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William Schneider Jr, la face cachée de l’ABM américain.

vendredi 12 décembre 2008

W.Schneider, à gauche sur la photo en compagnie de Paul Wolfowitz

William Schneider, un illustre inconnu

Le 19 juillet 1982, le président Ronald Reagan nomme un illustre inconnu, William Schneider Junior, sous-secrétaire d’État à la coordination des programmes d’assistance à la sécurité [1]. Il devient par la suite directeur adjoint pour la sécurité nationale et les affaires internationales [2]. Sa nomination intervient avant la création de l’Initiative de défense stratégique (IDS), dite aussi « Guerre des étoiles », lancée en mars 1983. Ce projet naît en pleine guerre froide lorsque Reagan qualifiait l’ex URSS d’empire du mal. Le lien entre ce programme et Schneider ne tient pas du hasard. En effet, en 1969, au sortir de ses études, il rédige au sein d’un groupe de réflexion, l’Institut Hudson, un premier ouvrage dont le titre est sans équivoque : « Why ABM ? Policy Issues in the Missile Defense Controversy. » [3]. Puis, en 1980, il co-écrit avec Donald G. Brennan, William A. Davis et Hans Ruhle, un essai prémonitoire l’« U.S. Strategic-Nuclear Policy and Ballistic Missile Defense : The 1980s and Beyond » [4]. La portée de ces essais scelle à la fois la doctrine du futur bouclier anti-missile et la stratégie du nucléaire américain mais surtout permet de constater que Schneider est un analyste de défense reconnu et que c’est l’homme de la situation [5].

Un homme d’affaire dans la tourmente

Schneider est un homme d’affaire avisé en raison de son passé d’économiste. On le retrouve au conseil d’administration d’EADS Etats-Unis et il est, à ce titre, l’un des principaux interlocuteurs de Louis Gergorin [6], lequel est impliqué dans les affaires Clearstream (II et III) et fut l’un des fondateurs de la French American Foundation après son passage à la Rand Corporation [7]. Schneider siège aussi au conseil d’administration de BAE system [8] qui se trouve être également au cœur d’une tempête médiatique au sujet d’une fraude de vente d’armes. Selon l’International Herald Tribune (26 Juin 2007), BAE a versé plus de 2 milliards de dollars sur un compte bancaire à Washington, exploité par le prince Bandar Bin Sultan, qui pendant de nombreuses années a été l’ambassadeur saoudien aux États-Unis. Bandar a démenti ces informations, qualifiant ces allégations de « fausses » et « grotesques dans leur absurdité. » Enfin, Schneider apparaît au sein de la société américaine Worldspace en 2005 [9].
Le Wall Street Journal attirera l’attention de ses lecteurs sur les trois principaux partenaires financiers de Worldspace : Mohammed al-Amoudi, Khaled Ben Mahfouz et Salah Idris. De nationalité saoudienne, tous trois font partie des personnes poursuivies par les victimes du 11 septembre 2001. Et si le journal note qu’ils nient toute implication dans les attentats, il ajoute que Salah Idris figurait au capital d’Al-Shifa, une usine chimique, en réalité une fabrique de médicaments soudanaise, que les Américains ont bombardée en 1998. Et selon le réseau Voltaire, l’ordre émane de deux personnes ayant des intérêts dans l’industrie pharmaceutique : Shultz et Rumsfeld. Tous deux sont actionnaires du laboratoire Gilead, concurrent de l’usine Al Shifa et de sa fabrication de médicaments génériques sans licence pour le SIDA. Manifestement Schneider semble rencontrer beaucoup de contraintes dans ses escapades professionnelles. [10] [11]

La guerre au terrorisme et les PO2G

Schneider est aussi connu pour ses prises de position, sous le mandat de Clinton, en faveur d’une attaque préventive de l’Irak. Il a ainsi conceptualisé l’utilisation de bombes nucléaires dans le cadre d’une guerre préventive. Il appartient de plus à la Rumsfeld Missile Commission et à la Rumsfeld Space Commission [12]. C’est auprès de lui que William Schneider développe le concept de PO2G. Un article paru dans le Los Angeles Times du 27 octobre, sous le titre « Guerre secrète : frustré par les erreurs au niveau du renseignement, le département de la Défense étend de manière dramatique le monde obscur des opérations couvertes », confirme ce que l’EIR a écrit à propos de la réactivation, à la veille de la guerre contre l’Irak, du réseau clandestin utilisé dans l’affaire Iran-Contra. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, et son adjoint, Paul Wolfowitz, ont mis sur pied une unité spéciale de renseignement au Pentagone, destinée à retraiter et à réinterpréter les renseignements recueillis sur l’Irak par des organisations de renseignement en dehors du département de la Défense. L’objectif de cette manœuvre est d’obtenir des preuves fournissant un prétexte crédible pour attaquer l’Irak, preuves qui auraient échappé à l’attention d’autres bureaux de la communauté du renseignement. Le correspondant militaire du Los Angeles Times, William Arkin, écrit que le département de la Défense a l’intention de lancer des opérations secrètes visant à provoquer des réactions de la part de terroristes et d’états en possession d’armes de destruction massive. Ces réactions appelleraient alors une riposte rapide de la part des forces américaines, technique reposant sur des armes conventionnelles hypersoniques basées dans l’espace, capables de mener une attaque mondiale en l’espace d’une heure [13].

A cette fin, le DOD met sur pied une armée secrète d’élite gravitant autour de l’Intelligence Support Activity (ISA), créée en 1981 et qui opère aujourd’hui sous le nom de code de Gray Fox. Comme l’EIR l’a déjà noté dans le passé, l’ISA est une unité de renseignement et d’opérations couvertes, faisant partie des Forces spéciales de l’Armée. Pendant l’ère Reagan-Bush/Iran-Contra, l’ISA était utilisée directement par le Conseil national de sécurité (NSC) pour des opérations clandestines, comprenant notamment des trafics illégaux d’armes et des actions contre-terroristes. En 1982, le Congrès n’était pas conscient de l’existence de l’ISA, qui était financée sur la caisse noire du Pentagone et les fonds secrets de la CIA. D’après Arkin, la création de nouvelles organisations et la définition de nouvelles missions pour des organisations existantes reflètent le désir du secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, de prendre le contrôle total de la guerre au terrorisme. Une étude du Pentagone sur le contre-terrorisme recommandait la création d’une super-ISA, baptisée Proactive, Preemptive Operations Group (P2OG), pour fusionner les actions clandestines de la CIA et de l’armée en matière de guerre de l’information, de renseignement et de désinformation. Il s’agit d’une doctrine subversive visant à forcer les organisations terroristes à passer à l’action pour mieux les détruire. En clair, cette doctrine vise à promouvoir des attentats pour susciter une résistance qui pourra ensuite être anéantie par la suprématie militaire US [14].

En optant pour une stratégie de désinformation Rumsfeld peut désigner à sa guise l’ennemi des Etats-Unis. Pour parachever cette doctrine voulue par le Pentagone l’armée américaine prévoit de frapper et mener ses attaques là où elle veut, comme elle veut. La cellule des P2OG aura pour objectif de lancer des opérations préventives, ce qui correspond parfaitement à la stratégie des attaques préliminaires depuis les attentats du 11 septembre. Rumsfeld dira : « Notre tâche consiste à trouver et à détruire l’ennemi avant qu’il ne puisse attaquer. » Et le président Bush : « Nous devons amener le champ de bataille jusqu’à l’ennemi et frapper les premiers. » Ceci implique que les Etats-Unis attaqueront à l’endroit et au moment qu’ils auront choisis. La souveraineté nationale est ainsi balayée d’un seul coup. Henry Kissinger déclarera :« C’est une vision nouvelle, révolutionnaire. Le principe des attaques préventives contre des ennemis potentiels signifie que la notion de non-ingérence dans les affaires internes n’est plus de mise. »

La politique de défense des Etats-Unis et le retour de l’arme nucléaire

William Schneider Jr est, en fait, un promoteur de longue date des programmes d’armement controversés des groupes de défense dure comme le Centre pour la politique de sécurité (CSP). Il a travaillé comme conseiller à la défense pour l’administration de George W. Bush. Il a également servi comme président de la Defense Science Board (DSB), un comité consultatif fédéral qui a été créé en 1956 pour examiner périodiquement les besoins et les possibilités offertes par les nouvelles connaissances scientifiques et pour les nouveaux systèmes d’armes [15]. Mais c’est au travers du Project for A New America Century( PNAC) qu’il dévoile son vrai visage avec la lettre adressée au Président Clinton, le 26 janvier 1998, par ce think tank. Cette lettre, dont il est signataire, expose la nécessité de faire la guerre à l’Irak.
D’une doctrine présentée comme défensive telle que le bouclier anti-missile, Schneider passe à l’offensive et parle, dans ce cas là, de guerre préventive contre des états voyous menaçant la sécurité des Etats -Unis. En 1998, il siége à la Commission d’évaluation de la menace des missiles balistiques aux États-Unis qui conclue que l’Irak peut développer des missiles balistiques capables de frapper les États-Unis et ceci sur une période de dix ans. Cinq ans plus tard, ces craintes sont exposées à l’ONU par Collin Powell et les fameuses preuves d’armes de destruction massive. Même si Paul Wolfowitz, sous secrétaire à la défense, dément l’existence de ces preuves, les Etats-Unis libèrent les irakiens de leur dictateur dans des effluves de mensonge et de coup monté.
En janvier 2001, Schneider siège au sein d’une commission sur les forces nucléaires, sponsorisée par le « National Institute for Public Policy », un groupe de réflexion conservateur. Le rapport de la commission recommande que les armes tactiques nucléaires soient traitées comme une partie essentielle de l’arsenal US et souligne que dans des circonstances qui requièrent une destruction rapide et efficace de cibles prioritaires, les armes nucléaires tactiques sont indispensables et beaucoup plus adaptées que les armes conventionnelles. Plusieurs signataires du rapport sont devenus des membres importants de l’administration Bush, dont Stephen Hadley, conseiller en sécurité nationale, Stephen Cambone, sous-secrétaire d’état à la Défense sur les questions de renseignement et Robert Joseph, sous-secrétaire d’état sur le contrôle des armes et la sécurité internationale.

Conclusion

William Schneider, signataire du PNAC dont le rapport majeur intitulé « Reconstruire les défenses de l’Amérique » décrit la stratégie nécessaire aux forces armées américaines afin de créer une armée spatiale, de poursuivre le développement du bouclier anti-missile et d’établir la suprématie sur le monde des Etats-Unis. De toute évidence, une course mondiale à l’armement s’est engagée entraînant son corollaire de risques potentiels de destruction massive. La prolifération des ces armes poussera-t-elle les Etats-Unis à utiliser l’arme nucléaire tactique dans le conflit qui les oppose à l’Iran [16] ? Pour l’instant, il leur est difficile de condamner un pays qui développe le nucléaire à des fins civiles. Mais si les rapports finaux de l’AIEA sont similaires à ceux pour l’Irak en 2003, la guerre sera inéluctable et conforme aux plans des néo-conservateurs.

La rédaction Geopolintel

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