Convention contre la torture de 1984 (source wikipedia)
La Convention contre la torture, autres peines et traitements cruels ou dégradants définit la torture dans son article 1, comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne. » Elle exige de tout Etat partie qu’il prenne « des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction », indiquant « qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit ne justifie la torture », écartant toute invocation d’ordres supérieurs (art.2).
L’article 3 interdit le transfert de toute personne vers un lieu où elle risque la torture et l’article 4 stipule que tous les actes de torture sont définis comme un crime.
Les Etats ont obligation d’enquête lorsqu’une personne soupçonnée de torture se trouve sur leur territoire (art.6), ils doivent exercer leur compétence universelle sur ces personnes et si ces suspects ne sont pas extradés, les Etats doivent soumettre l’affaire à leur ministère public (art.7). Ils doivent ouvrir une enquête prompte et impartiale dès qu’il est soupçonné qu’un acte de torture s’est ou se serait produit sur un territoire relevant de leur compétence.
Les Etats doivent former tous les responsables de l’application des lois à ne pas torturer (art.10) ; ils doivent fournir des réparations aux victimes (art.14) et exclure de toute procédure judiciaire toute déclaration obtenue sous la torture, sauf pour prouver que la torture a été pratiquée (art.15). (fin d’extrait)
Cette définition de la torture s’applique-t-elle on non au traitement infligé à trois témoins, M Mole, MM Panel et Paillas, cités à la barre du tribunal le 13 Mai 2009 ?
Richard Mole, qui supervisait le travail des sous-traitants dans l’atelier ACD où étaient fabriqués les fameux produits chlorés, suspectés par l’accusation d’avoir été mélangés au nitrate d’ammonium, a laissé éclater sa colère après une remarque superflue du procureur qui lui rappelait que la catastrophe avait fait 30 morts :
« J’ai été mis en examen, et je ne sais pas pourquoi. Ne me mettez pas les morts en face, ce n’est pas le moment ! On a été accusé d’assassins ! Au lieu de nous cracher dessus, on aurait dû nous donner une médaille ! On a sauvé des milliers de gens. Le 21 septembre, ça a explosé, dix minutes après, dans mon atelier, on était dehors, on a fermé des vannes, on a isolé des choses. Et croyez bien, il y en a beaucoup qui ne l’auraient pas fait. Après, on nous met en examen et on nous dit : « vous avez tué des gens ». Non. On a sauvé des gens. (…) Un jour, on m’a appelé, on m’a dit que j’étais convoqué. J’y suis allé. Le commissaire Saby m’a (…) crié dessus. Il m’a dit : « Dites-le que c’est Total ! » Il m’a dit des choses que je ne répèterai pas. Voilà comment a commencé la procédure. Après, on m’a mis en bas. On m’a laissé 26 heures dans une cellule. On m’a pris en photo. On m’a mis une bouteille d’eau dégueulasse, on a enlevé mes chaussures... Au bout de 26 heures, on m’a fait sortir le dernier. Et on m’a fait rentrer dans une voiture d’inspecteur. La police, encore, a roulé à une vitesse inimaginable. On est allé voir le juge qui m’a traité comme un moins que rien, que j’avais fait un homicide involontaire. Vous croyez que je n’ai pas souffert ? Je n’ai pas de leçon à recevoir. Je suis persuadé que la catastrophe n’est pas due à un mélange de chlore et de nitrate. J’ai travaillé pendant 25 ans, là-dedans. J’ai monté tous les échelons. Il n’y a jamais eu de mélange de nitrate et de chlore. Ce n’est pas possible, parce que nous étions tous des professionnels. A la fin de ce procès, il n’y aura rien de plus qu’aujourd’hui. Si on avait voulu savoir, on aurait dû s’y prendre autrement... « Je vous assure que ce n’est pas ce mélange qui a fait péter l’usine ».
Le procureur reprend : « Il est normal que la justice puisse enquêter ».
R. M. : « Je suis d’accord. Mais je n’ai pas apprécié que vous me parliez de gens qui sont morts ».
Panel était le responsable des expéditions. Il fut blessé le 21 Septembre. Evacué par les pompiers vers un hôpital, ses blessures furent recousues le soir même. Le lendemain, comme de nombreux personnels de l’usine et malgré la douleur, il se rendit sur le site dévasté d’AZF pour contribuer à la mise en sécurité des cuves de produits chimiques endommagées par l’explosion, cuves qui risquaient à tout moment de provoquer une nouvelle catastrophe.
Sur place se trouvait déjà la police. Ecoutons le récit de M. Panel à la barre du tribunal :
« Puis le policier m’a dit de venir avec lui pour faire la déposition. Je l’ai accompagné en voiture et je me suis retrouvé au fond de l’hôpital Marchant, dans une maisonnette, isolé. Là, l’interrogatoire a commencé. Je n’étais pas en très bon état. Ce qui s’est passé ne m’a pas amélioré. Le policier s’est installé, il a posé son pistolet, il m’a interdit de téléphoner, il n’a pas été question de médecin. L’interrogatoire a commencé. Cela s’est envenimé. Je n’avais pas le droit de réfléchir avant de répondre, au prétexte que j’aurais pu dissimuler. J’ai répondu à toutes les questions. Pour certaines réponses, elles étaient irréfléchies, parfois aberrantes. L’interrogatoire s’est terminé à 23 heures ; il avait commencé à 11heures. J’ai eu l’impression d’avoir été libéré... ».
Voilà, on notera que l’hôpital Marchant avait été déserté et se trouvait dans une sorte de no man’s land, on ne peut donc que s’étonner que le témoin n’ait pas été interrogé dans les locaux de la police de Toulouse comme c’est l’usage.
Autre témoignage à la barre du tribunal, celui de M. Paillas qui était contremaître chez AZF . Victime de l’explosion, il était sous morphine et 17 agrafes venaient d’être posées sur ses plaies. Sa famille ne put lui donner ses médicaments pour soulager sa souffrance. Il endura plus de 6 heures d’interrogatoire avec ses douleurs tout en répondant aux questions des policiers et des experts.
« Les policiers m’ont téléphoné. Je me suis rendu boulevard de l’Embouchure. Ils m’ont auditionné longuement. Vers 13h30 mes enfants sont venus me porter des médicaments. Les policiers ont refusé. C’est regrettable. Après, on m’a amené sur le site, où MM.Saby, Malon, Van Schendel, Mme Viaud m’attendaient » (source la Dépêche)
Lors de l’audience du tribunal du 13 Mai 2009, les déclarations arrachées aux témoins dans ces conditions leur furent opposées quand ils se présentèrent à la barre. N’est-ce pas en violation de l’article 15 de la Convention contre la torture de 1984 ratifiée par la France ?
Pourquoi le Procureur de la République de Toulouse n’a -t-il pas ouvert une enquête conformément aux articles 6 et 7 de cette même convention ?
(Les propos de MM Mole, Paillas et Panel ont été recueillis par Sabine Bernède/La Dépêche du Midi).
La Rédaction Geopolintel