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Israël 1995 : Yitzhak Rabin assassiné, la paix enterrée

dimanche 12 novembre 2023

Après la signature des accords d’Oslo, des rabbins fondamentalistes ont qualifié Rabin de « traître » et ont publié un din rodef contre lui, autorisant son assassinat.

Au cours des semaines qui ont précédé l’assassinat d’Issac Rabin en 1995, Netanyahou avaient participé à un rassemblement politique de droite à Jérusalem où les manifestants avaient accusé Rabin d’être un « traître », un « meurtrier » et un « nazi » pour avoir signé l’accord de paix avec les Palestiniens.
Une autre manifestation s’est déroulée les jours suivant à Raanana, où des manifestants, portaient un faux cercueil, marchant derrière Netanyahou.

Netanyahou a réfuté les accusations d’avoir poussé au meurtre de Rabin.
C’était son devoir d’exprimer son opposition aux accords d’Oslo.
« J’ai exercé mon droit d’exprimer une position différente. Ce n’était pas seulement mon droit, mais aussi mon devoir », a déclaré Netanyahu en 2020.

Comme par magie, le Hamas est intervenu après la signature des accords d’Oslo. Le groupe fondamentaliste islamique considérait les accords de paix comme une trahison et a lancé une campagne d’attentats terroristes dans les semaines précédant les élections. 59 civils israéliens ont été assassinés dans des bus, sur des places et dans des centres commerciaux.
Terrifiés, les Israéliens ont tourné le dos à Peres et ont élu Netanyahou, qui avait promis d’être l’homme fort qui mettrait fin au terrorisme. Il a remporté les élections avec moins de 29 000 voix d’avance, a formé un gouvernement avec des groupes orthodoxes et ultranationalistes et a fait exactement ce que le Hamas voulait : faire dérailler le processus de paix.

L’effondrement du processus de paix et la corruption généralisée ont réduit la crédibilité du Fatah, le parti d’Arafat, et renforcé le Hamas. Après une guerre civile entre les deux groupes, la Palestine est restée divisée jusqu’à aujourd’hui. La Cisjordanie est gouvernée par le Fatah et la bande de Gaza par le Hamas.

FR 11/2023

Dans l’histoire de l’échec du processus de paix au Proche-Orient, l’assassinat du Premier ministre d’Israël en 1995 est un point de bascule. La mort d’Yitzhak Rabin, tué par un juif ultranationaliste lors d’une manifestation pacifiste, apparaît aujourd’hui comme un immense gâchis. Car, il y a 30 ans, la paix semblait possible.

Dans les années 90, les Israéliens et les Palestiniens parvenaient à se parler, à négocier ensemble. Avec Shimon Peres, Yitzhak Rabin incarnait alors les espoirs du camp de la paix en Israël. Et pourtant, rien ne prédestinait ce chef de guerre à obtenir le prix Nobel de la paix en 1994.

Comment le processus de paix s’est-il enrayé, au point d’apparaître aujourd’hui comme totalement impossible ? Comment expliquer une telle montée des tensions au Proche-Orient ?

L’Histoire continue tente de comprendre quels sont les ingrédients qui ont permis cet épisode plus pacifié ; et de savoir également pourquoi, du côté des deux parties, certains se sont opposés à la paix.
Le soir du 4 novembre 1995, 100.000 personnes sont rassemblées à Tel-Aviv. C’est la plus grande manifestation pacifiste que le pays a connue depuis des années.

Le Premier ministre israélien monte à la tribune, devant une marée humaine. Yitzhak Rabin, 73 ans, remercie la foule d’être présente en nombre alors qu’il doit mettre en œuvre un accord historique qui reconnaîtra une autonomie à la Palestine. À 21h50, il descend les marches du podium et se dirige vers sa voiture. C’est là que l’histoire va basculer.

Un juif ultranationaliste, membre d’un groupuscule d’extrême droite, opposé au processus de paix, surgit de la foule et tire trois coups de feu. Yitzhak Rabin est atteint à la rate et à la colonne vertébrale. Emmené en urgence à l’hôpital, il décédera à 22h30. Le vœu des groupuscules d’extrême droite est exaucé : l’homme qui voulait la paix est mort.

  • C’est un de ces rares moments dans l’histoire où le bonheur et l’exaltation sont suivis par un précipice.

Élie Barnavi se souvient très bien de cette soirée. Co-organisateur de cette manifestation en faveur de la paix, il assiste aux évènements depuis la terrasse de l’hôtel de ville de Tel-Aviv. L’Écrivain, professeur d’université et ancien ambassadeur d’Israël en France, est aussi l’une des dernières personnes à avoir parlé à Yitzhak Rabin avant son assassinat. Il témoigne de ce souvenir très vif et douloureux : « Quand je suis descendu, nous sommes allés célébrer, en mangeant un morceau dans un restaurant à côté et c’est là que nous avons entendu la rumeur se répandre : il y a eu un attentat contre la vie de Rabin. On s’est précipité à la maison. On a allumé la télévision et on a vu son chauffeur et ami, écroulé sur le capot de sa voiture. On a su que c’était terminé » déclare-t-il, l’air ému.

Un héros de guerre surnommé « Faucon »

Son destin d’artisan de la paix était cependant loin d’être tout tracé. Né à Jérusalem en 1922, l’homme a combattu comme soldat en 1948 pour l’indépendance d’Israël et devient chef d’État-major de Tsahal. Celui que l’on surnomme le « Faucon » est un héros de guerre qui se démarque en 1967 avec la victoire de la Guerre des Six jours. Israël triple triomphalement la superficie de son territoire. Mais Rabin le conquérant va finir par choisir la paix, confronté à un dilemme historique : faut-il gagner la paix ou continuer à conquérir ? Il abandonne l’armée, se lance en politique avec le parti travailliste et devient ministre de la Défense puis Premier ministre. Il décide alors de discuter avec le leader de l’OLP, le chef de l’Organisation de Libération de la Palestine, l’ennemi numéro d’Israël : Yasser Arafat.

1993 : un rendez-vous avec l’histoire sur la pelouse de la Maison Blanche

Le 13 septembre 1993, après des années de discussions, Yitzhak Rabin se retrouve sur la pelouse de la Maison Blanche à Washington et il signe un accord de paix, sous l’œil du président américain Bill Clinton : les accords d’Oslo. Yasser Arafat, en uniforme militaire et Keffieh, tend la main à Yitzhak Rabin, qui après une brève hésitation, l’accepte et la serre chaleureusement.

Cette poignée de main inscrit Israël et la Palestine sur le chemin de la réconciliation. Ces accords d’Oslo sont basés sur un principe simple : Israël reconnaît l’OLP et cède le contrôle sur les territoires occupés. Yasser Arafat, lui, reconnaît l’Etat d’Israël et renonce au terrorisme.

Des sujets épineux sont encore à négocier. L’autonomie palestinienne doit-elle déboucher sur un véritable État ? Les réfugiés ont-ils droit au retour sur les terres dont ils ont été chassés ? À qui appartient Jérusalem, lieu saint de trois religions monothéistes ? Et que faire des nombreuses colonies israéliennes situées en territoires occupés ?

Mais le principal problème viendra de l’opposition grandissante aux processus de paix dans les deux camps.

Côté palestinien, Yasser Arafat voit le Hamas islamiste monter en puissance. De son côté, Yitzhak Rabin doit faire face à l’opposition de droite et d’extrême droite qui refuse qu’Israël renonce à ce qu’ils considèrent comme le territoire donné par Dieu aux juifs.

En 1994, plusieurs manifestations sont organisées en Israël par la droite et l’extrême droite pour demander l’arrêt du processus de paix. Des slogans hostiles au gouvernement travailliste y sont proférés. Yitzhak Rabin est accusé d’être un traître à la patrie et des pancartes le montrent en uniforme nazi. Pour Élie Barnavi, les adversaires politiques du Premier ministre n’ont pas seulement tiré parti de ce climat de haine : « Benyamin Netanyahu fut l’un des instigateurs de ce climat, l’un des principaux incitateurs. Il a conduit lui-même une procession avec un cercueil de Rabin ».

L’écrivain ne mâche pas ses mots vis-à-vis de l’actuel Premier ministre israélien, qui à l’époque, « n’a pas eu un mot pour calmer ses partisans » affirme-t-il.

Netanyahou est devenu ministre sur le sang de Rabin.

Les forces opposées au processus de paix vont se nourrir et se renforcer mutuellement et le sang coulera de plus belle sur la terre sainte.

Les funérailles d’Yitzhak Rabin, qui ont lieu le 6 novembre 1995, constituent sans aucun doute le moment culminant des efforts de paix entre Israël, les Palestiniens et les pays arabes de la région dans ce début des années 90. C’est aussi à partir de ce moment, que la situation va se dégrader lentement, mais sûrement. Avec le cercueil d’Yitzhak Rabin, le monde ne le sait pas encore, mais il enterre aussi les espoirs de paix au Proche-Orient.

RTBF

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