L’objectif du sas de décompression : identifier les hommes et femmes à risque de développer un trouble psychique. Mais c’est parfois insuffisant, à l’image de la crise du sous-officier. « L’état de stress post-traumatique peut se révéler tardivement et se prolonger dans la durée », expliquent les députés Olivier Audibert-Troin (UMP) et Emilienne Poumirol (PS), dans un rapport parlementaire présenté ce 4 février à l’Assemblée nationale. Parfois inadaptée, mais souvent efficace, la prise en charge est toutefois peu sollicitée par les militaires, déplorent les deux rapporteurs.
Un trouble de plus en plus présent
80 % des militaires blessés sur le plan physique souffrent aussi d’un stress aigu. Un tiers d’entre eux conservera un stress chronique, l’état de stress post-traumatique (ESPT). Ces statistiques justifient une prise en charge multidisciplinaire dans les hôpitaux de l’armée. Même sans blessure apparente, nombreux sont les soldats qui développent un trouble mental.
Chaque année, des milliers d’avis techniques sont rendus concernant des blessures. Une minorité (4-5 %) concerne un stress post-traumatique, mais « une augmentation des dossiers présentés à ce titre semble se dessiner, notamment pour ce qui concerne l’armée de terre », souligne le rapport. En effet, en 2013, 351 dossiers ont été instruits dans ce sens… contre 10 en 2007.
Les rapporteurs le reconnaissent, « il est de fait impossible de connaître le nombre exact de militaires souffrant de troubles psychiques. » 287 sont en congé longue durée maladie à cause d’un état de stress post-traumatique. Mais du fait des symptômes, les blessés psychiques sont rarement en état de remplir des demandes officielles.
Sans compter ceux pour qui l’expertise représente une épreuve indésirable. « La nécessité de devoir prouver une fois encore le lien de leur blessure avec le service est vécue comme une nouvelle remise en cause susceptible, si leur demande est rejetée ou si l’expertise se passe mal, de provoquer une seconde blessure », signalent les députés.
« Le mur le plus difficile à vaincre est celui du silence », déplore Emilienne Poumirol. « Il est donc important d’informer les militaires car la honte n’est pas la seule raison de ce silence, il y a également la méconnaissance des symptômes et la crainte de perdre son aptitude. La prévention s’articule autour de la mise en condition opérationnelle qui vise à améliorer la résistance, autour de l’information sur les troubles et autour du rappel de l’importance de la parole. »
L’arsenal préventif de l’armée
Après des années de passage sous silence, le stress post-traumatique est devenu une priorité pour le ministère de la Défense. Reconnu comme blessure de guerre depuis 1992, il fait l’objet d’un plan d’action depuis 2011. C’est sans doute l’engagement français en Afghanistan qui a précipité les choses, estiment les députés : 80 % des pathologies psycho-traumatiques dans l’armée surviennent après une mission dans ce pays.
Un arsenal est à présent déployé pour prévenir et prendre en charge le stress post-traumatique. Des assistants de service social sont formés spécifiquement pour accompagner les militaires et leur famille. Sur le terrain, des psychologues et psychiatres sont présents en permanence. Après une OPEX, les militaires se rendent à un sas de décompression : trois jours à Chypre après les missions en Afghanistan (Pamir) ou au Mali (Serval), deux jours à Dakar (Sénégal) après la mission en République Centrafricaine.
Quelques cafouillages
Le numéro « Ecoute Défense » s’adresse aux militaires après leur retour de mission. Mais là encore, les députés pointent quelques cafouillages. La confusion avec le numéro adressé aux familles est courante… et aucune information ne redirige vers « Ecoute Défense. »
La prévention tertiaire – éviter les rechutes après avoir réparé la souffrance mentale – peine à s’imposer. Olivier Audibert-Troin et Emilienne Poumirol citent en modèle le système de la marine : une visite systématique chez le psychologue à la fin de chaque opération. Reste enfin l’épineux problème des blessés psychiques qui quittent l’armée. Seuls 25 % reprennent leur fonction après un traumatisme. Et ces vétérans sont souvent livrés à eux-mêmes.