Pour ce qui est de la tragédie du gazage du village Kurdes d’Halabja en 1988 sans doute conviendrait-il de faire remonter à la surface de l’oubli ce qu’écrivait Barry Lando, ancien de la chaine américaine CBS, dans Le Monde du 17 octobre 2005 [1] à savoir qu’il eut fallu se souvenir « que les armes chimiques irakiennes étaient fournies principalement par des sociétés françaises, belges et allemandes, dont les ingénieurs et chimistes savaient exactement ce que Saddam préparait. Ni que les États-Unis avaient précédemment fourni à Saddam des images satellite lui permettant d’attaquer les troupes iraniennes avec des armes chimiques ; ou encore que, durant des années, les États-Unis et leurs alliés ont bloqué les campagnes internationales visant à faire condamner Saddam pour son utilisation du gaz moutarde et des gaz neurotoxiques ». M. Rumsfeld lui-même ne se rendit-il pas d’ailleurs en visite protocolaire à Bagdad… juste après le gazage d’Halabja ?
Nous ne nous attarderons pas sur ce drame. Rappelons cependant que les Iraniens utilisaient également des gaz de combats ce dont nul ne parle plus à présent. De la même façon le nombre des victimes d’Halabja a toujours été surévalué pour d’évidentes raisons de propagande - pré et post mortem – liée à cette figure du Mal qu’incarnait le monstre Saddam Hussein, afin de sauver la face hideuse des démocraties vengeresses et de leurs mensonges infernaux. Les premiers à avoir donné le bon exemple en ce domaine ne fut-il pas le britannique Winston Churchill en personne ? Churchill pour lequel « la Vérité est trop précieuse pour ne pas la protéger d’un cortège de mensonges », ne déclara-t-il pas, en 1919 alors qu’il était Secrétaire d’État à la Guerre, dans une lettre adressée au RAF Middle East Command, à propos des irrédentistes Kurdes « Je ne comprends pas ces réticences à l’emploi du gaz. Je suis fortement en faveur de l’utilisation du gaz toxique contre les tribus barbares... L’effet moral sera bon. On diffusera une terreur vivace »… Un programme exécuté à la lettre par le lieutenant-colonel Arthur Harris qui lui s’en vantait en ces termes : « Les Arabes et les Kurdes savent maintenant ce que signifie un véritable bombardement… En 45 minutes nous sommes capables de raser un village et de tuer ou blesser un tiers de sa population ». Vingt-cinq ans plus tard le Premier Ministre Winston Churchill, fidèle à lui-même, professait des idées à peu près identiques à propos du Reich national-socialiste [2]…
Harris sut effectivement si bien se faire la main sur les Kurdes insoumis et les zones tribales pakistanaises, qu’il conçut à cette occasion les rudiments de ce qui sera la stratégie de terreur britannique visant des objectifs purement démographiques – Dresde ou Hambourg par exemple - durant la Seconde Guerre mondiale. C’est à ce dernier titre qu’il acquis ses titres de gloire sous le nom d’Harris Bomber… Une page d’histoire presqu’effacée de la mémoire du temps mais sur laquelle il n’est donc pas tout à fait inutile de revenir pour juger à cette aune les clameurs indignées qui s’élèvent ici et là, et autres proclamations aussi vertueuses que fracassantes de moralité internationale.
Ajoutons que dès 1917 les Britanniques sous le commandement du général Allenby, recourent dans le Sinaï aux armes chimiques contre les Turcs [3], puis au nord dans ce qui allait devenir l’Irak. La Grande-Bretagne s’essaye alors à la destruction par voie aérienne des “villages” [bourgs et villes] des tribus en rébellion contre la volonté impériale de rassembler les Kurdes du nord, les Chiites du sud et les tribus Sunnites du Centre et de Bagdad en un seul et même État, ceci afin de créer ex nihilo le “royaume hachémite d’Irak” [1920-1958]… et dans le dessein accessoire d’en contrôler la production pétrolière ! Ressource dont la valeur stratégique s’est imposée avec la Grande Guerre.
Ajoutons par honnêteté que l’usage britannique des attaques aériennes au gaz moutarde – Ypérite - notamment au Kurdistan à Souleimaniyé [4] sur la frontière irano-irakienne en 1925 - un an après la signature du Protocole de Genève prohibant “l’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques” – n’a pas été une pratique totalement isolée, les Espagnols dans le Rif marocain [5]
[1921-1927], les Japonais en Chine et les Italiens lors de leur conquête de l’Éthiopie entre 1935 et 1936, ne s’étant pas privés d’y recourir.
Pour ceux qui montreraient un brin de scepticisme, appelons à la barre des témoins le linguiste essayiste de grande renommée juif américain, Noam Chomky, lequel, en avril 2004 [6] s’exprimait ainsi en des termes peu amènes : « Les Anglais ont géré le Proche-Orient durant une longue période où ils ont été longtemps la puissance dominante… Après la première guerre mondiale, l’Angleterre se trouvait affaiblie et ne put plus contrôler la région par la force directe ». Ce pourquoi « les anglais commencèrent à bombarder des civils à partir de leurs aéronefs. Ils se mirent aussi à utiliser les gaz toxiques, principalement sous l’influence de Winston Churchill, qui était un véritable monstre sauvage. Churchill, dans sa fonction de Secrétaire aux Colonies, ordonna l’utilisation de gaz toxiques contre ceux qu’il qualifiait de “tribus sans civilisation” : c’est-à-dire les Kurdes et les Afghans… Il est cependant important de se souvenir que le gaz toxique était vu comme la pire des atrocités après la première guerre mondiale ».
Ceux qui seraient en mal de références pourront se reporteront à « Iraq : From Sumer to Saddam ». Geoff Simons London, 1996 notamment cité par Brian Terrell - Executive Director of the Catholic Peace Ministry in Des Moines, Iowa - dans le New York Times du 18 février 20053. Les liens ici donnés [7] renvoient généralement à des pages disparues. Nul ne s’en étonnera puisqu’écrire sur la Toile revient tracer des signes éphémères sur la grève d’un rivage battus par les vagues. On ne conclura pas en soulignant à quel point les anglo-américains – voire les Français partie prenante de la guerre du Rif – sont aujourd’hui malvenus de donner des leçons de morale publique au monde entier. Sans doute devraient-ils procéder, s’ils en étaient capables, à un examen de conscience minimal. Même si la morale des États ne peut se réduire à la morale des individus, les États sans morale aucune – quoi qu’ils en usent comme paravent et prétexte à leur actions délétères – ne sont à l’absolu que la ruine des Nations et une honte pour l’espèce dite humaine…
Léon Camus 7 septembre 2013
« Les Égarés », le wahhabisme est-il un contre-islam ? une lecture par Maria Poumier
Dans son nouvel ouvrage « Les Égarés » (Sigest éd.), Jean-Michel Vernochet s’attaque au wahhabisme, nom générique qui englobe aussi bien salafistes, djihadistes que tafkiristes. Il s’agit d’un ouvrage bouclé le 30 juillet 2013, qui fait l’historique de ce mouvement, et s’achève avec des données irréfutables et bienvenues sur le Qatar et sa brève trajectoire précipitée. Le livre se conclut sur le soulagement que représente la chute des Frères musulmans en Égypte. Le format de l’ouvrage est celui d’un outil militant. L’auteur entend apporter des éléments d’analyse utiles pour bloquer la progression du wahhabisme en Europe et en France, l’avancée d’une idéologie d’autant plus menaçante qu’elle est soutenue par des investissements colossaux. Le wahhabisme devrait bientôt non seulement ligoter les musulmans de France sous son rigorisme maniaque, mais peut-être déclencher des affrontements intercommunautaires voire une guerre civile qui aura d’abord pour facette et façade le « djihad par les urnes », première étape avant le terrorisme et les sécessions, comme en ex-Yougoslavie… Bosnie, Kossovo !
Comment ce projet de future ex-France peut-il avancer aussi sournoisement sans que la classe dirigeante veuille ou daigne en prendre la mesure ? Il y a bien sûr les cohortes d’ignorants, incrédules, sans contact avec les populations musulmanes de France. Il y a les personnalités corrompues, qui vendent allègrement les « joyaux de la couronne » ou biens nationaux qui ne leur appartiennent pas, froidement, au plus offrant.
Il y a les agents israélo-américains, qui militent activement pour dissoudre les nations sur l’autel du marché, pour qui toute tradition historique enracinée, toute culture religieuse et politique nationale est un obstacle, et qui introduisent leurs alliés objectifs dans la place, comme des pions utiles.
Il y a les jeunes musulmans pauvres et incultes, mais vivant intensément leur dégoût face à notre société dévorée par le sexe et l’argent tous azimuts, la prostitution assumée, le cynisme généralisé... et pleins d’amertume parce qu’ils ruminent la geste de l’exil, celle de leurs parents, qui avaient durement bataillé et trimé pour quitter leurs campagnes et venir embrasser le pays de l’égalité, de la liberté et de la fraternité, avant de découvrir que ce même pays les méprise, les rejette, les parque et les redoute.
Le livre s’adresse à nos compatriotes désorientés, qui ont beaucoup à en apprendre. Le wahhabisme c’est une famille d’Arabie qui, au dix-huitième siècle, a été très proche des premiers sionistes, y compris par les liens du sang, et des cabalistes. Comme les sionistes encore aujourd’hui, ils ont élaboré une idéologie, soit une utopie de conquête du monde à partir d’une révision radicale de la tradition à laquelle ils prétendaient appartenir. Le point de jonction avec le judaïsme hérétique se fait par le sabbataïsme, son fondateur Sabbataï Zevi, persécuté ayant finalement rallié l’islam, et donné naissance aux Dönmeh ou secte des juifs cachés sous une identité musulmane, une minorité importante en Turquie et plus tard instigatrice du mouvement kémaliste. Cela se passait au moment où le pétrole commençait à devenir l’or noir, et où la Grande Bretagne entreprenait de ravir à son profit les territoires de l’empire ottoman. Cela s’est développé tout au long du XX° siècle, comme idéologie, comme construction artificielle censée déchiffrer définitivement le monde en faisant table rase de l’histoire de l’islam, pour n’en retenir que des formules fossilisées, déclarées préceptes supérieurement obligatoires et suffisants. Le wahhabisme est-il à ce titre un contre-islam, comme le suggère le sous-titre ? L’auteur rappelle les valeurs de l’islam comme civilisation, et non pas réduit jusqu’à la caricature que nous connaissons par le juridisme étriqué dont les wahhabites sont les policiers menaçants. En tout cas, X comme le sionisme par rapport au judaïsme, il s’agit une hérésie au service d’une politique expansionniste, qui imite le sionisme, et s’en fait l’allié sans états d’âme contre les autres musulmans qu’il veut éradiquer.
On ne peut s’empêcher de voir dans le fétichisme wahhabite qui divise les moindres attitudes, pensées et objets en hallal et haram, pur et impur, obligatoire et interdit, une bonne dose d’hypocrisie. C’est en tout cas le fondement disciplinaire des sectes et sociétés secrètes, typiques des hordes primitives engagées dans des luttes à mort contre les autres tribus prétendant partager leur territoire. Si ces structures anthropologiques ont pu être fonctionnelles à une époque reculée, elles sont aussi, avec leur archaïsme futuriste, des cadres solides pour l’entraînement individuel à la discipline militaire et favorisent la tendance à piétiner les coutumes des autres, des impurs en tous genre. L’auteur signale avec raison que les sociétés occidentales multipliant les interdits et, faisant de toute situation inédite matière à traitement judiciaire, sont en train de retomber dans le même travers et pèsent indûment sur la liberté des Occidentaux.
Ah si le Prophète ou le Talmud avaient eu la bonne idée d’interdire l’usage des ordinateurs et des téléphones portables... toutes ces sourcilleuses barbes seraient restées à l’ombre de leurs chameaux, et auraient cultivé leurs délires ascétiques entre eux. Mais le Prophète vivait à l’époque où la justice pratiquait flagellations, mutilations et décapitation, avec les meilleures intentions du monde : aussi nos djihadistes s’en donnent-ils à cœur joie ; et ils en rajoutent, sous prétexte sans doute que le Prophète n’a pas précisé que cela puisse être haram, et nous polluent avec leurs atroces vidéos en live, et retrouvent d’autres façons de tuer, très anciennes, comme lapidation et crucifixion, ou débordant du charme de la modernité, comme les armes chimiques, inventées et fournies par l’Occident « chrétien »... Comme toute mouvance conquérante, comme le christianisme à certaines époques, ils pratiquent la destruction des lieux, rites et objets sacrés pour les autres. On les voit ainsi à l’œuvre contre les animistes, les chiites, les soufis, les kharijites, les chrétiens, les laïques, au Kossovo, au Yémen, au Soudan, en Somalie, en Irak, en Libye, en Afghanistan, en Syrie. L’auteur insiste sur les analogies et liens réels entre tueries de Cromwell, génocides prémédités par les Turcs, férocité des Israéliens et des islamistes, hier en Algérie comme aujourd’hui en Syrie, se disant fondamentalistes, mais en fait promoteurs de l’anarchie. On a peine à croire que ces assoiffés de sang et de pillage, semblant sortis des pages de Salambô, aient la moindre référence religieuse. Hélas, c’est le financement arabe et le soutien politique israélien et américain qui font des miracles, et croisent inextricablement mercenaires et fanatiques.
Le livre se conclut sur une note d’espoir : le fait que les Égyptiens aient mis un terme à la tyrannie que ces gens-là, sous le label Frères musulmans, prétendaient exercer chez eux. Très généralement, les musulmans semblent craindre ces confréries qui s’emparent quand ils le peuvent du pouvoir par des moyens légaux, et en abusent aussitôt. Naturellement, comme tous les peuples, les musulmans souhaitent pratiquer un islam tolérant et passionné de réflexion, celui qu’avait embrassé Roger Garaudy, un islam éblouissant de spiritualité et de raffinement, un islam qui apporte à nos pays l’air frais de la vision holistique du monde que notre rationalisme mercantiliste a chassée. C’est le tawhid [le sens de l’unité du monde et de l’analogie en action dans le monde, un monothéisme authentique] qui nous manque, celui que Garaudy annonçait avec son titre célèbre “L’islam habite notre avenir”. À la même époque, le révolutionnaire vénézuélien Carlos voyait dans l’islam un moteur révolutionnaire rejoignant dans les faits les programmes communistes (1). Mais l’enrichissement faramineux des pays du Golfe a coupé court à ces projets et pronostics. Dans la misère des pays arabes, et dans celle des pays européens, où ils se trouvent déracinés, sans perspective et sans ressources, les jeunes se cherchent dans une foi sommaire, primaire et binaire, soutenue par des subventions bienvenues, des rêves de martyre héroïque et un certain exotisme.
La situation, telle que décrite par Jean-Michel Vernochet, est angoissante. Pour quelqu’un qui se sent comme lui représenter la tradition française, c’est quelque chose comme la menace soviétique de jadis, quelque chose de complètement attentatoire, mais avec en outre un côté radicalement étranger et impensable, parce que cela part de ces peuples que la France avait naguère colonisés et vaincus.
Il semblerait qu’avec l’utilisation des armes chimiques par la même mouvance, avec une mise en scène pour en faire accuser le gouvernement syrien, même les Américains et les Turcs qui soutenaient les rebelles jusqu’à maintenant commencent à mesurer l’irresponsabilité complète de leurs protégés wahhabites, prêts à se retourner contre eux s’ils voient leur champ de pillage rétrécir. Ne parlons pas des responsables français engagés dans le bourbier, ils agissent comme s’ils étaient des agents israéliens de langue française.
Le sursaut de la résistance, de la part des Français de tradition chrétienne comme des musulmans normalement constitués, devient possible. Ce livre y contribue, par une expression synthétique et sans détour.
Les notes documentaires enrichissent avec bonheur la synthèse historique. Par exemple, on nous rappelle que les habitants de Misrata, en Libye, qui ont mis à mort Mouamar Kadhafi avec la cruauté que l’on sait, sont ou seraient non seulement des wahhabites convaincus, mais aussi des marranes, des juifs superficiellement convertis à une date récente, ce dont se flatte le site juif.org. Et naturellement, il y avait aussi à l’origine des aspects libérateurs (retour à la pureté des origines, régénération morale contre la corruption et la déliquescence des mœurs au sein de l’Oumma ; le sionisme aussi a connu une première phase romantique, comportant par exemple le retour vers l’univers paysan, l’esprit pionnier, l’austérité, le dégagement des contraintes que faisaient peser les anciens ; Tolstoï était la grande référence des sionistes russes !) dans le mouvement wahhabite, comme dans tout élan réformateur dans son étape juvénile, aspects qui ne sont pas développés ici. En tout cas, il faut bien constater que dans la réalité culturelle, islam admirable et contre-islam sont bien souvent mêlés, et que toute action contre les militants wahhabites amène aussi des réactions sous forme de rejet à « l’islamophobie des néo-croisés ». On aimerait cependant protéger les religions qui rassemblent et pacifient, mais bannir l’idéologie qui divise. On aimerait des élites qui fassent bloc pour écouter leur conscience et la voix de la nation , celle de la raison et du cœur, telles qu’elle existent encore, et ceci malgré toutes les trahisons dont ces élites se sont rendues coupables.
Maria Poumier - 13 septembre 2013
(1) voir L’Islam révolutionnaire, par Ilich Ramirez Sanchez « Carlos », propos recueillis par J.-M. Vernochet, éd. du Rocher.