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L’impôt sur le revenu a été créé pour financer la Première Guerre mondiale

samedi 8 juillet 2023

L’impôt général et progressif est voté le 15 juillet 1914. Il entre en application en 1916 et est complété, en 1917, par une série d’impôts analytiques et proportionnels (appelés cédulaires par les contemporains) à l’assiette paradoxalement plus large et frappant un nombre plus élevé de contribuables.

Joseph Caillaux est l’instigateur de l’impôt sur le revenu mais aussi le mari d’Henriette Caillaux qui assassinât le directeur du Figaro Gaston Calmette en mars 1914.
Farouchement opposé à la guerre, il était favorable à une négociation armée à l’inverse de Clémenceau.
On l’a accusé d’avoir mené des tractations pour opérer un rapprochement entre la France et l’Allemagne au détriment de la Serbie et de la Roumanie.
Il sera arrêté le 14 janvier 1918 pour « intelligence avec l’ennemi en temps de guerre ».
Accusé de trahison et de complot contre la sûreté de l’Etat, il sera amnistié le 18 novembre 1924.

INTERVIEW A l’occasion du centenaire de l’impôt sur le revenu, la journaliste Joëlle Porcher revient pour « 20 Minutes » sur la grande histoire de la fiscalité...
Céline Boff

Selon Matignon, 1,3 million de ménages, parmi les plus aisés, sont concernés. Ils verront en moyenne leur impôt sur le revenu augmenter de 64 euros par mois.

Il y a tout juste cent ans, le 15 juillet 1914, la loi institue l’impôt sur le revenu. Une première en France. A l’occasion de ce centenaire, la journaliste Joëlle Porcher a rédigé l’ouvrage Impôt condriaque. De la nuit des temps à nos jours, la petite histoire des impôts et taxes à travers les siècles, publié chez Alliance Editions (16 euros, disponible en librairie ou en ligne). Entretien.

L’impôt sur le revenu (IR) a été créé il y a 100 ans « seulement ».
Pourquoi les dirigeants l’ont-ils lancé si tardivement ?

Parce qu’elle « ne correspondait pas aux mœurs des Français », selon l’expression de l’ancien président de la République Adolphe Thiers. Pour les Français, que l’Etat vienne fouiller dans leurs bas de laine est assimilé à une véritable inquisition fiscale.

Alors que les Anglais, les Allemands ou encore les Italiens ont déjà instauré leur impôt sur le revenu, Joseph Caillaux, ministre des Finances, remet le sujet sur la table en 1907. Clémenceau le soutient, mais le Sénat rejette le projet. Finalement, Caillaux parvient à faire adopter son idée en juillet 1914, en la vendant comme un impôt patriotique qui va permettre à la France de mieux mener la guerre contre l’Allemagne…

Comment a évolué cet IR depuis 1914 ?

A l’origine, il était peu concernant : moins de 20 % des foyers fiscaux l’acquittaient. Aujourd’hui, l’IR concerne 36,4 millions de foyers fiscaux, dont 18,1 millions sont imposés. En 1914, l’IR était également très faible : les plus lourdement taxés l’étaient à seulement 2 % ! Ce taux n’a cessé d’augmenter jusqu’en 1924, où il atteignait alors, pour les tranches les plus hautes, pas moins de 72 % de leurs revenus. Le taux maximum sera ensuite fixé à 30 %.
La création du quotient familial le 31 décembre 1945 est aussi un changement majeur…

Effectivement, la France tient désormais compte de la composition des foyers pour les taxer, ce qui n’était pas le cas auparavant. Pire, en 1920, les couples mariés qui n’avaient pas d’enfants deux ans après leur union devaient payer 10 % d’impôts en plus. Tout simplement parce qu’ils étaient considérés comme égoïstes et non patriotiques… Quant aux célibataires de plus de 25 ans, leur IR était majoré de 25 %.

Votre livre prouve que l’impôt n’est pas un concept nouveau… De quand date-t-il ?

Les premiers impôts sont nés quand les tribus se sont sédentarisées : les habitants ont commencé à nourrir et à entretenir gracieusement de jeunes guerriers, ces derniers les protégeant, en contrepartie, des pillages.

Plus tard, neuf cents ans avant Jésus Christ, les Chinois avaient déjà mis au point tout un système d’imposition, avec un impôt foncier, un impôt sur les individus adultes et un autre concernant les commerçants et les marchands d’esclaves. Ils avaient même inventé la vignette « automobile », en tout cas ils avaient créé une taxe sur les chars et les bateaux.

En France, à quelle période la pression fiscale a-t-elle été la plus forte ?

Celle précédant la Révolution française. Le peuple, asphyxié par les impôts, ne supporte plus les privilèges du clergé et de la noblesse. Louis XVI mesure la gravité de la situation. Des évolutions sont mises en place, notamment des exonérations pour les veuves et les familles nombreuses. Mais dans le même temps, l’argent manque toujours plus à l’Etat et le 16 août 1788, la France est en banqueroute. Le roi convoque les Etats généraux le 5 mai 1789 avec la suite que l’on sait.

Quelle découverte fiscale vous a le plus surprise ?

Le fait que dans trois communes françaises, les citoyens ne paient ni taxe d’habitation, ni taxe foncière. D’abord dans l’Île-de-Molène (Finistère), parce que les habitants y sont jugés trop pauvres. Ensuite, sur l’Île-de-Sein (Finistère), pour des raisons similaires. Enfin, à Suzan (Ariège), parce qu’il n’y existe pas de cadastre. C’est la seule commune française non délimitée !

Etes-vous « impôt condriaque » ?

Un peu comme tout le monde je pense. Recevoir sa feuille d’impôt sur le revenu n’est jamais un moment de plaisir. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu, avec Snif, le dessinateur de presse qui illustre le livre, rédiger un ouvrage facile à lire et qui puisse faire sourire les gens sur un sujet pas vraiment drôle… Mais très concernant.

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