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Prétention ou arrogance nucléaire…

jeudi 6 mai 2010

Les pages de l’Histoire, à user d’une image vraie, tournent plus souvent sous l’effet du vent de l’Esprit que sous la dictée des États ; un exemple en est donné par les techniques nucléaires, accélératrices de progrès et dont l’application civile permettra à tout peuple laborieux de grandir rapidement, pourvu qu’il le veuille.

D’impérieuses hégémonies refusent cette réalité et entravent, sinon parasitent pareil développement, par une sorte de rébellion contre l’unité de Dieu et la diversité de la nature, qui en est l’antithèse nécessaire.

En remontant le temps, nous sommes ainsi tombés sur une déclaration faite à Paris, le 3 décembre 1966, au journaliste du quotidien Le Monde, André Fontaine par le dirigeant communiste de Russie Alexandre Kossyguine : « L’Allemagne occidentale doit renoncer définitivement à toute prétention à l’armement nucléaire. » Ce n’était pas la seule condition imposée par le chef d’une puissance hégémonique bardée d’instruments de destruction massive, pour réaliser les conditions d’une sécurité européenne. La nation allemande devait aussi, selon ce dirigeant soviétique « se rendre compte d’une façon parfaitement claire et précise de la situation en Europe où existent deux États allemands, qu’il n’est pas de forces qui puissent changer cette situation et qu’elles n’y changeront jamais rien. »

Et en troisième condition, les frontières établies à la reddition du Reich allemand devaient être reconnues une fois pour toutes.... Mais, l’Histoire, avec la fin de l’empire soviétique, a vu voler en éclats la séparation de l’Allemagne en deux États distincts !

Or, aujourd’hui,de quel droit refuserons-nous à un pays l’armement nucléaire si cette exigence repose sur la menace permanente d’en disposer unilatéralement pour maintenir une sécurité qui n’est qu’un nom de substitution à celui de Terreur ?
La tactique des arrogants est de toujours supposer que leur victime est une menace et qu’eux seuls sont les protecteurs du monde. Ce qui leur permet d’ameuter le monde contre leur victime. Ce tour de passe-passe — cette escroquerie — est une donnée permanente.

L’opinion publique, heureusement, change de couleur, tout comme les saisons, et il semble que nous ayons depuis longtemps quitté l’hiver, à cet égard, car l’idée pourtant longtemps enfoncée perd de sa force : les États-Unis étant les seuls criminels atomiques du siècle, cela leur donne-t-il le droit d’interdire l’usage de l’atome (d’abord civil) à des États qui n’ont pour leur part jamais frappé de civils innocents, d’ailleurs en vertu de l’interdiction que leur en fait leur confession ?

Hiroshima et Nagasaki

Mais au fait, pourquoi la grande Amérique a-t-elle eu recours à la terreur atomique ? Chacun apprend ou rabâche que les États-Unis ont initié le projet Manhattan, sous l’inspiration même du “pacifiste” Einstein pour mettre au point la première bombe atomique. Ceux qui suivent de près le cours des choses n’ont pas manqué de remarquer que l’Institut Kaiser Wilhelm - fondé en 1917 - devenu aujourd’hui le Max Planck Institut avait accompli de grands progrès dans ce domaine, et qu’une fission chimique du noyau atomique avait été réalisée à l’Institut Empereur Guillaume de Berlin fin 1938 par le docteur Otto Hahn, prix Nobel de physique et Fritz Strassmann, travail édité le 9 janvier 1939 dans la revue « Naturwissenschaft ».

Certains ont également noté que, par ailleurs, à la fin du printemps 1944, le projet Manhattan états-unien marquait le pas, ou battait de l’aile… Bien sûr, direz-vous un miracle s’est alors produit ! Remarquons alors que l’empressement avec lequel les scientifiques allemands furent avec célérité partagés entre les vainqueurs, laisse penser que l’avance des États-Unis avait besoin d’être urgemment confortée.

L’histoire dira son dernier mot.

Dans son autobiographie militaire intitulée « La Guerre Inconnue » traduite en français chez Albin Michel en 1975 et diffusée en plusieurs langues, l’ingénieur viennois Otto Skorzeny (1908-1975), devenu madrilène, raconte, qu’en octobre 1944, à savoir en pleine préparation de l’offensive des Ardennes qui devait débuter deux mois plus tard, et donc de l’opération fameuse qui devait permettre à ses commandos de s’infiltrer dans les troupes américaines, il demanda à son chef ce qu’il savait des bruits répandus alors sur la radioactivité artificielle et son utilisation éventuelle.

Il lui fut répondu : « Savez-vous bien, Skorzeny que si l’énergie libérée par une radioactivité artificielle était utilisée comme arme ce serait la fin de la planète ? […] qu’aucune nation, aucun groupe d’hommes civilisés ne peut, en conscience prendre de telles responsabilités. De ripostes en représailles, ils disparaîtraient eux-mêmes fatalement. Seules, peut-être, des peuplades comme celles du Haut-Amazone ou des selves de Sumatra auraient quelque chance de survivre. »

« Ces réflexions durèrent à peine, » écrit l’auteur, « plus d’une minute. Mais cette minute a compté pour moi, lorsqu’en août 1945, au début de ma captivité, j’appris que deux bombes atomiques avaient été lancées, bombes inutiles puisque l’empereur du Japon avait déjà fait demander aux Américains leurs conditions de paix »*

Les États-Unis, j’entends ceux qui les menaient et le mèneront jusqu’à la prochaine « révolution américaine », n’ont pas eu, en tout cas, de tels scrupules, peut-être à cause d’une confiance assurée dans le pouvoir sans limites de l’argent, de l’argent en lui-même, ou dans la cupidité de ceux qu’ils abusent.
Le Japon fut-il le terrain d’expérience d’une arme insuffisamment connue et l’occasion enfin trouvée d’exercer un chantage permanent jusqu’à ce jour ?
Hiroshima est-il non pas la conclusion d’un conflit, mais l’ouverture d’une guerre générale à tous les peuples ?

Martin Heidegger répondit après Hiroshima et Nagasaki à son collègue de philosophie Karl Jaspers qui présentait la bombe A comme le signe manifeste d’une humanité désormais déchue, que ce “péché originel” d’où est sorti le Monde moderne à fait naître un monde en vérité plongé dans l’horreur permanente. À savoir vivant dans la terreur récurrente que l’on puisse avoir recours, à tout instant, sous des prétextes fallacieux et fabriqués sur mesure – se souvenir de la fable le Loup et l’Agneau - d’une arme démoniaque capable de déchaîner l’enfer sur Terre...

Quelle autre explication donner de l’incapacité des superpuissances hégémoniques à dénucléariser ?
N’y trouvent-t-elles pas leur profit ?
C’est donc le devoir des peuples de soulever un vent bienfaiteur qui fera tourner les pages ce grand livre des actions humaines, que nous appelons l’Histoire, et que le poète Schiller voyait les Anges feuilleter comme le “dossier” du jugement dernier.

À ma sœur Mahboubeh,

Le 3 mai 2010

Pierre Dortiguier, philosophe et géopolitologue.

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