ZFE : avoir la bonne vignette Crit’Air et être interdit de circuler, ce sera bientôt possible
POLLUTION
Les 11 millions de propriétaires de voitures diesel récentes qui resteront « tolérées » dans les Zones à faibles émissions savent-ils que de son côté, la Métropole du Grand Paris leur fermera ses portes dès 2024 ?
Celle de Strasbourg dès 2028 ?
Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs, s’interroge.
Lorsqu’un client pousse la porte de sa concession automobile – de nos jours, ce n’est plus si fréquent – et qu’il ne veut entendre parler que d’une voiture roulant au gazole, les vendeurs qui font bien leur travail les avertissent. « On les prévient qu’ils ne pourront bientôt plus aller à Paris ni dans sa banlieue, s’ils achètent cette motorisation, me confie une amie, dont la famille vend des Citroën depuis quatre générations dans l’est de la France. Mais ils sont déterminés : c’est du diesel qu’ils veulent, et rien d’autre ».
Il faut dire que ce carburant, aujourd’hui conspué, a longtemps été salué pour ses vertus. Il y a peu encore nettement moins cher à la pompe que l’essence, il bénéficiait par ailleurs de généreuses subventions, grâce à ses émissions de CO2 réduites. Il y a seulement dix ans, près de trois voitures sur quatre nouvellement immatriculées en France étaient des dCi, HDi et autres TDI ! Résultat, aujourd’hui, 58 % des 37,3 millions de voitures particulières qui circulent sur notre territoire sont des diesels.
Parmi elles, plus de 11 millions sont suffisamment récentes pour arborer sur leur pare-brise une vignette Crit’Air 2 et restent les bienvenues dans les Zones à faibles émissions (ZFE), qui n’écarteront « que » les véhicules à vignette 3, 4 et 5 (plus les « non-classés ») à compter de 2025. En tout cas, c’est ce que la loi LOM adoptée en décembre 2019 stipule.
Sauf que la Métropole du Grand Paris a décidé de faire du zèle. Elle, les Crit’Air 2, elle n’en veut plus non plus et ce, dès le 1er janvier 2024. Ce qui inclut l’intégralité des modèles « gazole » (si l’on excepte quelques Mercedes haut de gamme hybrides rechargeables diesel), interdits de vignette Crit’Air 1 par décision – peu éclairée – du législateur, quand bien même les dernières normes européennes en vigueur sont respectées.
Alors bien sûr, tous les Français ne sont pas amenés à rouler dans la Métropole du Grand Paris. Songez tout de même que dans ses 800 petits km2, délimités par l’autoroute A86, elle englobe plus de 5,6 millions d’habitants. Parmi eux, peut-être, des membres de votre famille ou des amis vivant dans l’une des près de quatre-vingts communes que la ZFE englobe… dont certaines restent mal desservies par les transports en commun. Plus question de les visiter au volant de votre diesel. Vous voulez juste traverser ce territoire pour vous rendre sur votre lieu de villégiature ou à votre rendez-vous professionnel ? Même punition : ce sera au risque de recevoir un PV.
L’an dernier encore, 21 % des acheteurs de voitures neuves ont pourtant privilégié le diesel
Souhaitons qu’ils soient bien informés et que, comme les clients de mon amie, ils n’en aient « rien à faire de ne pas pouvoir aller à la capitale », d’ici à une trentaine de mois. Mais attention : le Grand Paris fait des émules. La métropole de Strasbourg elle aussi a déclaré les Crit’Air 2 « voitura non grata », même si ce n’est qu’à compter de 2028. Rien ne dit que d’autres « fayots de la ZFE » ne viendront pas grandir les rangs, parmi les quarante-cinq métropoles de plus de 150.000 habitants censées être instaurées d’ici à 2025 à travers le pays.
J’en arrive à me demander comment l’État peut encore laisser commercialiser des véhicules qui ne garantiront pas la même liberté de mobilité pour tous, sur l’ensemble de notre territoire… Le fait qu’une partie de leurs propriétaires pourront circuler à leur bord sur certaines routes, alors que d’autres, à bord de modèles strictement identiques, ne pourront pas le faire, ça ne vous choque pas, vous ? Moi, si.