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TOLOSA CELTIQUE

dimanche 15 juin 2025

La similitude des toponymes des deux villes Toul et Toulouse n’est pas le fruit du hasard. Le Toul de Meurthe et Moselle appartient à la tribu gauloise des Leuques ( Tullum Leucorum, César, de Bello gallico.) qui contrôlait le transbordement des marchandises de la Meuse à la Moselle, rivières toutes deux navigables. Toulouse en Haute-Garonne est située, elle-aussi, sur un fleuve navigable et le Toul de Toulouse est, lui-aussi , associé à un nom de tribu gauloise, osa ( Auza), qui a été conservé dans son nom, alors que Toul a perdu Leuques pour ne conserver que Toul et pourrait s’appeler Touleuque aujourd’hui.

L’élément Toul (Tol) appartient au celtique Tullos (breton toull qui signifie, trou , passage ) dérivant vers un passage où l’on prélève une taxe ( moyen anglais tol, tolle, de l’anglo-saxon tol, toll, toln (péage , taxe », douane), du proto-germanique *tullō (« ce qui est compté ou dit »), du proto-indo-européen *dol- (“calculation, fraud”) https://fr.wiktionary.org/wiki/toll [archive]

L’élément ’ osa ’ ( Auzil ) de Tolosa, s’apparente à la tribu des Elusates, tribu présente dans de nombreux toponymes voisins de Toulouse ( Auzeville, Lauzerville, Vigoulet Auzil , Sauzat, Auzielle etc.. ) ou plus éloignés à l’Ouest de Toulouse comme Eauze dans le Gers ( Elusa nom d’origine) capitale de la tribu des Elusates, ainsi qu’à l’est avec Elusio ( Elesiodunum, devenu Montferrand dans l’Aude). Arrivant par la Via Aquitania ( l’actuelle N113 ), les chariots de vins d’Italie étaient déchargés dans la ville de Tolosa, puis chargés sur les barges de la voie navigable de la Garonne ( au niveau de l’actuelle Garonnette ), pour être exportés en Armorique et en Bretagne.

Toul, comme Toulouse, correspondent toutes deux à des zones de transbordement de marchandises. Les Elusates étaient présents sur une large part du trajet terrestre et fluvial de la Méditerranée à l’Atlantique, au moins sur l’espace compris entre Elusa et Elusio dont Tolosa était le centre.
C’est bien cette position privilégiée pour le commerce que l’historien grec Strabon ( 1er siècle Av JC ) mentionne : « Tolosa est située dans la partie la plus étroite de l’isthme compris entre l’Océan et la mer de Narbonne « 
L’interprétation celtique du toponyme Tolosa ( que l’on peut traduire par Passage des Auzils ou encore Péage des Elusates ) fait donc du Toulouse de l’âge du bronze, le point de collecte par les Elusates, des taxes sur le trafic commercial de la Garonne, taxes qui passeront ultérieurement sous le contrôle des romains comme le relatera l’avocat romain Cicéron en 69 avant Jésus Christ dans le plaidoyer pour Fonteius (la taxe est de 4 deniers par amphore à Tolosa, 6 deniers à Elusio) .

Le nom de la tribu gauloise Auzil des Elusates est demeuré vraisemblablement en occitan sous la forme Ausin(a), ieuse, euse, devenue Yeuse en français, qui désigne le chêne vert, arbre robuste à feuilles persistantes, et qui devait symboliser les valeurs morales de la tribu élusate, force et résilience selon les qualificatifs élogieux que les tribus gauloises avaient coutume de s’attribuer. Le chêne vert se retrouve dans le toponyme de Carcassonne (Kar Cass One, le peuple du chêne de rocher, le chêne vert), ce qui pourrait indiquer une présence des Elusates aux confins de Narbonne.

Après cet éclairage toponymique, venons-en à la question controversée de la localisation exacte de Tolosa dans l’antiquité.

Sous la présence romaine, la fortification romaine, attestée par des fouilles archéologiques, ne laisse aucun doute sur une Tolosa au centre de la ville de Toulouse actuelle.
Mais antérieurement à la présence romaine faut-il situer Tolosa gauloise à Vieille Toulouse ou à St Roch comme la doxa actuelle l’affirme, contestant les travaux antérieurs de l’éminent Professeur Michel Labrousse ( 1912-1988 ), et imaginer Toulouse comme une création augustéenne, au premier siècle après JC dans une plaine vierge de toute habitation, ex nihilo, comme décrit par la doxa ?

Le toponyme de Tolosa nous invite à trouver un point de chargement fluvial. Le village de Vieille Toulouse via Portet sur Garonne, au toponyme évocateur ( passage, col ), contrôle indiscutablement le commerce vers le sud de l’Aquitaine (vers Lugdunum Convenarum - St Bertrand de Comminges et vers le pays vascon), mais sa position d’altitude ne présente aucun intérêt du point de vue de la navigation fluviale pour rejoindre l’Atlantique, vers l’Armorique et la Bretagne afin d’exporter le vin italien et d’importer l’étain si précieux dans la confection des armes et outils en bronze. Ses vestiges archéologique en font un sanctuaire gaulois, lieu de cérémonies religieuses d’une grande piété, s’achevant par … des beuveries gauloises mémorables attestées par une infinie quantité d’amphores de vins italiques retrouvées sur place … vides.

Le peuplement de Vieille Toulouse (traduction fautive de Bielsa Tolosa, hameau de Tolosa) essentiellement, concentré sur la partie basse du sanctuaire ne contredit pas celui de Toulouse mais peut être associé aux services d’un sanctuaire important : restauration, hôtellerie, transports, artisanat ...

En ce qui concerne la quantité d’amphores retrouvées, St Roch ne cède en rien à Vieille Toulouse pour témoigner du goût incomparable du vin italien. En plus du fait que ses fouilles archéologiques ne démontrent pas la présence d’un site d’habitation (plutôt d’un site de sépultures alors que les gaulois ne disposaient pas les sépultures au cœur des villes), on s’interroge aussi sur ce qui aurait poussé les romains à réinstaller la ville quelques centaines de mètres plus loin vers le Nord. Reste Tolosa gauloise, à l’intérieur du périmètre de ce qui sera plus tard l’enceinte romaine augustéenne et la ville moderne, hypothèse que nous privilégions.

L’historien Strabon tient de source sure ( Posidonius) que la ville se situe à proximité d’étangs sacrés et qu’elle dispose de plusieurs sanctuaires. Ces étangs et sanctuaires, lieux du dépôt de l’or et de l’argent offerts aux divinités, seront pillés par les romains commandés par le Général Caepio lors de l’insurrection de la ville en 106 Av JC ( l’or et l’argent s’y trouvaient en grande quantité, la légende de l’or de Toulouse, porteur de malheur, n’est pas qu’une légende car les taxes, hier comme aujourd’hui sont une source inépuisable de revenus … ). Les étangs de Toulouse, au nombre de neuf, se situaient pour la majorité au sud de la ville dans l’actuel quartier du Buscat. Quant aux sanctuaires , en plus de ceux de Vieille Toulouse et St Roch, on peut sans doute compter aussi celui d’ Ancely et un sanctuaire à l’intérieur des murs.

Mais quels murs ?
Ces murs selon la doxa actuelle auraient existé sous forme de palissade en bois au sommet de vieille Toulouse. César nous décrit dans la Guerre des Gaules, le mur gaulois ( murus gallicus) comme ‘résistant au feu et au bélier’, constitué de pierres retenues par des coffrages en bois et adossé à un talus. A vieille Toulouse, pas de pierres retrouvées. Dans la doxa actuelle , un tel mur de pierre n’existerait ni à Toulouse, ni à Lyon ( Lugdunum ). Sauf qu’à Lyon, un hasard malchanceux fit, il a quelques années, en 2012, que des archéologues le découvrirent sans l’avoir cherché, entraînant une révision déchirante de l’histoire de la ville.

Alors à Toulouse un murus gallicus ?
L’examen attentif de la photographie aérienne de Toulouse révèle l’enceinte médiévale dans le tracé actuel de la voirie des boulevards. Ce tracé est dû pour partie à la destruction des remparts et pour partie à la conservation des rues ‘ escoussières ‘ rues qui permettaient d’acheminer rapidement les troupes sur les points attaqués et qui sont demeurées après la démolition des remparts. Pour les mêmes raisons, on distingue assez clairement le tracé de l’enceinte romaine dans le plan de la ville qu’elle enserre sur 90 Ha.

Ce devrait être les deux seules, mais voilà qu’apparaît sur la photographie à l’intérieur de l’enceinte romaine une troisième enceinte plus petite, englobant une superficie d’une vingtaine d’Ha environ. A la différence des deux premières, elle ne se présente pas sous la forme de segments ( les courtines encadrées par des tours ), mais sous la forme d’un trait circulaire continu., un demi-cercle passant par les places de la Trinité et Mage et ayant pour diamètre la Garonnette, le bras de la Garonne séparé du fleuve par l’îlot de Tounis ( la Garonnette est aujourd’hui asséchée par des sas). Le point méridional de ce diamètre est la porte narbonnaise, la porte donnant accès à la voie aquitaine, voie reliant Tolosa à la Méditerranée. Cette porte est le point quasi-fixe des enceintes romaines et médiévales citées plus haut. Elle présente comme caractéristique essentielle de se trouver à une cinquantaine de mètres de l’embarcadère naturel de la Garonnette ( compris entre les actuelles rue de la Dalbade et avenue de la Garonnette) et constitue le point idéal de jonction pour le transbordement des marchandises venant de Narbonne par la voie terrestre aquitaine. La première rue, longe la Garonnette comme quai d’embarquement, les autres rues partent en patte d’oie à partir de la porte narbonnaise puis suivent un tracé parallèle au quai qui fait fonction de ligne directrice à l’urbanisation de la ville. Il ne s’agit donc nullement d’un plan romain avec Cardo et Decumanus réglant l’alignement des portes, qui aurait été établi lors de la création de l’enceinte romaine, plan qui ne coïnciderait pas d’ailleurs avec les relevés de fouilles précisant la position des portes Nord et Sud de l’enceinte romaine montrant un décalage bien réel de 65 mètres sur l’alignement supposé de ces portes par un Cardo. Le rempart romain est donc indiscutablement postérieur à la création de la ville.

Apparaît donc sur la photo de la Toulouse moderne ( Google Earth / image satellite Landsat), l’image de la Tolosa gauloise, construite autour d’un port de commerce, protégée par un murus gallicus, et prospère grâce au riche commerce du vin et de l’étain. Sur l’origine de cette richesse, Strabon certifie que ’ l’ Or de Toulouse’ pillé par les romains du Général Caepio ne provient pas en réalité du pillage de Delphes par les celtes ( les Volques de Tolosa ), c’est bien la preuve qu’il tient Tolosa pour une ville celte en dehors de toute autre origine basque ou ibère.

Ce murus gallicus, pourquoi n’a-t-il pas été trouvé par les archéologues ?

D’abord parce que comme à Lyon, il n’a pas été recherché (enfin s’il l’a été, ce fut sur les collines de Vieille Toulouse ...). Ensuite parce que constitué de galets de la Garonne non liés par du mortier, il fut, lors de sa destruction, réemployé pour partie pour les fondations de l’enceinte romaine et pour partie pour le remblaiement du fossé. N’étant pas segmenté par des tours et des courtines, le murus gallicus présente une forme arrondie caractéristique, visible sur la photographie, évitant les angles vifs qui auraient constitué des points de fragilité.
On observe aussi sur la photo aérienne, au nord de ce mur, un doublement de l’enceinte qui conduit à une extension de la surface à une quarantaine d’Ha, le raccord de cette extension au Nord rejoignant le mur d’origine sur l’extrémité de la Garonnette.

En conclusion, la localisation de la Tolosa gauloise sur le site de la ville actuelle, est confirmée par l’ensemble des outils de l’analyse :
⦁ la toponymie,
⦁ l’observation du schéma général d’urbanisme de la ville,
⦁ la fonctionnalité des échanges commerciaux entre la Méditerranée et l’Atlantique,
⦁ les textes anciens, particulièrement celui de Strabon
Quant à l’hypothèse ibérique du toponyme de Tolosa, répandue aujourd’hui, le Professeur Michel Labrousse ( 1912-1988 ), père de l’archéologie toulousaine l’avait définitivement écartée et il s’était résolument prononcé en faveur d’une origine celtique.

Jean Pierre Mayer
Auzeville Tolosane 06/06/25

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