Affaire Forget Première journée
21 janvier 2013
Affaire Forget : le procès est ouvert
Après trois ans de détention provisoire, Bernard Forget s’est présenté en homme libre, hier, sur le perron du palais de Justice de Chaumont. Répondant de faits de viols aggravés et d’agressions sexuelles sur mineurs, l’huissier de Justice fera face à jurés et victimes présumées durant quatre jours.
Infimes pour les uns et lourds de sens pour les victimes et leurs proches, quelques signes auront trahi une apparente décontraction. Il est un peu plus de 8 h 30 lorsque Bernard Forget s’avance, en compagnie de son épouse, en direction du perron du palais de Justice de Chaumont. Parka blanche, pantalon gris et pull-over rouge, l’accusé décline son identité et pénètre en salle d’audience. L’ancien huissier de Justice a tout d’un homme ordinaire. Ou presque. A une faute de goût vestimentaire s’ajoute la gravité de faits présumés de viols et agressions sexuelles sur mineurs.
Collaborateur de l’éminent Eric Dupond-Moretti, Maître Cousin porte à la connaissance de son client divers documents. La tête plongée dans un dossier, Bernard Forget n’a pas l’occasion de croiser le regard des victimes et de leurs proches. Sur le banc réservé aux avocats de la défense, Mes Gambini, Cotillot, Alfonso et Blanchard fourbissent leurs armes. L’audience aura – logiquement – lieu à huis-clos. Journalistes et curieux quittent les lieux. Assis aux côtés de trois magistrats, neuf jurés sont appelés à remplir un devoir civique. Ces hommes et ces femmes auront la lourde tâche de juger de la culpabilité et ou de l’innocence d’un homme appelés à répondre de faits passibles de vingt ans de réclusion.
L’affaire renvoie à la journée du 2 avril 2008. Dans la matinée, plusieurs gendarmes se présentent, rue de Verdun, au cabinet chaumontais de Bernard Forget, huissier de Justice. Une mise en détention provisoire ponctue la période de garde à vue. Un adolescent a trouvé force et courage. Bernard Forget se serait livré à des actes pédophiles. Le bienfaisant aurait usé de sa situation afin d’assouvir ses fantasmes.
Entregent
“Situation”, ce mot sera au cœur du procès. Si le statut de huissier de Justice de l’accusé ne manque pas d’animer les esprits, l’entregent de Bernard Forget retient plus particulièrement l’attention. Différents témoignages ne laissent pas place au doute : l’accusé était particulièrement apprécié. Catholique pratiquant, Bernard Forget était connu et respecté des autorités religieuses. L’homme s’était forgé une réputation de bienfaiteur prêt à venir en aide à des parents confrontés à des difficultés éducatives. Les adolescents étaient confiés au “bon” Bernard Forget, un notable particulièrement « attentif et présent » comme le confiera un professionnel de l’éducation amené à côtoyer l’accusé. L’instruction aura permis d’identifier plusieurs victimes. Originaires d’Asie du Sud-Est, plusieurs enfants adoptés par le couple Forget seront appelés à la barre au cours d’un procès marqué par la présence de plusieurs victimes présumées, autant de jeunes hommes en quête d’espoir, de confiance et de réconfort.
Sentiments amoureux
Selon diverses sources, Bernard Forget aurait reconnu des faits mineurs. L’accusé aurait indiqué avoir répondu aux sentiments amoureux développés par plusieurs mineurs, des adolescents coupés de toute réalité. L’un d’eux aurait été jusqu’à prévenir Bernard Forget d’une prochaine arrestation. Formaté quelques jours avant la perquisition opérée par les gendarmes, l’ordinateur de l’accusé n’aura plus livrer de données déterminantes.
Quatre jours durant, avocats, accusé, victimes et témoins livreront éléments à charge et à décharge dans le plus strict respect du débat contradictoire. L’examen du dossier profitera également des interventions de psychologue, psychiatre et autres experts. Bernard Forget profitera de la maestria d’un avocat charismatique. Présent à partir d’aujourd’hui, Eric Dupond-Moretti ne manquera pas d’avancer quelques pièces maîtresses sur l’échiquier. Le ténor du barreau fera face à quatre consoeurs animées d’une seule et même volonté : que justice soit rendue.
Une personnalité « complexe »
“Complexe” : tel est l’adjectif susceptible de caractériser la personnalité de Bernard Forget. « Se complaisant dans un rapport de domination », cet homme « intelligent », « manipulateur », « séducteur », « respecté », « impliqué dans différents secteurs » et « usant de son statut social » aurait échappé à plusieurs reprises à la Justice. Militant au sein d’une association pour l’adoption d’enfants d’Asie du Sud-Est, Bernard Forget aurait ainsi été visé par une plainte suite aux déclarations d’un jeune asiatique. Faute d’éléments suffisants, la dénonciation de violences d’ordre sexuel n’aurait donné lieu à aucune poursuite. L’identité de l’homme de loi serait également apparue dans le cadre d’une procédure d’instruction – ouverte dans les Hautes-Alpes – portant sur l’activité d’un site Internet fréquenté par des pédophiles. Bernard Forget n’aura toutefois jamais été inquiété avant avril 2008. Lourdes, les accusations auront amené l’huissier de Justice à effectuer trois ans de détention provisoire avant d’être remis en liberté. L’apparente décontraction de l’accusé n’aura pas manqué de choquer les proches de victimes. Se présentant en homme libre, Bernard Forget n’a pas fui objectifs et caméras. Un jeune homme aura préféré quitter le palais de Justice tête basse.
« Un signal fort » : l’avocat Antoine Vey, ex-associé de Dupond-Moretti, suspendu pour harcèlement L’avocat pénaliste Antoine Vey vient d’être sanctionné par le Conseil de l’Ordre du barreau de Paris.
Accusé de harcèlement moral et sexuel, l’avocat pénaliste Antoine Vey, ancien associé d’Eric Dupond-Moretti, a écopé de douze mois de suspension dont cinq mois ferme par le Conseil de l’Ordre du barreau de Paris, a-t-on appris, jeudi 17 juillet 2025, de sources proches du dossier. La décision va au-delà des réquisitions formulées à l’audience du 22 mai - six mois de suspension dont trois mois ferme.
Plusieurs plaignantes
« Ni nous, ni nos clientes ne nous réjouissons de la condamnation d’un avocat, qui salit nos robes à tous », ont réagi les conseils de plaignantes, Mes Romain Ruiz et Virginie Le Roy, contactés par l’AFP. « C’est cependant un signal fort pour notre profession et, nous l’espérons, la marque d’une réelle volonté de notre Ordre dans la lutte contre le harcèlement. C’est enfin une reconnaissance et un soulagement pour nos clientes. Nous attendons désormais sereinement l’avancée de l’instruction pénale en cours », ont-ils ajouté.
Avocat dans des dossiers médiatiques
Connu pour avoir défendu Théo Luhaka, victime de violences policières, le Chilien Nicolas Zepeda, accusé du meurtre de son ex-petite amie, Julian Assange, Jérôme Cahuzac ou encore l’entrepreneur Mohed Altrad, Me Vey, 41 ans, est accusé depuis plusieurs années de harcèlement par d’ex-collaborateurs, hommes et femmes.
En mars 2023, Libération avait recueilli une vingtaine de témoignages d’anciens ou actuels collaborateurs dénonçant des gestes ou des propos vécus comme du harcèlement moral ou sexuel.
En janvier 2024, une enquête avait été ouverte par le parquet de Paris, confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) après la plainte d’une ancienne collaboratrice, pour des faits remontant à 2017 et 2018, à l’époque où Me Vey était associé de l’ex-garde des Sceaux.
D’après une source proche du dossier, le parquet de Paris a ouvert fin 2024 une information judiciaire principalement pour harcèlement moral au travail, pour des faits concernant plusieurs personnes et s’étalant sur plusieurs années.
Avant les investigations pénales, le barreau de Paris avait reçu plusieurs signalements et lancé en janvier 2023 une enquête déontologique.












