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Jean Castex va privatiser la RATP

dimanche 15 janvier 2023

Notre Bourvil national, c’est le surnom que lui ont donné les analystes politiques américains, a quitté son poste de premier ministre pour être nommé directeur de la RATP.
Certains y voyaient un pantouflage, mais dans la Macronie, les assassins financiers, déroulent leur plan, pour liquider les services de l’Etat.

Sa gouaille gersoise et son accent du midi ne doivent pas nous éloigner de son parcours sous le mandat de Nicolas Sarkozy, où il a été désigné pour restructurer l’Hôpital français, accélérer la fermeture d’établissement et diminuer les capacités d’accueil en nombre de lits.

Notre ministre du déconfinement est responsable de la casse de l"hôpital, de la tarification à l’acte et de la rentabilité des services de soins. C’est l’homme de la loi de de 2005 introduisant des logiques de rentabilité au sein de l’hôpital public. De 2005 à 2007, il était directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère de la Santé (DHOS).

Céline Laville, la présidente du syndicat Coordination nationale infirmière :
“la tarification à l’acte est arrivée, les directions se sont mises au chiffre pour recevoir de plus grosses enveloppes. Résultat : on a augmenté l’activité mais pas le personnel. On se retrouve donc avec des personnels qui n’ont pas le temps de faire des réunions de services. Les agents de terrain font leur tâche auprès des patients et rentrent chez eux épuisés.”

Maintenant place à la RATP, où Jean Castex va utiliser le même processus utilisé pour l’hôpital. Utiliser la crise du Covid 19, faire baisser le nombre de salariés et déclarer que cette entreprise de services publics doit être réformée pour être vendue à des amis qui lui verseront des rétrocommissions.
La RATP a été mise sous pression par les objectifs de privatisation et de concurrence juste avant la nomination de Jean Castex, et Valérie Pécresse qui se réjouit de la fin du monopole en 2025, qui apportera une meilleure qualité de service aux usagers.

Clément Beaune, ministre des Transports, et membre du think tank américain The European Council on Foreign Relations, n’exclut pas de retarder cette ouverture à la concurrence s’il y a un risque de perturbation des Jeux olympiques 2024.

Engagée par le traité de Maastricht (1992), puis déclinée dans des directives et règlements sectoriels, la libéralisation des services publics en réseau a conduit en France à la fin progressive des monopoles publics.

Dans le secteur des transports urbains, la libéralisation, plus tardive qu’ailleurs, s’est faite à travers le règlement européen OSP (« Obligations de service public ») adopté fin 2007. La gestation de ce dernier a été retardée pendant plus de 7 ans, principalement en raison de la volonté de l’Allemagne de préserver ses régies locales (les Stadtwerke) de la mainmise des groupes privés.

En France, le règlement OSP a été complété par une loi qui a fixé les conditions de son application à la région Ile-de-France. Toute nouvelle desserte, quel qu’en soit le mode (métro, bus, tramway), doit faire l’objet d’un appel d’offres.

La RATP qui bénéficiait de droits de lignes à durée illimitée, verra une ouverture à la concurrence en trois étapes :
2025 pour les lignes de bus
2030 pour les lignes de tramway
2040 pour les lignes de métro et de RER.

Privatisation : les agents de la RATP défient la loi du marché

Après une grève historique le 18 février 2022, les salariés de la RATP, s’estimant négligés par la direction, se sont à nouveau réunis pour poursuivre leur mobilisation. En cause, toujours, des revendications salariales, mais surtout, une opposition ferme au projet de privatisation du réseau de bus à l’horizon 2025. Reportage.

« Le transport public n’est pas une marchandise. C’est ce que nous sommes venus rappeler ici devant notre maison, la maison de la RATP », clame avec ténacité Erik Meyer – secrétaire général de Sud Rail – au micro devant les manifestants. Le vendredi 25 mars, plusieurs centaines d’agents RATP se sont réunis devant la maison de la RATP, dans le 12e arrondissement de Paris.

En ligne de mire de cette mobilisation, le projet de privatisation du réseau de bus de la RATP d’ici 2025. Face à la crainte d’une dégradation des conditions de travail des agents et de la qualité du service pour les usagers, les syndicats appellent à s’unir et à résister à « la prédation du capitalisme sur les services publics ».

En opposition ferme à cette ouverture à la concurrence, les manifestants ont fait le choix de s’installer devant l’entrée de la maison de la RATP, située quai de la Rapée, à deux pas de la gare de Lyon. Si la colère est palpable dans les discours, les sourires dominent sur le visage des grévistes. En cette matinée ensoleillée, l’enceinte est de sortie et la musique vient rythmer les slogans dans les mégaphones. Les drapeaux de l’ensemble des organisations syndicales flottent en symphonie. CGT, FO, UNSA, Sud Rail, Solidaire, ils se sont tous réunis aujourd’hui. La foule est joviale et les pétards retentissent.

Aujourd’hui ce n’est que le début de la lutte, on va continuer à résister pour préserver le service public.

Déterminés à faire valoir leurs revendications, les agents de la RATP ont répondu à l’appel de l’ensemble des syndicats qui, en symbole d’union face au spectre de la privatisation de l’entreprise, se sont organisés à l’unisson. Banderoles, drapeaux, embrassades : pour les salariés de la RATP, cette journée de mobilisation sociale est aussi un moment de communion. Pour ces travailleurs essentiellement solitaires dans leur quotidien – les conducteurs de transports en commun travaillent seuls pendant des journées de sept à huit heures – cette manifestation est également l’occasion de se retrouver, d’échanger et de resserrer les rangs.

La privatisation du réseau de bus à l’horizon 2025

Le réseau de bus francilien est le premier impacté par la Loi d’orientation des mobilités (loi LOM). Promulguée le 24 décembre 2019, ce texte permet d’ouvrir à la concurrence le marché public des transports en commun. Pour les bus, le processus a déjà commencé : le conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités a voté le 17 février dernier la délégation du réseau à des entreprises privées, avec un découpage en treize lots. Ces lots seront soumis à des appels d’offres sur lesquels des sociétés de transport comme Kéolis, Véolia, Transdev et autre pourront se positionner. L’attribution des différentes parts de marché doit se clôturer d’ici 2025. Ce sont 19 000 agents du réseau de bus qui sont directement concernés.

Souhaitée par Valérie Pécresse – présidente du Conseil régional d’Île-de-France – cette ouverture au secteur privé doit se poursuivre progressivement. Selon Bertrand Hammache – secrétaire général de la CGT RATP – la privatisation va ensuite « s’attaquer au tramway en 2029 » puis « au métro et RER d’ici 2039 ». Pour le syndicaliste – gestionnaire de mouvement des trains dans le métro depuis 28 ans – cette manœuvre vise « à mettre fin au monopole du service public sur les transports en commun » afin « d’alimenter le secteur privé ».
Rentabilité et dangers pour les usagers et employés

L’idylle entre les transports en commun franciliens et le secteur marchand a pourtant déjà montré ses limites sur les lignes déjà gérées par des sociétés privées. C’est ce que pointe Nabil, machiniste à Malakoff depuis 20 ans : « L’exemple du tramway T9 pris en charge par Keolis, c’est une parfaite illustration. Il y a des incidents d’exploitation tout le temps ». Pour cet agent RATP, la recherche de rentabilité amène inévitablement à « rogner sur les coups de maintenance » et à proposer « des formations moins exigeantes aux conducteurs ».

Cette course à la productivité entraîne également une hausse de la durée hebdomadaire de conduite pour les agents
. « Ils conduisent tous plus longtemps. Et vu la complexité du réseau de transport en Île-de-France, cela génère plus de fatigue et donc des erreurs humaines », poursuit Tarek, chef de dépôt à Aubervilliers.

L’ouverture à la concurrence, louée pour la compétitivité qu’elle génère et sa capacité à tirer la qualité de service vers le haut, ne s’applique pas aisément au secteur des transports en commun. Comme l’explique Jean-Christophe Delprat – secrétaire fédéral du syndicat Force Ouvrière RATP – dans le secteur des transports, « l’essentiel des facteurs de productivité sont humains ». Par conséquent, pour une entreprise, vouloir gagner en compétitivité est synonyme de « casse des conditions de travail et des acquis sociaux », déclare t-il la voix teintée d’amertume. C’est en ce sens que les syndicats condamnent la politique de « dumping social », encouragée par Valérie Pécresse.

Loin d’être résignés, les agents de la RATP présents aujourd’hui sont convaincus que le rapport de force est en leur faveur. « Si on s’arrête tous en même temps, en masse, le réseau est paralysé et la direction le sait », souligne Tarek avec ferveur. C’est aussi ce qu’affirme Erik Meyer en haranguant la foule au micro : « Aujourd’hui ce n’est que le début de la lutte, on va continuer à résister pour préserver le service public. »

Des bénéfices en hausse et des salaires figés

« Mais elle est où ? Mais elle est où ? Mais elle est où madame Guillouard ? », chantent en cœur les manifestants alors qu’ils bloquent au milieu de la route l’un des rares bus du réseau circulant aujourd’hui. La cible de ces chants, c’est Madame Catherine Guillouard – PDG de la RATP – dont le salaire a connu une hausse 12,5% en 2019. Cette augmentation avait fait grincer des dents dans les rangs des syndicats à l’époque. Près de trois ans plus tard, dans le contexte d’une inflation galopante, l’amertume demeure vive chez les salariés. « Elle ne risque pas de nous répondre ou de descendre de son bureau… Ils sont en télétravail ces gens-là », ironise Maxime en allumant son fumigène.

En 2021, la RATP a réalisé un bénéfice net de 207 millions d’euros. Cette santé financière retrouvée après la crise sanitaire indigne les salariés qui ont du mal à « boucler leurs fins de mois ». Elle crée du ressentiment envers la direction et les orientations politiques choisies par le groupe. Pour Erik Meyer, « ce bénéfice, c’est ce que lorgne le secteur marchand. Il préfère le voir en dividende potentiel pour les actionnaires, plutôt qu’en augmentation pour les salariés ».

Rémi Barbet

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