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Sous-traitance : le travailleur détaché à la fois coupable et victime du dumping social

mardi 5 mars 2013

Une semaine après la réunion de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal à Matignon, au cours de laquelle le problème des travailleurs détachés avait notamment été abordé (lire notre article), la Fédération Nationale des Salariés de la Construction, du Bois et de l’Ameublement de la CGT organisait mardi 4 décembre un colloque consacré à la sous-traitance.

C’est une caractéristique quasi-structurelle du secteur : le Bâtiment sous-traite. Beaucoup. Entre 35 et 40 % de son activité. Un « mal nécessaire », un « complément naturel » pour les entreprises de construction, pour répondre à une demande de compétence particulière, selon Gille Letort, secrétaire fédéral chargé de l’international à la FNS Construction-Bois-Ameublement CGT (FNSCBA-CGT).

Mais la sous-traitance, en pleine explosion ces dernières années charrie avec elle son lot de dérives.

La plus criante : le recours à de la main d’œuvre étrangère, dont les conditions d’emploi souvent précaires viennent fausser la concurrence. Coupables/victimes tout désignés : les fameux « travailleurs détachés ». 40 % d’entre eux sont déclarés par des entreprises de BTP et on estime aujourd’hui leur nombre dans le secteur à plus de 140.000 pour près de 26.000 équivalents temps plein annuels en France en 2010.

Leur présence est tout à fait légale, encadrée par une directive européenne, la directive 96/71/CE voir pdf « concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services ». Mais l’application de cette directive a engendré un certain nombre d’abus qui, en période de crise, inquiètent les professionnels du bâtiment.

Une situation sur laquelle avait décidé de se pencher la FNSCBA-CGT mardi 4 décembre en organisant un colloque sur la question. Avec en ligne de mire, l’examen en janvier par le Parlement européen d’un projet de directive visant à mieux contrôler justement la directive 96/71/CE.

Dumping social

Pensée à l’origine pour permettre et protéger la libre circulation des travailleurs, elle est censée garantir leurs droits minimums dans le pays d’accueil en matière de salaire, de congés payés, de santé et de durée du travail pour un emploi à durée déterminée. Ainsi un travailleur polonais travaillant en France comme travailleur détaché doit se voir appliquer les minima garantis par la convention collective du BTP français, relativement protectrice.

Problème : les failles sont trop nombreuses et des entreprises peu scrupuleuses ont eu tôt fait d’en jouer.
Tout d’abord : « les juges européens ont en réalité transformé les mimima en maxima », a expliqué Gilles Letort, lors du colloque. Dès lors : « aucun progrès social ne leur est promis ». D’autant que les conditions de travail sont souvent très éloignées des standards français : les ouvriers sont corvéables à merci et leurs salaires certes en apparence conformes sont souvent ponctionnés pour des « prestations » assez floues. Et au grand dam de la CGT, l’action syndicale auprès d’eux est impossible.

Ensuite, et c’est le point le plus sensible : les charges sociales sont versées par l’employeur dans le pays d’origine. Et elles y sont souvent beaucoup plus faibles. Dès lors, la main d’œuvre est moins chère. Ce qui crée une distortion de concurrence. Un « dumping social » qui normalement ne devrait durer qu’au maximum 12 mois puisque la directive impose qu’à la fin de ce délai, les cotisations sociales soient versées dans le pays d’accueil. « Mais en réalité, on fait un premier contrat de trois mois, puis un deuxième contrat de trois mois et ainsi de suite et on fait sauter la limite », selon Gilles Letort.

Quelles solutions ?

Et contrer le phénomène s’annonce difficile. Le peu de contrôles effectués par l’Inspection du travail (entre entre 1400 et 2100 en 2011) et la multiplication des niveaux de sous-traitance lui permet de s’épanouir. D’autant plus que les responsabilités en cas d’infraction sont diluées. En effet, au contraire de l’Allemagne et surtout de l’Espagne, le donneur d’ordre principal n’est jamais pleinement mis en cause.

La CGT a donc profité de ce colloque pour rappeler ses positions : la mise en place d’une responsabilité directe et solidaire du donneur d’ordre à l’égard de l’ensemble des entreprises de la chaîne de sous-traitance, et ceci tant en matière fiscale, pénale que sociale, mais aussi une limitation à deux niveaux de cette chaîne de sous-traitance. Une position que la FNSCBA ira défendre à Bruxelles le 23 janvier 2013 au cours d’une manifestation devant le Parlement européen.

Source Le Moniteur

http://www.lemoniteur.fr/693-emploi...


Travailleurs détachés
Qu’est-ce que le détachement ?

Un travailleur est considéré comme « détaché » s’il travaille dans un État membre de l’UE parce que son employeur l’envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans cet État membre. Par exemple, un prestataire de services peut remporter un contrat dans un autre pays et décider d’envoyer ses employés exécuter ce contrat sur place. Cette prestation de services transnationale donne lieu à une catégorie distincte : les « travailleurs détachés », envoyés pour travailler dans un autre État membre que celui dans lequel ils exercent habituellement leurs fonctions. Cette catégorie ne comprend pas les travailleurs migrants qui se rendent dans un autre État membre pour y chercher un emploi et qui y travaillent.

Pour garantir la protection dans toute l’Union européenne des droits et des conditions de travail d’un travailleur détaché, et afin d’éviter le « dumping social », situation dans laquelle les prestataires étrangers peuvent fournir un service à un prix inférieur à celui pratiqué par les prestataires locaux grâce à des normes de travail moins restrictives, la législation de la Communauté européenne a établi un ensemble de règles obligatoires relatives aux conditions de travail d’un travailleur détaché dans un autre État membre. Ces règles doivent refléter les normes appliquées aux travailleurs de l’État membre d’accueil (c’est-à-dire l’endroit où le travailleur est envoyé pour exercer ses fonctions).

Le principe est le suivant : si un État membre prévoit des conditions d’emploi minimales, ces dernières doivent également s’appliquer aux travailleurs détachés dans cet État. Cependant, rien n’empêche l’employeur d’appliquer des conditions de travail plus avantageuses pour les travailleurs, par exemple celles de l’État membre d’origine (c’est-à-dire l’endroit où le travailleur exerce habituellement sa profession).
Quels cas sont concernés ?

La directive relative au détachement des travailleurs (directive 96/71/CE) couvre les employés envoyés dans un autre État membre dans trois cas :

lorsqu’un employeur détache un travailleur vers un autre État membre pour son compte et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre l’employeur et l’autre partie, située dans cet État, pour laquelle les services doivent être effectués ;
lorsqu’un employeur détache un travailleur vers un établissement ou une entreprise appartenant au même groupe et situé(e) sur le territoire d’un État membre ;
lorsqu’un employeur, en tant qu’agence d’intérim ou que bureau de placement, loue les services d’un travailleur à une entreprise cliente implantée ou opérant dans un autre État membre.

Pendant la période de détachement, la relation de travail entre employeur et travailleur détaché doit être maintenue.
Quelles conditions de travail sont couvertes ?

L’ensemble de règles obligatoires relatives au détachement couvre un large éventail de questions, comme les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, les congés payés annuels minimums, les conditions minimales de rémunération, l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et les conditions de mise à disposition des travailleurs, en particulier les prestations de travailleurs provenant d’agences d’intérim.

Cette législation s’intéresse également aux questions de santé et de sécurité au travail, et comprend des mesures de protection des conditions de travail des femmes enceintes, des enfants et des jeunes.

En garantissant une concurrence loyale et le respect des droits des travailleurs détachés, la législation de la Communauté européenne détermine un cadre précis qui permet aux entreprises et aux travailleurs de tirer le meilleur parti des possibilités offertes par le marché intérieur.

La directive relative au détachement des travailleurs impose par ailleurs aux États membres de coopérer les uns avec les autres et de donner librement accès à l’information sur les conditions nationales d’emploi.
Initiatives législatives 2012

Proposition de directive du parlement européen et du conseil relative à l’exécution de la directive 96/71/ce concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services - COM(2012) 131
Proposition de réglement du conseil relatif à l’exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services - COM(2012) 130
Document de travail des services de la commission : proposition de directive du parlement européen et du conseil relative à l’exécution de la directive 96/71/ce concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services - SWD(2012) 63 - Part I / SWD(2012) 63 Part II / SWD(2012) 64 Résumé de l’analyse d’impact
Communiqué de presse : La Commission renforce la protection des travailleurs détachés - IP/12/267 21/03/2012

Rapports de mise en œuvre

Rapport des Services de la Commission sur la mise en œuvre de la directive 96/71/CE du Parlement et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (January 2003)
Implementation report Directive 96/71/EC concerning posting of workers in the framework of the provision of services - New Member States (July 2007)

Etudes

Preparatory study for an Impact Assessment concerning the possible revision of the legislative framework on the posting of workers in the context of the provision of services, Ismeri Europa (2012)
Complementary study on the legal aspects of the posting of workers in the framework of the provision of services in the European Union (2012)
Comparative study on the legal aspects of the posting of workers in the framework of the provision of services in the European Union - with executive summaries : EN, FR, DE (2011)
Study on the economic and social effects associated with the phenomenon of posting of workers in the EU : Final report / Annexes (March 2011)
Information provided on the posting of workers (Sep 2010)
Recent study on the Posting of workers carried out for the European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions (Eurofound) - Pedersini, Roberto, Pallini, Massimo : Posted workers in the European Union (2010)
Joining up in the fight against undeclared work in Europe - Feasibility study on establishing a European platform for cooperation between labour inspectorates, and other relevant monitoring and enforcement bodies, to prevent and fight undeclared work (Final Report 2010)
Report (Executive Summaries) on the implementation of Directive 96/71/EC in Bulgaria and in Romania (2009)

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