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Les valeurs fondatrices de la République

lundi 13 mars 2017

Nous poursuivons donc notre exploration de cet épais mystère des temps modernes qu’est l’opposition droite/gauche. Mystère parce que la vérité n’est ni de gauche ni de droite, encore faut-il admettre qu’il existe une réalité objective indépendante des parti-pris et des idéologies. Antagonisme gauche/droite sur lequel les modernes ont choisi de s’affronter en une épuisante guerre civile froide commencée en l’espèce voici deux siècles. Aberrant couple moteur qui épuise nos forces et stérilise nos efforts. Aujourd’hui cette nouvelle étape nous conduira à décortiquer le premier de ces deux idéaux archétypiques que sont la Liberté et l’Égalité. Quant à la Fraternité nous la laisserons de côté pour son absence de valeur structurante du domaine sémantique qui nous intéresse. En effet la « fraternité » ne joue dans cette configuration épistémique qu’un rôle subalterne, celui d’un espace intermédiaire ou d’interface entre l’un et l’autre des deux pôles magnétiques organisant notre champ politique et social.

Au préalable notons que ces super Valeurs réputées universelles n’ont bien entendu ni le même sens ni le même contenu pour tous et en tout temps. De là à dire que la démocratie libertaire/égalitaire relève d’un jeu de miroirs et d’une mise en abîme, il n’y a qu’un pas ! Ce qui est censé unir divise car la Liberté des uns n’est évidemment pas celle des autres. Dès l’origine, l’idée, en principe consensuelle, est le lieu d’un navrant quiproquo. Le ver était dans le fruit. Vice natif des « Lumières », celles-ci ne raisonnèrent que sur des abstractions, ce qui en dit long sur leur absence d’expérience directe des choses de la vie… ou sur l’aveuglement volontaire de gens qui ne sortaient de leur cabinet de travail que pour le commerce des élégances de l’esprit dans les salons à la mode. Un défaut de méthode et une tare intellectuelle que deux siècles après la Révolution nous payons encore et que nous ne sommes pas parvenus à surmonter. Rousseau pas plus que Marx, n’est mort et ces grands faux esprits continuent de polluer la pensée de ceux de nos contemporains qui se montrent incapables de confronter des constructions intellectuelles délirantes avec la réalité vraie.

Nous n’insisterons pas davantage sur cette grave maladie génétique de l’esprit, nous laisserons ce soin à de plus compétents. Notons simplement que la démocratie – et c’est l’une de ses grandes déficiences - encourage en supprimant toute hiérarchie insupportable à sa mystique égalitariste, les insuffisants mentaux à participer à la cacophonie ambiante. Ainsi dans ce concert de grenouilles démesurément enflées, le barbouilleur dont les graffiti sont accrochés aux cimaises des musées, se voit comme l’égal des plus grands… et la critique le donne pour tel : Basquiat [1] égale Rembrandt ! N’importe qui y va de son opinion, chacun s’affuble de la capacité de penser et le fait savoir. Tout cela forme un merveilleux terreau qu’ensemencent à l’envi les idéologues professionnels, ces semeurs de chaos mental, ces marchands de sables qui font miroiter aux yeux des chalands de la pacotille transmutée en gemmes étincelants. C’est ainsi que se font élire des incapables majeurs qui ruinent et étrillent la foule des jobards imbéciles ayant cru en leurs discours chantournés. Hélas le rêve et l’espoir terrestres se situent plus souvent dans la maison du mensonge que dans celle des vérités libératoires. Aussi n’est-il pas neutre que le mensonge se présente régulièrement comme l’incarnation du souverain Bien et que ceux qui le dénoncent pour tel, deviennent par contrecoup l’expression active du Mal. Cette part maudite qui réside en l’homme, mais uniquement dans l’homme égoïste parce que possédant qui ne veut ni partager, ni accueillir le premier venu. Renoncez à vos biens (nécessairement mal acquis sur le dos et la sueur du pauvre) et vous accéderez illico au paradis d’ici-bas [2].

Liberté, liberté chérie

Notons d’entrée de jeu que si le concept est totalement abstrait, de grandes divergences se font jour quant à l’interprétation et au contenu de la chose. À gauche la Liberté, érigée en idole est de fait sacralisée. D’où ce L majuscule qui désigne une entité aux contours brumeux relevant d’une expérience proprement ineffable, presque irrationnelle. Cette Liberté est en effet quelque chose perçue dans l’instant, une impression, un état d’âme (pour qui en possède une), plus qu’elle ne s’appréhende et se comprend. Une émotion plus qu’un sentiment. L’ingénieur polonais Ferdynand Ossendowski, dans sa biographie romancée de Lénine (1931), brosse le tableau saisissant de l’ivresse de liberté animant des paysans alors qu’ils incendient la demeure de leur barine… « le plus beau jour de ma vie » hurlent-ils à tue-tête ! Précisons que le hobereau victime expiatoire de la suicidaire libération de paysans de facto déjà libres – parce que le servage a été supprimé en mars 1861 par Alexandre II – est assez souvent, non un vil exploiteur, mais un chef de communauté bienveillant et secourable.

Nous voyons dans ce récit que la Liberté se conquiert par l’opprimé supposé contre un oppresseur tout pareillement putatif. Il suffit de se sentir opprimé et de crier haro sur l’oppresseur, tout est ici une question de mots. Est aussi opprimé celui à qui l’on enseigne qu’il l’est… et en lui inculquant un désir de liberté qui s’avérera plus tard n’être qu’un leurre. Contradiction : les salariés qui n’ont de cesse de casser l’outil productif ou de le ralentir par la grève, qui font preuve d’une sourde rancœur à l’égard du patron, pleurent misère quand l’usine ferme ! Tel est l’un des multiples paradoxes de la revendication de liberté, notion subjective nourrie d’exigences irraisonnées et ne voyant pas plus loin que l’instant présent… Inutile de dire que les paysans russes que décrit Ossendowski une fois dessoûlés, vont rapidement découvrir ce que recouvrait le slogan léniniste « la terre vous appartient »… la dépossession et la persécution sanguinaire par un régime qui leur avait promis une liberté sans contenu et qui les méprisait jusqu’à les exterminer [3].

Notons bien au final qu’à gauche la notion de Liberté est consubstantielle de celle d’oppression. Oppression de l’employeur, de la famille, des aînés, des nantis, des blancs sur les gens de couleur… la Liberté ne se penserait adonc, mécaniquement, qu’en termes de méchants et de bons. Hélas s’il suffisait pour être bon d’être prolétaire et éventuellement opprimé, cela se saurait et l’univers serait simplissime ! Bien entendu, parce qu’opprimé sui generis, le “peuple de gauche” est invité à se battre contre des atteintes à la liberté, la leur, la seule qui soit juste et fondée en droit. Cela serait bel et bon si la France d’en bas censément ouvrière n’était en train de passer de l’autre côté de la barricade dans le camp populiste. Parce que tout démontre que la révolution en cours est avant tout celle d’une néo bourgeoisie intellectuellement apatride…

C’est ainsi, dans le monde orwellien qui est le nôtre, qu’au nom de la Liberté s’exerce désormais une tutelle oppressive des plus perverses partant du postulat implicite que la société ne saurait être composée que d’opprimés et d’oppresseurs. Une version maquillée de la lutte des classes, cette chimère sociologique sur laquelle se fonde le messianisme athée. Une lutte perpétuelle qui se joue paradoxalement à front renversé car ce sont les néo bourgeois du haut de l’échelle qui dirigent la dislocation et la submersion du Vieux monde tandis que leurs ennemis déclarés sont ceux qui à la base se montrent rétifs aux charmes vénéneux des sirènes exotiques de leur Liberté sans rivages. Liberté tissée de droits émergents, non encore tout à fait consolidés (telles la disparition des frontières, le droit à une transsexualité décomplexée associée à une totale mixité des genres et des races) qui justifie l’adoption d’une posture offensive se traduisant en une agressivité et une intolérance idéologique de tous les instants. Jusqu’à la mort sociale et silencieuse de ceux qui, tacitement frappés d’indignité nationale, renâclent trop ouvertement à embrasser les nouvelles normes.

Loin de nous l’idée que les persécutions, religieuses, sociales, ethniques , soient une illusion, cela serait un comble pour nous qui vivons plongés dans le goulag mou du politiquement correct. Une asphyxiante restriction de la pensée qui réduit de façon extraordinaire la liberté de parler, de communiquer, de penser et finalement d’être tout court. C’est que la dictature du Bien (un certain bien sur lequel nous reviendrons ultérieurement) en guerre contre l’ordre antérieur, n’accepte pas de laisser accroire qu’il ait pu auparavant prospérer une autre vérité que la sienne. Qu’il eut pu exister autre chose que l’Idée du monde qu’elle nous impose. La tabula rasa ne le permet pas. Un dénommé Apathie voulait démolir Versailles [4]. Il avait raison, le passé est un témoin trop gênant pour ne pas l’évacuer une fois pour toutes. C’est une question de survie tant sont fragiles les bases sur laquelle la moderne tyrannie de l’esprit repose.

La Liberté, pilier constitutionnel

La Constitution du 24 juin 1793 « proclame, en présence de l’Être suprême, la déclaration suivante des droits de l’homme et du citoyen  », laquelle dispose en son Article 9 que « La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent. Art. 33 - La résistance à l’oppression est la conséquence des autres Droits de l’homme. Art. 34 - Il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé. Art. 35 - Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

On aura bien compris que la liberté se confond et s’assimile à des droits tangibles. Mais pourquoi faut-il nécessairement que la Liberté soit juridiquement formalisée ? Force est aussi de constater que de nos jours, au nom de la Liberté et de La République, le droit de résistance à l’oppression (intellectuelle pour ne prendre que ce cas) est devenu un songe… Un mot de travers sur les réseaux dits sociaux, vous expose à de faramineuses amendes et à de l’embastillement. Un homme politique vient d’en faire, une fois de plus, l’expérience, en voyant son immunité parlementaire européenne levée pour l’emploi d’un seul mot tabou : « fournée » [5] .

De ce point de vue la démocratie, incarnation du Bien et du Peuple tout deux a priori réputés souverains, ne saurait souffrir la discussion, elle revêt un caractère sacrée que nul ne peut avoir la faculté de contester. Cependant comme le proclame Saint-Just [1767/1794] « pas de liberté pour les ennemis de la liberté  ». Devise reprise, certes en termes plus édulcorés, par la charte universelle des Droits de l’Homme en son article 29 alinéa 3 : « Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies  ». Article qui annule et met à bas tout l’édifice en déclarant que les disposition de la dite charte ne s’applique pas à ceux qui n’y adhère pas inconditionnellement.
Or comment peut-on proclamer un droit tout en lui posant immédiatement des limites ? Il devrait pourtant s’agir de concilier la liberté d’expression avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui […]. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi  ». Mais qui fait la loi ? Selon quels critères et suivant quel code moral ? Sous la Ve République, le Parlement fixe ces limites. La loi, censée être l’expression de la volonté générale (l’on sait que les majorités ne sont que le paravents de groupes de pression et de minorités proactives) peut donc sanctionner les abus de cette liberté. Toujours est-il que la pornographie a libre cours, et que l’analyse historique est durement prohibée lorsqu’elle affleure certains domaines que la loi interdit même de nommer…

Dès lors La liberté d’expression n’est pas la liberté d’exprimer sa pensée mais le devoir de ménager celle des autres. Au risque de trouble fantasmatique à l’ordre public, je ne puis en conséquence aborder que des sujets plaisant à tous, non susceptibles d’offenser ou de blesser quiconque. La Déclaration de 1789 établissait en son Art. 4 que l’exercice des droits et libertés fondamentaux exposés n’avait de limites « que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits  ». Or nous sommes parvenus aux antipodes de cette proposition…

Maintenant si l’on s’attache de façon plus précise à la liberté d’expression, curieusement se trouvent absentes des Constitutions françaises du 27 oct. 1946 (IVe République) et du 4 oct. 1958 (Ve République) les dispositions de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui, en son article 11, prévoyait que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (n’oublions pas que la loi n’épouse pas la rigueur de la science, mais l’arbitraire de celui qui gouverne). Formulation qui se retrouvera peu ou prou dans l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 déc. 1948 : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Doit-on déduire des ombres et des silences de nos deux dernières constitutions que la liberté fondamentale de dire, écrire, communiquer n’appartient plus au domaine de nos libres démocraties ? Nous espérons nous tromper sinon il serait bon que cela se sache !

Il est maintenant hautement significatif que l’essentielle liberté d’expression (et en amont de penser librement, car à quoi sert d’avoir des pensées si ce n’est pour les partager et les échanger ?), ne figure plus dans les Constitutions ayant suivi et prolongé les événements révolutionnaires de 1944 ! Constitutions où l’influence de la gauche soviétisée et totalitaire n’est pas du tout négligeable… il faudra attendre février 1976 et le 22e congrès du Parti communiste français pour que celui renonce à la doctrine marxiste-léniniste de la dictature du prolétariat. Autrement dit à l’exercice d’un despotisme absolu, non pas de la part des masses ouvrières, mais de celle de la poignée d’apparatchiks dirigeant le Parti, courroie de transmission via l’Internationale communiste, des décisions du Politburo de l’Union des Républiques socialistes soviétiques.

« La liberté c’est l’esclavage »

Pseudo socialisme s’accomplissant aujourd’hui dans le Système libéral-libertaire œuvrant à la fusion des peuples, à l’effacement des frontières et à l’abolition des nations, processus par lequel les dernières individualités sont écrasées, broyées et diluées dans la masse. Nous savons ce qui se trouve en arrière-plan de la libération des peuples et de leur conversion aux vertus démocratiques, par la force (Levant) ou par la persuasion (l’Europe des commissaires politiques de Bruxelles). La démocratie prétend affranchir les hommes, mais en les asservissant, c’est-à-dire en liquidant ceux qui incarnent et symbolisent leur souveraineté, rois ou dictateurs, savants rebelles et sages résistants. Référons-nous à George Orwell et à ses trois lois d’airain : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force ».

Une servitude dans laquelle les foules se précipitent persuadées qu’elles sont de s’affranchir d’insupportables contraintes. Ne nous a-t-on pas assez martelé que la gauche émancipatrice nous avait délivrés du carcan d’un insupportable ordre moral ? Le progrès serait en l’occurrence toujours moins de contraintes, moins de morale naturelle (la nature de l’homme étant culturelle, c’est-à-dire non soumise à la nature), pour toujours plus de Liberté sauvage. Une liberté qui se paye au prix fort en ce qui concerne une licence des mœurs encouragée dès l’adolescence et que sanctionnent les maladies sexuellement transmissibles dont le fameux papillomavirus, l’avortement et ses séquelles, les déchirements affectifs, les vies gâchées. Mais que ne ferait-on pas pour libérer l’humanité des préjugés, des stéréotypes raciaux, de genre et autres (on ne parle plus de classes sociales parce qu’en grande partie dépassées). En fait, la liberté consiste ici à abolir toutes les lignes de démarcation dessinant la carte anthropologique et physique du monde. D’un trait de plume les montagnes sont arasées, les vallées comblées et les fleuves coulent à contre-pente.

Ainsi la liberté est-elle présentée comme une absence de contrainte garantie par la loi. Voir les droits sexuels reconnus aux plus jeunes, droits juridiquement protégés le cas échéant contre les parents eux-mêmes pour les mineurs. Par exemple une adolescente engrossée peut se passer de tout consentement parental pour se faire avorter. Le sujet est emblématique et résume l’évolution (ou l’involution) de nos sociétés. Ce pourquoi les mirages de la gauche on tant de succès : ils s’adressent à un profond instinct, ce que d’aucuns nommeraient le cerveau reptilien. Instinct de la satisfaction immédiate, de la gourmandise et du désir irrépressible, de la boulimie. L’ivrognerie sexuelle comme toutes les addictions, à l’instar de la paresse (le moindre coût énergétique), de la lâcheté ou de la consommation compulsive à laquelle nous invite le harcèlement publicitaire, tendent à corroborer le monisme matérialiste de l’« homo œconomicus  ». Achevant de cette manière la complétion de la théorie marxiste qui ne voyait la création de plus-value qu’à partir du producteur en omettant l’acheteur… le moteur économique à deux temps, fait succéder la destruction à la production.

Vivre sans entrave et jouir sans temps mort

Le droit de tout faire selon son bon plaisir est-il l’acmé de la liberté ? Le slogan des Situationnistes pré soixante-huitards, résume assez bien la philosophie de la société consumériste trouvant son apothéose dans la messe dominicale du supermarché et celle plus ordinaire du libre-service… la liberté alors se résume à la seule liberté de consommer… Une récente jurisprudence vient à ce propos de reconnaître aux femmes volages le droit irréfragable à l’infidélité, autrement dit au vagabondage extraconjugal dans et sur le dos du conjoint [6] . C’est là une indéniable avancée du droit qui par l’article 212 du Code civil imposait (impose toujours) des devoirs entre époux, entre autres celui de fidélité.

La notion de devoirs étant obsolète, les droits (sans obligation ni sanction) priment quant à la liberté de jouir selon son caprice et son humeur. Nous sommes cependant fort éloignés du « fais ce que voudras » de l’utopique abbaye de Thélème de François Rabelais (Gargantua 1535). Ce n’est pas le même état d’esprit. Dans ce cas de figure, la société montre sa pleine incohérence puisque de la loyauté contractuelle est de mise, surtout depuis une nouvelle réforme du droit des contrats [7]. On voit mal d’ailleurs des partenaires industriels et commerciaux dénoncer des accords sans respect de formes contraignantes et codifiées. Le mariage n’est-il pas, dans sa forme républicaine, un contrat qu’il conviendrait également de respecter ?

Constatons enfin que la société qui dans son discours pose le primat de l’altruisme (la Solidarité), en faisant passer le droit avant les devoirs (la liberté de jouir, d’un logement, d’un travail, de l’aide de l’État, de son corps et de celui des autres) promeut ici l’égoïsme le plus cynique pour ne pas dire le plus sordide. Jouissez aujourd’hui, demain viendra plus tard, un autre jour… ce qui revient à nier tout ou vouloir ignorer tout lien de causalité entre les actes et leurs effets. Telle est la liberté juridiquement octroyée puisque l’État prend en charge les conséquences fâcheuses des comportements libertaires en application de droits prévus et reconnus par la loi… tel le droit à une sexualité déviante, précoce ou débridée. L’État prend alors intégralement en charge l’avortement, les maladies vénériennes (qui ne sont en rien accidentelles), subvient aux besoins des mères célibataires, fournit de substantielles allocations aux drogués, aux alcooliques, vagueux et autres naufragés plus ou moins volontaires, déserteurs des intolérables contraintes de la vie en société.

La gauche caviar, issue du grand dérangement de mai 68, refuse en bloc toute contradiction, toute barrière, toute frontière, toute véritable responsabilité. Cette gauche délocalisée, mutante et nomade appartient au monde gazeux des bureaucraties transnationales, celles des méga groupes, et fonctionne sur le mode de la dilution de la responsabilité, défendant bec et ongles les droits des personnes oubliant derechef tous devoirs et obligations. Ceci démontre qu’à présent le libéralisme économique est faussement connoté de droite : le socialisme, à l’image des communistes chinois, s’est approprié l’économie de marché, faisant de la pensée libérale l’un des éléments clefs de la pensée unique… de la Gauche sourdement totalitaire.

Conclusion aphoristique : la liberté, le progrès dans la liberté, est la disparition de toutes contraintes. « Fais ce que tu veux selon ton caprice et ton humeur du moment  » est devenu un mot d’ordre général (à condition que cela ne crée pas un préjudice à autrui trop visible ou trop immédiat, les effets différés n’existant pas dans ce monde du jouir dans l’instant, un monde de présent perpétuel, ce qui néanmoins n’exclut pas les plans de carrière) dans la société du loisir. Et pour que les uns puissent jouir sans entraves ni temps mort, les frontières sont ouvertes à un néoprolétariat à bas coûts importés du Tiers-Monde. À partir de là, la liberté en progrès évolue à grande vitesse de la permissivité vers la licence, s’autodétruisant par la même occasion. Or avec la liberté sans limites c’est l’ordre social tout entier qui se délabre… se profile alors le spectre de la guerre de tous contre tous.

Liberté et responsabilité

Observons que l’appétence pour l’absence de toute contrainte revient à exonérer l’individu de toute responsabilité quant aux conséquences de ses actes. Mais il est vrai que dans nos sociétés imprégnées de marxisme, celui-ci est un déterminisme (au sens philosophique) d’où la liberté réelle est bannie : le criminel n’est pas responsable de ses actes, car c’est, dit-on, la société (la classe des propriétaires accapareurs) qui est coupable en affamant des classes laborieuses exploitées et jetées sur le pavé en tant que variables d’ajustement. Rappelons que les défenseurs d’un ordre social et moral strict, à la fin du XIXe Siècle, à l’époque où Karl Marx [1818/1883] écrivait Das Kapital, étaient pourtant les héritiers directs des Conventionnels enrichis grâce aux rapines des biens nationaux arrachés au clergé et aux émigrés. Manque de chance encore, ce sont les bourgeoisie associées à des aristocraties décavées qui en France en 1789, puis en Russie en 1905 et en févier 1917, conduisent les révolutions. Ce sont ces mêmes bourgeoisies qui devenues freudo-marxistes ont abandonné le patriotisme et la morale des grands anciens et se sont à présent ralliées au cosmopolitisme militant en faveur d’un monde déraciné, sans frontières où la licence des mœurs est de rigueur sur fond de mixité cool sociale et raciale.

Bref la gauche considère toujours le prolétaire comme la victime du système (mais plus pour longtemps, le désamour est en vue) de sorte qu’il ne saurait être vraiment responsable de ses actes aussi délictueux soient-ils. La bourgeoisie émancipée fait à ce sujet preuve d’une délectation immodérée à l’égard des grands criminels. Ceci en vertu de l’axiome rousseauiste selon lequel l’homme est/serait fondamentalement bon, seule la société le pervertissant, et qu’il faut dès lors accuser de ses crimes et délits ceux qui ont intérêt à ce que perdure le système d’exploitation de l’homme par l’homme. Dans un société invertie, l’inversion accusatoire est de rigueur : le véritable responsable des émeutes de Bobigny n’est pas la racaille en folie, mais la droite patriotique qui entretient un climat de défiance et de peur !

Toutefois comme il serait plutôt difficile après un siècle et demi d’instruction publique et laïque ainsi que d’État providence, de tout mettre à charge des seules catégories sociales jouissant d’une certaine aisance, Freud et la critique destructive de la famille ont été appelés à la rescousse. S’y sont ajoutées des thèses environnementalistes, le racisme, l’exclusion, les banlieues, le différentiel culturel pour ces néo-prolétaires que seraient les immigrés. D’où la nécessité de toujours plus… d’enseignants, d’écoles, de fonds publics (et son corrélats de fardeau fiscal), de services sociaux et d’assistance, d’associations subventionnées, de médiateurs… Le sous-prolétariat nomade importé n’étant a fortiori ni responsable ni coupable de ses actes, seuls le sont ceux qui s’obstinent à refuser et à bloquer la grande révolution libérale-libertaire qui tient en quatre mots : laissez faire, laissez passer… Sans souci du lendemain ni de l’abysse qui s’ouvre sous nos pieds !

À l’opposé la droite tendrait à considérer l’individu comme relativement maître de son destin et responsable : son libre arbitre, autant que faire se peut, lui permettant d’être récompensé de ses efforts et sanctionné pour ses fautes. Il ne saurait dans cette perspective y avoir de liberté sans assumer la responsabilité et les conséquences de ses choix. La liberté, insistons, suppose l’autonomie de décision et la discrimination entre le bien et le mal, entre ce qui est bon et mauvais, utile et néfaste. Au demeurant l’autonomie du consentement s’apprend tôt quoique le discernement et la capacité d’anticiper soient inégalement répartis entre les individus. Telle est la dure loi de l’hérédité. Que sous cet angle, il est infiniment dangereux et ridicule de prétendre octroyer des droits sexuels à de jeunes mineurs, immatures et non encore préparés à comprendre et avoir conscience de la portée de leurs actes. Il est néanmoins vrai que la société libérée des préjugés d’antan s’acharne à brouiller la vision de tous, en gommant et en vilipendant toute les hiérarchies de valeurs jusqu’à la distinction entre le beau et le laid… le culte de l’art contemporain et de ses onéreuses déjections en témoigne.

À droite, l’homme se trouve confronté au défi du Bien et du Mal. À partir de cette alternative originelle, il se construit et gravit la pente existentielle. Ce n’est pas une mince affaire d’autant que les prêtres, les directeurs de conscience qui pouvaient l’assister dans cette épreuve se font ces temps-ci de plus en plus rares. L’homme n’étant pas foncièrement bon à l’état de nature, mais guidé par des instinct dénaturés, il doit apprendre le bien dès le berceau. Naguère, il était d’usage de dire « pauvreté n’est pas vice » pour souligner que l’homme, s’il n’est pas poussé par l’urgence de l’extrême besoin, conserve toujours la faculté de ne pas succomber aux tentations mauvaises. Telle est la liberté ontologique de l’homme.

Léon Camus 13 février 2017

Notes

[1Jean-Michel Basquiat, peintre américain homosexuel et drogué, célèbre pour ses graffiti de pissotière, est né à Brooklyn le 22 décembre 1960. Il est mort sidaïque le 12 août 1988.

[2Il serait erroné de croire que la condamnation par le marxisme de la propriété privée ne toucherait que les « moyens de production ». Il s’agit de la propriété en soi. Une idée persistante qui n’a jamais désarmé. On le voit aujourd’hui à travers les projets récurrents de supertaxation du logement patrimonial visant à faire verser un loyer par le propriétaire à l’État dès lors que l’emprunt de l’achat serait remboursé. L’on voit ici que la propriété n’est plus un droit mais le plus court chemin vers la servitude dès lors que posséder revient à n’être que l’occupant payant d’un bien appartenant à la collectivité Les régimes fiscaux constituent à ce titre un moyen sûr et progressif d’éradication des classes sociales différenciées. Les lois de taxation foncières ont ainsi plus sûrement éradiqué l’ancienne aristocratie que la guillotine. Quant à l’égoïsme, l’individualisme forcené que promeut la gauche libérale-libertaire, sous couvert de liberté…

[3Voir sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/crimes-et-violences-de-masse-des-guerres-civiles-russes-1918-1921 par Nicolas Werth. Dans le discours léniniste (cf. Comment organiser l’émulation ? déc. 1917), les paysans propriétaires sont assimilés à des « insectes nuisibles », des « poux », de la « vermine », des « microbes ». Il faut écrit Lénine, « épurer », « nettoyer », « purger » la société russe des « puces », des « punaises », des « parasites » qui l’infectent. Traduites dans les faits ces idées humanistes conduisirent les bolcheviques, au cours de l’été 1921, au traitement par les gaz de combat des paysans insurgés de la province de Tambov et à des déportations massives des populations de cette nouvelle Vendée… 12 juin 1921, Toukhatchevski ordonne de « nettoyer les forêts où se cachent les bandits au moyen de gaz asphyxiants ». Juillet 1921, il fait ouvrir 7 camps de concentration où sont regroupés les « familles des bandits insurgés ». Ces camps comptent, fin juillet 1921, environ 50 000 personnes, en majorité des femmes, des vieillards et des enfants. Le typhus, le choléra, la disette y font des ravages. En automne 1921, la mortalité y atteint 15 à 20% par mois. Au total 100 000 paysans et de leurs familles seront déportés et 15 000 exécutés. Dès 1918, l’État bolchevique se trouve confronté à 245 révoltes paysannes. En 1919, des régions entières passent sous le contrôle des paysans organisés en bande de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’hommes. Le socialisme était en marche.

[4Socialiste et journaliste radio célèbre pour sa nullité, né en 1958. Il passera peut-être à la postérité pour ses propos comme Érostrate après l’incendie de l’une des Sept merveilles du monde antique, le temple d’Artémis à Éphèse en 356 av. JC.

[5Le 25 oct. 2016, le Parlement européen, à la demande de la justice française, levait l’immunité parlementaire de Jean-Marie Le Pen poursuivi pour incitation à la haine raciale. En juin 2014 ce dernier avait épinglé une brochette d’artistes hostiles à ses positions politiques. Notamment Patrick Bruel, Madonna et Yannick Noah dont il avait dit : « On fera une fournée la prochaine fois ». Propos qui avaient suscité de l’indignation au sein de la classe politique, M. Patrick Bruel, de son vrai nom Maurice Benguigui, auteur-compositeur-interprète et joueur professionnel de poker, étant né juif algérien.

[6Associations familiales catholiques (AFC) contre Gleeden, “site féminin numéro un de rencontres extraconjugales”.

[7bvoltaire.fr13fév17

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