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Désarmement : compte à rebours pour un traité

vendredi 11 décembre 2009

LE MONDE | 04.12.09 |

Barack Obama réussira-t-il à arracher aux Russes un accord de désarmement qui pourrait être signé en marge de la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix, le 10 décembre à Oslo ? Alors que le traité Start de 1991 expire le 5 décembre, la Maison Blanche n’exclut pas une percée de dernière minute dans les négociations menées par les Etats-Unis et la Russie depuis des mois à Genève sur la réduction de leur arsenal nucléaire. « Improbable, mais toujours possible », selon un responsable américain.

La signature d’un accord de désarmement permettrait à M. Obama de nuancer l’image de « président de guerre » ayant décidé d’envoyer 30 000 soldats de plus en Afghanistan. Elle lui offrirait un succès diplomatique non négligeable : dix mois après avoir été inaugurée, la « relance » (reset) des relations avec Moscou n’a pas encore porté de fruits spectaculaires, même si la Maison Blanche se félicite de la coopération russe sur l’Afghanistan et d’un pas dans la bonne direction sur l’Iran.

Depuis le printemps, l’administration américaine a déployé des efforts considérables en direction de Moscou. M. Obama a rencontré Dmitri Medvedev à une demi-douzaine de reprises, soit plus souvent que ses autres homologues. En septembre, il a fait une concession importante, en renonçant au bouclier antimissile prévu par George Bush, notamment en Pologne et en République tchèque.

En retour, les signaux qui viennent de Moscou continuent d’être contradictoires. Jeudi, le président Medvedev a apporté son soutien à l’effort américain en Afghanistan, rappelant que la Russie avait autorisé, en juillet, le survol de son territoire par 4 500 avions militaires américains par an, y compris pour le transport de troupes. Il a aussi proposé que l’armée russe forme des policiers et militaires afghans.

Mais le même jour, le premier ministre, Vladimir Poutine, a eu des mots sans complaisance pour les Etats-Unis, accusés d’empêcher l’entrée de la Russie dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle elle postule depuis quinze ans. Et il a de nouveau affirmé ne pas avoir « d’informations selon lesquelles l’Iran utiliserait le nucléaire à des fins militaires », alors que Moscou s’est associé, la semaine dernière, au vote de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) réprouvant les activités nucléaires de l’Iran.

Pierre angulaire de la relance des relations : la renégociation du traité Start I signé en 1991 par George Bush père et Mikhaïl Gorbatchev.

Sur les grandes lignes, les deux parties sont d’accord. Dès leur rencontre à Moscou en juillet, MM. Obama et Medvedev avaient évoqué une réduction sur sept ans des têtes nucléaires (de 1 500 à 1 675 chacun, contre moins de 6 000 chacun actuellement) et des vecteurs (entre 500 et 1 100 contre 1 600). Reste à trouver un compromis sur le comptage des lanceurs mobiles et le mécanisme des inspections.

Moscou ne veut plus entendre parler du poste américain de contrôle à Votkinsk (Oudmourtie), à 900 km à l’est de Moscou, qui doit fermer le 5 décembre. Trente inspecteurs américains installés depuis quinze ans y surveillent la production des missiles SS-27 Topol-M et SS-26 Bulava. Les Russes ont perdu le droit de maintenir de semblables inspecteurs aux Etats-Unis en 2001, lorsque le site de production de missiles Peace Keeper, dans l’Utah, a fermé.

Ils s’inquiètent aussi des missiles de croisière américains non stratégiques, sans succès. Le Pentagone, qui a fait passer à usage conventionnel des systèmes comptabilisés en 1991 comme nucléaires, ne souhaite pas que ses sous-marins soient inclus dans l’arsenal.

L’autre revendication russe consiste à vouloir lier les armements stratégiques et la défense antimissile. Or pour Washington, lier la réduction des arsenaux nucléaires et la défense antimissile est difficilement envisageable. La moindre limitation sur les antimissiles réduirait les chances de ratification du traité par le Sénat, où M. Obama a besoin d’une majorité des deux tiers (67 voix). Les républicains ont des réserves, estimant les nouvelles procédures de vérification pas assez contraignantes.

Le général James Jones, conseiller à la sécurité nationale, s’est montré optimiste, jeudi, sur les négociations « contre-la-montre », a-t-il dit, qui continuent à Genève. « Les Russes sont demandeurs. C’est un sujet très complexe. Il ne nous reste plus que quelques derniers paragraphes », a-t-il dit, dans une interview à la chaîne Fox News. « Si nous pouvons terminer pour le 5 décembre, c’est bien. Peut-être cela sera un ou deux jours plus tard. » Les deux présidents se sont entretenus lundi et ont prévu de se reparler. Dans le cas où ils ne parviendraient pas à aplanir les divergences, les deux parties devraient s’entendre sur un accord de prolongation des arrangements actuels.

Ces difficultés sont normales si l’on se souvient que Start I est le traité le plus complexe de l’histoire du désarmement, mais elles soulignent néanmoins les limites de la « relance ». L’administration Obama avait quelque peu sous-estimé la difficulté de s’entendre avec Moscou sur les armements stratégiques. Or, justement, elle voudrait en finir au plus vite afin de passer à l’étape supérieure, la non-prolifération et le soutien russe dans le dossier nucléaire iranien.

Washington, Moscou Correspondantes Corine Lesnes et Marie Jégo
http://www.lemonde.fr/europe/articl...

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Notes

[1Les Etats-Unis perdent leur contrôle des armes nucléaires russes .

Le Traité sur la réduction des armes stratégiques offensives (START-1) viendra à expiration le 5 décembre.

Les inspecteurs américains doivent quitter l’usine militaire de Votkinsk (en Oudmourtie). La mission de contrôle sur la production de missiles stratégiques russes qui avait commencé à l’époque de l’URSS a pris fin.

L’usine de constructions mécaniques de Votkinsk est la principale entreprise du complexe militaro-industriel russe. C’est là que sont assemblés les missiles balistiques intercontinentaux de nouvelle génération Topol-M, les missiles dotés d’ogives mirvées à guidage individuel RS-24 et les missiles stratégiques de stationnement naval Boulava.

Le travail sur le Traité START-2 est, en fait, le projet militaire et diplomatique commun le plus important de la Russie et des Etats-Unis depuis la désintégration de l’URSS. Les deux Etats ont réussi jusque-là à s’entendre tant bien que mal sur les questions dépassant formellement le cadre des relations bilatérales (l’élargissement de l’OTAN à l’Est, la participation à l’opération anti-terroriste en Irak et en Afghanistan, les projets de déploiement du troisième échelon du système américain de défense antimissile en Europe de l’Est etc.). C’est pourquoi aussi bien tout le contexte des relations russo-américaines que la formation d’un nouveau système de sécurité globale dépendent, pour beaucoup, du succès des négociations START-2. Les divergences entre les deux grandes puissances nucléaires dans la politique militaire ne peuvent pas ne pas se répercuter sur le climat politique du monde entier.

En ce qui concerne le problème concret du nouveau mécanisme de contrôle des armements stratégiques offensifs en Russie et aux Etats-Unis, il est important moins en tant que tel que pour évaluer la confiance mutuelle. Par conséquent, le fait même qu’aie lieu les négociations de START-2, bien que leur date limite soit dépassée, permettent à la Russie et aux Etats-Unis qui entretiennent un dialogue permanent d’oublier leurs soucis communs.
Le départ des contrôleurs militaires américains de Votkinsk où se trouve l’une des plus grandes usines d’armement russes est effectivement un événement historique. Les inspecteurs américains y étaient venus pour la première fois en 1988, lorsque, conformément au Traité soviéto-américain sur la liquidation des missiles à moyenne et à plus courte portée, avait été introduit un contrôle mutuel permanent dans deux entreprises : à l’usine de constructions mécaniques de Votkinsk et à l’usine américaine Hercules de Magna (l’Utah). Cette catégorie de missiles a été liquidée dans les deux pays. Vingt inspecteurs américains jouissant de l’immunité diplomatique ont poursuivi jusque-là leur mission de surveillance à Votkinsk conformément au Traité START-1.

Signé entre Moscou et Washington en juillet 1991 (c’est-à-dire à l’époque de l’URSS) à Moscou, il est entré en vigueur le 5 décembre 1994. Conformément au traité START-1, les parties devaient réduire de part et d’autre le nombre des ogives nucléaires à 6000 et celui de leurs vecteurs, à 1600. En 2002, à Moscou, les deux pays ont conclu un Traité supplémentaire sur la réduction des potentiels stratégiques offensifs appelé, par plaisanterie, un « gentlemen’s agreement », car il donnait à bien des égards une liberté d’action aux deux parties. Ce traité limitait le nombre des ogives nucléaires opérationnelles à 1700-2200 de part et d’autre.

Des négociations russo-américaines intensives sur le contenu et la structure du nouvel accord sur les armements stratégiques offensifs se poursuivent depuis le 9 novembre dernier à Genève.

La délégation russe comprend 40 experts du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense, des services secrets, de Roskosmos (Agence aérospatiale russe) et de Rosatom (Agence russe de l’énergie atomique). La délégation américaine compte plus de 50 membres, dont les experts de la NASA, de la CIA, des troupes terrestres, des forces navales et aériennes. Les participants aux négociations ont été divisés en quatre groupes de travail, dont deux se réunissent le matin et deux autres, l’après-midi. Les délégations se rencontrent, à tour de rôle, dans les missions diplomatiques russe et américaine.

Le général d’armée Nikolaï Makarov, chef d’état-major général de l’armée russe, et l’amiral Michael Mullen, chef d’état-major des armées des Etats-Unis, se sont rencontrés pour la première fois dans le cadre des négociations START-2. Ils ont reconnu que les négociations avaient fait ressortir des divergences sur le caractère du contrôle et des inspections et sur les futures réductions des armements offensifs.

La partie américaine insiste sur la nécessité de maintenir la mission des inspecteurs, ainsi que sur le durcissement du contrôle des systèmes de missiles mobiles basés au sol Topol et Topol-M. 

En raison des divergences, seuls les plafonds approximatifs des réductions conformément au futur traité ont été rendus publics : le nombre des vecteurs stratégiques, 500-1100, celui des ogives nucléaires, 1500 à 1675. La Russie propose que le nouveau traité soit juridiquement astreignant et qu’il soit ratifié par la Douma (chambre basse du parlement russe) et le sénat américain. La Russie propose aussi d’élaborer un autre mécanisme de contrôle, moins rigide, du respect de l’accord.

Il ne convient pas de transposer le vieux mécanisme dans le nouveau traité, estiment les experts russes. La Russie qualifie de superflues les mesures, dans le cadre desquelles les inspecteurs américains contrôlent une entreprise d’armement qui produit des missiles stratégiques assurant la capacité défensive de l’Etat. Selon la partie russe, il y a de nombreux autres moyens de se persuader de l’honnêteté et de la transparence du partenaire.

Bien que les présidents russe et américain soient certains que le nouveau traité sera tout de même déjà signé à la fin de l’année, les spécialistes affirment que, même dans ce cas, la Russie et les Etats-Unis ne pourront pas ratifier ce document avant mai 2010. L’absence de base juridique ne permet pas aux inspecteurs américains de rester en Oudmourtie.

De longues années durant, vingt inspecteurs américains ont contrôlé jour et nuit, en se relayant, le travail de l’usine secrète de missiles russe. Cependant, une mission analogue russe n’a pas existé aux Etats-Unis. Premièrement, en raison des difficultés financières dans les années 90 du siècle dernier, la Russie a unilatéralement renoncé à l’inspection de l’usine analogue américaine. Deuxièmement, les Américains ne produisent plus, depuis plusieurs années, de missiles balistiques intercontinentaux en misant sur les missiles de croisière, c’est pourquoi les experts russes n’ont rien à contrôler.

Les Etats-Unis ont établi une procédure complexe de vérification en choisissant une usine sans analogues pour la surveillance ininterrompue. Un capteur spécial enregistre l’approche d’un moyen de transport. Si un wagon ne suscite pas de soupçons, car sa longueur est plus courte que celle d’un missile, les observateurs soulèvent la barrière et le signal lumineux vert s’allume. A la sortie de l’usine, les produits sont reflétés sur les moniteurs des observateurs américains. Des dispositifs techniques déterminent les dimensions de la cargaison, enregistrent et conservent leur image. Ensuite, l’information parvient au centre de collecte des données où le personnel étranger est présent jour et nuit. Les wagons ferroviaires d’une grande capacité qui peuvent contenir hypothétiquement un missile sont minutieusement vérifiés. En 20 ans plusieurs milliers de wagons semblables sont sortis de l’usine.

Un spécialiste de l’entreprise faisant partie du groupe d’accompagnement assiste aux manipulations des contrôleurs. Au moins deux fois par jour, à n’importe quel moment, les inspecteurs américains accompagnés des employés de l’entreprise font la ronde sur le territoire de l’usine sur 4,5 km. Durant toutes les années de surveillance, les inspecteurs ont parcouru une distance qui dépasse d’une fois et demie la longueur de l’équateur. Le but principal de ces « promenades stratégiques » consiste à vérifier si de nouvelles portes ne sont pas apparues et s’il n’y a pas eu de tentative de sortie non autorisée d’une cargaison. Mais, durant toutes les années de fonctionnement de l’inspection américaine à Votkinsk, aucune infraction des clauses des accords internationaux venue de la Russie n’a été enregistrée.


*http://fr.rian.ru/

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