en compte d’une dimension régionale est essentielle et une attention toute particulière doit être prêtée à l’évolution des pays voisins de la Russie : Ukraine, Biélorussie, etc…. En lançant son « Partenariat oriental » et en mettant en œuvre sa stratégie pour l’Asie centrale, l’UE démontre ainsi que, tout en refusant la logique d’un isolement de la Russie, il est possible de proposer une alternative à la logique de la « sphère d’influence » russe. Nous devons inviter les Etats-Unis à soutenir nos efforts visant à appuyer la transition des pays de cette région et à répondre à leurs besoins actuels.

Sur l’ensemble de ces sujets, la coopération avec la Russie est indispensable : Iran, énergie, climat, efficacité du multilatéralisme… La Russie éprouve les mêmes difficultés que toutes les grandes places internationales face à la crise financière. Nous devons nous asseoir à la même table et l’inclure, dans tous ses domaines dans un cadre plus vaste en y associant les autres puissances émergentes (notamment Chine, Inde, Brésil). A l’Est-Ouest, ne doit pas succéder le Nord-Sud.

***
D’autres sujets peuvent, à l’évidence, figurer dans notre dialogue et dans des actions communes avec nos alliés et amis américains. Mais nous ne serons audibles, à Washington, que si nous savons hiérarchiser nos priorités, en tenant compte également de l’intérêt que leur porte spontanément Washington./.

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