Un procès uniquement à charge instruit par une presse servile !
À Budapest l’actuel Premier ministre Viktor Orban - revenu aux affaires en mai 2010 après avoir dirigé le pays une première fois de 1998 à 2002 - est accusé par des procureurs médiatiques affligés pour l’éternité de strabisme divergent, d’un insupportable autoritarisme : « Orban, s’empare peu à peu de tous les leviers du pouvoir et façonne une Constitution à sa botte. Une ‘démocrature’ prend forme au sein de l’Europe » nous assène en guise d’entrée en matière l’envoyé spécial de l’Express [11 janv. 2012]… Nous administrant aussitôt une preuve imparable de l’impopularité du Chavez européen [1] : une manifestation anti-Orban, le 2 janvier à Budapest - pour s’opposer à la nouvelle Constitution entrée en vigueur la veille 1er janvier - aurait rassemblé « plus de 70 000 personnes, chiffre considérable, dans ce petit pays de 10 millions d’habitants, où les rassemblements politiques sont rares » [2].
Pas si rares que cela puisque le samedi 21 janvier ce sont, d’après les médias la-voix-de-son-maître quelque 100 000 Hongrois venus des coins les plus reculés du pays qui ont convergé vers la capitale hongroise pour exprimer leur soutien à leurs dirigeants. La Hongrie comptant environ dix millions d’habitants, ce chiffre représentait en conséquence 1% de la population totale, ce qui équivaudrait en France à 650 000 manifestants… en réalité d’après d’autres estimations moins restrictives, il se serait plutôt agi de 400 000 personnes, soit 4% de la Hongrie et en Hexagonie, environ 2 millions !
Deuxième grief formulé par l’envoyé très spécieux de l’Express, Orban aurait façonné « une Constitution à sa botte… afin de donner une apparence de légalité à la ‘démocrature’ hongroise : 200 lois et près de dix modifications constitutionnelles votées en l’espace d’un an » ! Certes, mais Orban n’a certainement pas été élu pour se tourner les pouces et apparemment – voir supra – ses électeurs n’en sont pas mécontents. Telle est la loi de la démocratie, la légitimité appartient à la majorité des suffrages exprimés [3] une loi cependant applicable chez nous seulement lorsque le « peuple » se prononce conformément aux attentes des idéocrates, en accord avec les « valeurs » et du sens supposé et imposé de l’histoire.
L’argumentaire de liquidation : le catalogue des délits
L’Express toujours : « la nouvelle Constitution, de style baroque. Promulguée dans les derniers jours de décembre et entrée en vigueur le 1er janvier, elle grave dans le marbre le caractère nationaliste et droitier de l’État hongrois. Ainsi l’appellation “République de Hongrie“ disparaît au profit de “Hongrie“ tout court. Une référence explicite à Dieu (“Dieu bénisse les Hongrois“) figure au préambule. Le forint, la monnaie nationale, est sanctuarisé. Le taux d’imposition sur les revenus est fixé à 16%. La personne du Premier ministre est déclarée “intouchable“. L’embryon humain est considéré comme un être humain dès le premier jour de la grossesse [atroce]. Et le mariage est explicitement décrit comme une union entre un homme et une femme afin d’empêcher tout débat sur le mariage gay, [pire qu’atroce !]. De plus, la Constitution rend rétroactivement responsables les actuels dirigeants du Parti socialiste (ex communistes) des “crimes commis sous le régime communiste jusqu’en 1989“. Et elle instaure une réforme de la banque centrale, qui a perdu, de fait, son indépendance. En contradiction radicale avec les règles communautaires de l’Union européenne ».
Un véritable compendium d’horreurs. Sans oublier la liberté de la presse qui serait remise en question tout comme le subventionnement aux sectes et associations religieuses. Orban et sa politique concentrent à eux seuls toutes les hideurs du crapaud (pardon à ce bel animal à la voix flûtée) et les nuisances de la peste (brune). Tout ce qu’il ne faut pas penser, dire et faire et bien le Fidesz - pourtant banalement situé au centre-droit sur le spectre politique - le fait, le dit et le pense. Parce qu’en Hongrie, la droite radicale existe bel et bien et occupe un place suffisamment importante pour ne pas être mentionnée autrement qu’anecdotiquement dans la libre presse de l’ancien Monde libre [l’Europe de l’ouest.] On l’a bien compris Orban et son parti membre du Parti populaire européen et ne peut être immédiatement labellisé extrême droite “fascistoïde“ à l’instar du Parti Jobbik [4]. Précisons que le PPE, groupe conservateur du Parlement européen inclut l’UMP de M. Sarkozy, lequel doit faire le grand écart entre sa fidélité aux « valeurs » européennes et sa nécessaire “alliance“ de fait avec avec Orban, lui-même vice-président du PPE.
Le crime des crimes
Mais laissons ici, pour l’heure, le catalogue de griefs non rédimables pour mieux nous concentrer sur les questions de divergences fondamentales par rapport aux critères de Maëstricht, celles qui créent aujourd’hui un violent contentieux entre le Portugais commissionnaire Barroso, la Secrétaire d’État américaine Clinton, la Chancelière allemande Merkel, le futur éventuel présidentiable français Juppé [5] d’une part, et Viktor Orban de l’autre.
À commencer par le retour de la Banque centrale sous la tutelle de l’État. Car où va-t-on si les financiers perdent leur indépendance vis-à-vis des politiques auxquels leurs décisions seraient soumises ? Plus encore que l’avortement, le mariage homo, Dieu et l’Identité nationale, la transgression du tabou des tabous est d’abord la dénonciation de la dictature du fric. Aucun crime autre que celui de lèse phynances [6] n’est plus terrible ni plus punissable : Orban s’est attaqué au saint des saint, autrement dit à l’État-profond, le pouvoir indicible, celui dont on ne parle pas mais dont l’omnipotence dicte leur destin aux peuples et aux nations sur des bases et selon des critères purement métapolitiques au service exclusif des cryptarchies régnantes [7].
Après la séparation de l’Église et de l’État, de la justice autonome par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif, l’administration et l’émission monétaire échappent à l’État [8], ces fonctions étant désormais transférées à un organisme supranational, en l’occurrence la Banque centrale européenne. Or, comme, les États se voient contraints d’emprunter sur les marchés extérieurs en vertu du Traité de Maëstricht [9] leur souveraineté monétaire se trouve de facto réduite a quia. Il appert donc que l’UE évolue tendanciellement vers un modèle à l’américaine où la Réserve fédérale n’a de « fédérale » que le nom n’étant en réalité qu’un consortium de banques privées. Qu’Orban ait voulu revenir en arrière et casser cette évolution vers une fragmentation ou une segmentation toujours plus poussée de l’État et de ses fonctions régaliennes en une multiplicité d’entités institutionnelles séparées – c’est-à-dire autonome voire indépendante – est proprement impardonnable.
Reste que la « déréglementation », la suppression insidieuse de l’État et de ses fonctions par l’abrogation de la loi, ne supprime pas – sauf dans la mythologie libéraliste, dans les phantasmes et le verbiages des économistes, des universitaires, des médiacrates et des idéologues de tous poils – l’arbitrage et la surveillance qui réapparaissent immanquablement sous la forme d’organismes prenant en charge la « régulation » d’un secteur d’activité donné ou de l’une ou l’autre des fonctions vitales du corps social. Ici la gestion monétaire, et il s’agit dans tous les cas de déshabiller Pierre pour habiller Paul : « moins d’État » signifie toujours plus de transferts de pouvoirs vers de nouvelles féodalités, certes décentralisées voire délocalisées, diffuses peut-être mais agissantes, au seul profit d’un système dominé par les oligarchies détentrices de tous les leviers financiers, politiques, militaires et industriels.
Or qu’à voulu faire le vilain M. Orban, rendre à l’État central ce qui lui appartient, l’administration de sa monnaie et qui plus est, celle de sa Justice. Crimes inexpiables à l’heure de la déconstruction de l’État et de son dépérissement [prévus et programmés tant par le Marxisme que par l’ultra-libéralisme friedmannien et l’École de Chicago] au profit de nébuleuses bureaucratiques façon Bruxelles elles-mêmes et d’entités du type des dictatoriales Agences de notation, relais multiples et truchements tentaculaires du divin Marché et des Club terriblement élitistes des tireurs de ficelles, toujours les mêmes !
Menaces, rétorsion et sanctions
Sous couvert de discipline budgétaire collective, la Commission Barroso a lancé le 18 janvier sa première salve – car il s’agit de faire un exemple ! - en demandant de lourdes sanctions financières contre la Hongrie en vue de sanctionner un dérapage budgétaire « insoutenable ». Le déficit public magyar atteindrait en effet 6% du PIB en 2011 au lieu des 3% annoncés par le gouvernement de Viktor Orban. La veille, le 17, Bruxelles avait en outre adressé au Premier ministre hongrois une triple lettre comminatoire de mise en demeure lui enjoignant de réviser trois textes législatifs litigieux « d’ici un mois ». Lois qui, aux yeux avertis des juristes de Bruxelles, violent l’esprit ou la lettre des Textes européens fondateurs. En cause, l’indépendance de la Banque centrale, celle des juges hongrois et pour finir l’autonomie de l’Autorité de protection des données.
Menacé ainsi des pires sanctions financière par la Commission de Bruxelles, M. Orban a dû venir à Canossa s’expliquer à Strasbourg où il s’est fait copieusement invectiver par le « délinquant sexuel » Cohn Bendit [10], lequel a donné une fois de plus une image fort reluisante – et quelque peu débraillée - des nouveaux maîtres de l’Europe ! Car, quoique la Hongrie ne soit pas membre de l’Euroland, son endettement est telle qu’elle ne saurait se passer pour éviter la banqueroute des subsides de la BCE et du FMI. En substance une ligne de crédit de 10 à 20 mds d’€ pour passer le gué hivernal.
Au demeurant, si à l’étranger et en Europe de l’Ouest la cote politique de Viktor Orban n’est pas au plus haut - à l’instar de la monnaie nationale, le Forint – la situation dans son pays est tout à fait différente avons-nous vu… Aussi est-il à prévoir que les menaces du triste sire Barroso seront davantage un coup d’épée dans l’eau qu’une mortelle estocade ! Notons que la « comparution » de Viktor Orban devant le Parlement européen a été de sa propre initiative. Une première, puisqu’aucun chef d’État n’était auparavant venu en quelque sorte « défier » l’Institution en son propre palais…
Pourtant le Premier ministre hongrois n’aura pas d’autre choix que de composer avec les puissances extérieures - Bruxelles, Londres et Manhattan - à propos d’un inenvisageable retour de la Banque centrale hongroise dans le giron étatique. À prendre cependant en considération le fait que la marge de manœuvre de la Commission n’est pas aussi confortable qu’il y paraît de prime abord : sanctionner Budapest certes, mais en évitant de précipiter le pays dans l’abîme au moment où la Grèce et l’Eurozone partent elles-mêmes en vrille. Chacun se souviendra du fiasco de la politique de sanction adoptée en 2000 à l’encontre de l’Autriche lorsque le parti « xénophobe » de Jörg Haider fit son entrée au gouvernement. Là encore intervinrent des décisions communautaires contreproductives parce que dictées non par la raison et l’intérêt collectif mais eu égard à une dogmatique et un sectarisme idéologique révélateurs des véritables finalités de la construction dite « européenne », à savoir la destruction programmée et irréversible de peuples de l’Europe.
C’est en travers d’un tel projet - hélas déjà bien avancé - que Viktor Orban s’est placé aujourd’hui, et c’est bien là que le bât blesse ! Le réveil des peuples d’Europe n’était pas à l’ordre du jour quand un micro État et ses dix millions d’âmes, auparavant puissant avant d’être démantelé par le Traité du Trianon du 4 juin 1920, ayant connu l’épouvantable « République socialiste » de Bela Kun [11] et la « République populaire de Hongrie » pendant laquelle la révolte des masses, en 1956, fut écrasée sous les chenilles des chars soviétiques, entend à présent reconquérir une authentique indépendance… et avec elle son identité et se nommer selon son cœur « Hongrie » en rupture avec un passé de servage et de souffrance vers lequel le « Politburo » des Commissaires politiques européens voudraient maintenant la ramener pieds et poings liés.