Santé publique : une spé réservée aux aventuriers
Seraient-ils trop rares parmi les jeunes médecins ?
La santé publique fait partie des spécialités les moins prisées des jeunes internes. Cela pourrait (en partie) s’expliquer par… l’effrayante liberté dont jouissent les médecins de santé publique. Détails avec l’un d’entre eux : Yann Bourgueil, directeur de recherches à l’Irdes.
What’s Up Doc : Comment expliquer la place modeste de la santé publique dans notre dernier classement des spécialités préférées des jeunes médecins ?
Yann Bourgueil : Ce genre de classement est intéressant, mais ne donne qu’un abrégé de la réalité. Certes, les internes en santé publique sont en moyenne moins bien classés aux ECN. Mais il faut aussi prendre en compte les stratégies des étudiants. Celui qui veut faire néphrologie sait qu’il y a très peu de places et doit tout faire pour être devant les autres. Celui qui veut faire santé publique aura davantage de choix, et pourra doser son effort. Ce qui n’empêche pas certains d’entre eux d’être très bien classés !
WUD : Le fait que la santé publique soit une spécialité non clinique peut-il aussi en partie expliquer son classement décevant ?
YB : Il est certain qu’aller en santé publique, c’est un changement radical. C’est aussi s’ouvrir un champ très vaste : vous pouvez construire le chemin qui vous plaît, aller dans la recherche, à l’international, dans l’administration… Cela peut parfois paraître un peu angoissant. C’est un schéma quelque peu aventureux, différent du parcours traditionnel des carrières médicales.
WUD : Cette spécialité aventureuse attire-t-elle des profils différents des autres spécialités ?
YB : Je dirais qu’au départ, il y a deux profils. Ceux qui ont passé les ECN sans trop se poser de questions, et qui se retrouvent en santé publique un peu par défaut. Et ceux qui ont choisi cette spécialité, qui y ont réfléchi. Ces derniers font souvent des masters et des thèses de sciences en France ou à l’étranger : London School of Economics, Sciences-Po, Essec….
WUD : Et quel est le spot idéal pour l’internat de santé publique ?
YB : En France, pays centralisé, le choix de Paris est le plus logique. C’est là que vous avez des stages dans les ministères, les administrations centrales, les formations les plus intéressantes… Ailleurs, pour caricaturer, vous risquez d’avoir le choix entre l’Agence régionale de santé et le Département d’information médicale du CHU.
WUD : Que font les médecins de santé publique pour améliorer l’image de leur spécialité ?
YB : A titre personnel, j’ai une approche très positive et dynamique de la spécialité. A l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), j’ai toujours beaucoup apprécié l’apport des internes de santé publique. Les professeurs soutiennent également beaucoup la discipline, mais ce sont surtout les internes qui sont actifs. A travers des associations comme le Collège de liaison des internes de santé publique (Clisp), ils organisent par exemple des séminaires thématiques inter-régionaux. Cela a toujours été comme ça, c’était déjà le cas quand j’étais interne : il fallait qu’on s’occupe de nous par nous-mêmes.
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