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Quand Michel Sapin raconte le poids des lobbys à Bercy

mardi 26 novembre 2024

« Omniprésents », « puissants », « insistants »… Dans un récent article, l’ancien ministre des Finances décrit de l’intérieur l’activité des lobbyistes au sein de la forteresse Bercy. Un récit sans langue de bois.

NB : Avant les législatives de 2024, les banques sont passées à l’offensive en pressant de Bercy de légaliser le « CumCum ». Le lobby bancaire a pesé sur l’administration française pour obtenir le contournement de l’impôt sur les dividendes tout comme la Banque de France qui paye chaque année 3,5 milliards à l’Etat.

Ce que craignent les banques, c’est un possible changement de pouvoir et une exposition de leur méfaits concernant de futurs redressements fiscaux et d’enquêtes sur la fraude fiscale.

La Société générale, BNP Paribas, Natixis et le Crédit agricole étaient dans le viseur de Bercy depuis l’élection de Macron en 2017 pour pratiquer le « CumCum », permettant à leur clients étrangers d’échapper à l’impôt sur les bénéfices.

Chaque année, ce sont des milliards qui échappent au fisc et pourtant ce sont toujours les plus pauvres qui passent à la caisse.
Bruno le Maire n’a jamais rien fait pour contrer cela, au contraire, il dînait avec les lobbyistes bancaires pour savoir comment fermer les yeux sur cette évasion fiscale.
L’impôt sur les dividendes représente un pourcentage allant de 15 à 30% et l’évitement de l’impôt concerne uniquement les actionnaires étrangers détenteurs d’actions d’entreprises en France. Avant le versement des dividendes, les actionnaires transfèrent leurs action à Dubaï qui n’est pas soumis à l’impôt, puis les deux bénéficiaires se partagent les recettes que l’Etat ne cherchera à pas à récupérer.

En un mot on appelle cela l’optimisation fiscale.

Pour les entreprises, c’est l’Association française des entreprises privées qui milite pour juguler la taxation du résultat qui représente la moitié de la fiscalité des entreprises.
La fiscalité sur les entreprises représente 151,5 milliards d’euros en 2021, soit 6,1 % du PIB.
Les multinationales transfèrent les dividendes vers des zones faibles en taxation pour éviter de payer l’impôt en France. L’autre solution est de transférer les bénéfices dans les paradis fiscaux comme l’Irlande qui est dans le système européen et dont la fiscalité est de 12,5% contre 28% en France.

Gabriel Zucman, économiste à Berkeley et spécialiste de l’évasion fiscale confirme cette tendance :
« 600 milliards de profits des multinationales ont été délocalisés dans les paradis fiscaux (Irlande, Pays-Bas, Caraïbes, Suisse, …) en 2015. Les Etats européens (hors paradis fiscaux) sont les premiers perdants de ce transfert ».

FR

Un témoignage rare. Dans la dernière livraison de la très sérieuse revue Pouvoirs, l’ancien ministre des Finances, Michel Sapin, lève un coin de voile sur un sujet qui alimente les fantasmes : l’action des lobbys à Bercy. L’actuel conseiller de François Hollande, qui connaît par cœur l’administration des Finances pour y avoir été deux fois ministre, au début des années 1990 puis entre 2014 et 2017, livre un récit sans langue de bois de la manière dont les lobbyistes assiègent en permanence la forteresse Bercy.

« Dans tous les secteurs, et pour ceux que j’ai le mieux connus, dans les secteurs bancaires et financiers, dans le domaine de la fiscalité des entreprises, ou celui de la régulation des marchés, les représentants d’intérêts, les lobbys, sont omniprésents, souvent insistants et toujours débordants d’énergie », prévient-il d’emblée. Celui qui a donné son nom à deux lois anticorruption décrit par le menu les recettes des lobbyistes pour influer sur les décisions du ministre des Finances.

Dîner discret et convivial

Premier enseignement : le métier du lobbying s’est considérablement professionnalisé ces dernières décennies. La quasi-totalité des grandes entreprises et des grands patrons s’adjoignent désormais les services de cabinets spécialisés. « Souvent talentueux et habiles, ces cabinets de conseils sont très présents, que ce soit pour organiser une rencontre dans le bureau du ministre, remarque-t-il, ou, de manière plus conviviale, pour arranger un déjeuner ou un dîner propice à des échanges plus détendus et discrets. »

Autre pratique prisée des lobbyistes : le recrutement d’anciens hauts fonctionnaires du ministère des Finances. « Les lobbys les plus influents, qui, comme des poissons dans l’eau, se trouvent les plus à l’aise dans les couloirs de Bercy, qui parlent la même langue et partagent les mêmes références, relève Michel Sapin, sont ceux qui sont dirigés ou représentés par d’anciens responsables des administrations du ministère de l’Economie et des Finances. » Dans ces officines, il n’est pas rare que l’expert de la fiscalité vienne de la direction des impôts ou que le spécialiste des sujets bancaires soit un ancien de la direction du Trésor chargée des règles du secteur bancaire.

Le puissant lobbying des banques et du CAC 40

L’ex-ministre des Finances cite deux lobbys particulièrement puissants dans les couloirs de Bercy. Le premier est l’Association française des banques, qui représente les intérêts des banques françaises et fait partie de la Fédération bancaire française (FBF). « Avec elle, les rendez-vous sont réguliers, à tous les niveaux, souligne Michel Sapin. Plusieurs fois par an, c’est le ministre lui-même qui préside la rencontre. » Une association qui avait tout fait pour que la loi de séparation bancaire, votée au début du quinquennat Hollande, ne casse pas le modèle des banques universelles à la française.

Le deuxième lobby « qui dispose d’une force de frappe particulière par sa grande technicité, la qualité de ses membres et l’intimité de ses relais dans la presse » (sic) est l’Association française des entreprises privées (Afep), qui regroupe entre autres les patrons du CAC 40. « Qu’il s’agisse de fiscalité des grandes entreprises tout particulièrement dans l’écheveau complexe des règles européennes et de la fiscalité française, l’Afep est présente depuis la conception des textes jusqu’à, quand elle le juge nécessaire, l’initiative des contentieux européens », écrit l’ex-ministre.

Le relais de la presse économique

L’influence des lobbys sur Bercy se joue aussi à l’extérieur. « Tout bon lobby sait non seulement développer des arguments en sa faveur devant les responsables administratifs et politiques qu’il rencontre, détaille Michel Sapin, mais aussi irriguer de ses arguments la presse économique et financière ou les journalistes spécialisés de chacun des grands médias écrits, radio ou télé. Le lobbyiste trouve ainsi un relais puissant qui pèse de l’extérieur sur Bercy avant ou après avoir cherché à peser de l’intérieur : une forme de prise en tenaille qui ne manque pas de force et d’efficacité. »

Faut-il s’inquiéter de ces relations permanentes entre lobbys et Bercy ? Non, répond en substance Michel Sapin, dès lors que le ministre comme les hauts fonctionnaires sont conscients des stratégies des lobbyistes. « S’ouvrir sans se pervertir, s’enrichir de l’avis des autres sans être sous influence, telle est l’attitude que doit rechercher Bercy », assure-t-il. « L’enfermement dans des certitudes technocratiques » serait d’ailleurs un écueil tout aussi critiquable.

Transparence volontaire du ministre

Afin d’éviter que le ministère soit sous la coupe des lobbys, Michel Sapin livre quelques recommandations tirées de son expérience. D’abord, les services de Bercy doivent être à l’initiative de rendez-vous pour tester leurs idées de réforme et ne pas recevoir uniquement les lobbys à leur demande. Ensuite, l’ex-ministre préconise de consulter « de manière égalitaire et ordonnée » tous les représentants d’intérêts, y compris les ONG ou les syndicats, ainsi que les universitaires.

Enfin, pour lutter contre la tentation de hauts fonctionnaires de Bercy souhaitant passer dans le privé et qui se montreraient particulièrement attentifs aux réclamations d’un potentiel futur employeur, l’ex-ministre appelle à l’application stricte des règles de déontologie en vigueur. Il regrette néanmoins qu’au nom de la liberté du commerce, le Conseil constitutionnel ait censuré une disposition qui aurait obligé les lobbyistes à publier les noms des interlocuteurs qu’ils rencontraient et les sujets abordés avec eux.

Rien n’empêche toutefois que Bercy applique cette transparence de manière volontaire. « Certaines grandes collectivités l’ont instaurée, certains parlementaires s’y astreignent et je crois nécessaire qu’à Bercy tout particulièrement ces rendez-vous soient rendus systématiquement publics lorsqu’il s’agit d’un responsable administratif, d’un membre de cabinet et a fortiori d’un ministre », juge-t-il. Transmis à Bruno Le Maire et Gérald Darmanin.

Challenges

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