Sur son ordre, le 12 juin 1921, Mikhaïl Toukhatchevski, commandement de la Ire Armée, après avoir écrasé dans le sang la révolte des marins de Kronstadt (mars), s’emploie à « nettoyer les forêts où se cachent les bandits au moyen de gaz asphyxiants »… quinze mille paysans périront. Juillet 1921, il fait ouvrir 7 camps de concentration où sont regroupés les « familles des bandits insurgés » de cette nouvelle Vendée au paradis des travailleurs. À ce propos nous ne saurions trop conseiller à Mme Arthaud la prudence la plus extrême quand il s’agit de morale politique, et surtout lorsqu’elle se réclame de cet éminent théoricien du Terrorisme d’État que restera au Panthéon de l’histoire, son saint patron, Léon Trotski [1]. Au demeurant ces philanthropes, nous expliqueront avec des mines dégoûtées que « ce n’est pas la même chose car Trotski faisait exterminer le prolétariat et les paysans russes contre-révolutionnaires pour assurer le bonheur à venir de l’humanité ». Telle est l’éternelle rhétorique des grands humanistes façon George Soros et toute la clique des vieux Nouveaux philosophes dont les fils reprennent désormais le flambeau [2].
Naturellement le premier Secrétaire du Parti Socialiste, Jean-Christophe Cambadélis également ancien trotskiste, en profite pour pontifier et en rajouter une couche, déclarant que l’ « on aurait dû écouter François Hollande quand il avait proposé à la communauté internationale de frapper le régime d’el-Assad [lorsqu’] il avait gazé son peuple la première fois [3] ». « Il faut frapper dans un cadre multilatéral, ce ne peut pas être une décision unilatérale des américains ». Telle est la philosophie politique de la Gauche et que partagent sans le dire les Macron, Hamon, Mélenchon, cet autre trotskiste lambertiste non repenti. Des boute-en-guerre dont la passion est de semer le chaos au profit exclusif du messianisme mondialiste, de ses Cinquièmes colonnes et autres sayanim.
L’opération Trump
Voyons ce qui est le plus vraisemblable parce que recoupé par les déclarations officielles des uns et des autres ainsi que par les sites le plus sérieux de réinformation. Sur les 59 missiles de croisières Tomahawk (61 en réalité, deux ayant fait long feu) lancés contre la base aérienne gouvernementale d’Al-Chaayrate (Ash Sha’irat) dans la province de Homs, seuls 23 l’auraient atteinte selon le ministère de la Défense de la Fédération de Russie. C’est en tout cas, aux dires du général Igor Konashenkov, ce que montrent les clichés pris par les drones russes après les frappes. Resterait à savoir que seraient devenus les 36 manquants : « le 7 avril, vers 3h 42, heure de Moscou, une attaque massive de 59 missiles est lancé depuis deux destroyers [4], depuis la Mer Méditerranée à proximité de la Crète… ». Six avions sont détruits au sol, mais la piste reste intacte. Peut-on déjà parler de fiasco ? Trop d’inconnues subsistant pour le moment, l’extrême prudence reste de mise avant toute conclusion !
Pour expliquer la disparition des 36 missiles au prix unitaire de 936 000 $, l’hypothèse la plus plausible voudrait que le Système de brouillage électromagnétique russe, Krasuha IV, ait conduit les missiles manquant à s’abîmer en mer [5]. Premier constat : la piste de décollage étant indemne, l’Armée arabe syrienne, dès le lendemain du raid,reprenait ses missions de bombardement contre les unité d’Hay’at Tahrir Al Cham, un groupe terroriste, selon la nomenclature du Département d’État américain en dépit du soutien que lui apportent Doha et Ankara. Nous n’insisterons pas sur l’étrangeté consistant à éreinter et attraire les ennemis de nos ennemis, c’est là un logique toute vétérotestamentaire qui nous échappe.
Notons que le ministre de la Défense russe souligne que cette attaque a vraisemblablement été préparée de longue date, car pour ce faire « d’importantes mission de reconnaissance ont été effectuées, de même qu’une longue préparation a été nécessaire ». Ce qui peut laisser supposer que la frappe aurait été planifiée antérieurement à l’affaire du supposé bombardement chimique de Khan Cheikhoun le 4 avril, le général Konashenkov ajoutant que « le largage d’agents chimiques à Idlib aurait servi de simple prétexte tandis que cette démonstration de force n’aurait servi que des buts de politique intérieure américaine ».
Certes moins de trois mois après son investiture, Donald Trump doit faire face à une pénible série de déconvenues et de blocages de toutes sortes… Quant au filtrage des ressortissants de pays musulmans en guerre aux frontières, sur la refonte de l’Obamacare, ou encore sur le choix de ses conseillers éjectés les uns après les autres, le dernier en date, après le général Flynn, étant Stephen Bannon, ex président de Breitbart News et stratège de la campagne victorieuse, qui avait été nommé Haut conseiller et chef de la stratégie à l’arrivée de D. Trump à la Maison-Blanche. Bannon, évincé du Conseil de la Sécurité nationale, se voit maintenant relégué progressivement à la périphérie du cercle des décisionnaires… changements qu’accompagne la montée en puissance concomitante du gendre Jared Kushner, porte-parole officieux de Wall Street et intime d’Alexander Blankfein du Groupe Carlyle et fils de Lloyd Blankfein, grand manitou de la banque d’affaires Goldman Sachs et à ce titre l’un des hommes les plus influents de la planète.
Des analogies troublantes dans la manipulation de l’opinion
Ce n’est sans doute pas par hasard que les frappes sont intervenues approximativement au 15e anniversaire de la chute de Bagdad le 9 avril 2003. Ce qui pourrait indiquer que D. Trump n’hésite pas à mettre ses pas dans ceux peu glorieux de GW Bush et ses armes de destruction massives aussi mensongères qu’inexistantes. Il est pourtant trop tôt pour parler de coup d’État de la part des néoconservateurs [6]. Oui, Trump vient de reconstruire un capital politique, mais en lâchant ses premiers compagnons de route tel Steve Bannon après Michael Flynn. Lire les excellents articles d’André Archimbaud sur Boulevard Voltaire.]] qui auraient repris la main à Washington comme ils l’avaient sans doute fait le 11 Septembre 2001 lorsque l’État profond avait lancé avec succès une Opa malveillante sur le pouvoir suprême des États-Unis… Au demeurant tout indique que, contrairement aux apparences, ce ne serait pas sur un coup de tête ou un coup de sang que D. Trump, au vu « des enfants se tordant sur le sol en proie à des agents neurotoxiques » (on a parlé de gaz Sarin mais qu’en sait-on en l’absence de toute enquête ?). Ceci à l’instar de G. Bush senior qui en août 1990, priait agenouillé en ayant devant les yeux « les nourrissons arrachés à leur couveuse et jetés sur le sol comme du bois à brûler » par la soldatesque irakienne alors maîtresse du Koweït [7]. Ainsi donc D. Trump n’aurait peut-être pas été submergé à son tour par un irrépressible élan compassionnel, mais aurait trouvé là l’occasion rêvée et le moyen idéal de faire taire la meute de ses détracteurs et en particulier les plus russophobes d’entre eux(5). Force nous est à présent d’attendre et de laisser décanter les événements avant de porter un jugement parce que personne, doté d’un cerveau normal (ce qui exclut MM. Hollande et Ayrault plus enragés que jamais), ne peut comprendre ou admettre que l’on puisse bombarder un pays souverain, sans l’ombre du début d’une esquisse d’enquête. Cela dépasse l’entendement.
Il n’en reste pas moins que l’action n’est pas sans effets négatifs au plan international, le président Poutine ayant immédiatement suspendu le 7 avril la coopération militaire entre alliés [alliance de facto] dans la lutte contre l’État islamique. Et ce, après avoir désigné l’opération comme une « agression contre un État souverain », soit une inadmissible violation du mémorandum américano-russe signé le 20 octobre 2015 et relatif à la sécurité des opérations aériennes et la prévention des incidents.
En conséquence de quoi, la Russie, l’Iran et le Hezbollah ont fait savoir par un communiqué commun qu’ils n’observeraient désormais plus aucune « ligne rouge », la Russie s’engageant dès lors dans un renforcement substantiel des défenses anti aériennes de l’espace syrien. Autant dire que l’attaque américaine aura donné aux Alliés syro-irano-libano-russes l’occasion d’établir une quasi zone d’interdiction aérienne sur leurs théâtres d’opérations. Règle applicable en premier lieu aux appareils de la coalition occidentalo-arabe qui n’ont plus qu’à bien se tenir car toutes les conditions se trouvent maintenant réunies pour que survienne un incident aux allures de casus belli. À ce titre, le spécialiste des relations Est/Ouest, Stephen F. Cohen, n’hésite pas à se montrer particulièrement anxieux : « En toutes ces années, je n’ai jamais été aussi inquiet qu’aujourd’hui du risque de guerre avec la Russie ! » [8]…
Quant à la super bombe de onze tonnes, une GBU-43, larguée en Afghanistan dans le district d’Achin sur des tunnels creusés par des taliban (92 cadavres), un engin susceptible de dévaster l’île de la Cité en son entier, à part un coup de semonce dans le vide (une démonstration de force qui ressemble à un coup d’épée dans l’eau), l’on n’en perçoit pas vraiment l’utilité immédiate… à part effrayer si faire se peut Pyongyang ! Les forces de l’Otan (avec en tête les États-Unis) ne se sont-elles pas officiellement retirées d’Afghanistan le 31 décembre 2014 ? La guerre n’est-elle donc pas encore terminée au bout de treize années de vains combats sur les contreforts de l’Hindou Kouch et ses hautes vallées, là où fleurissent les champs de pavots servant à financer l’État profond américain et la Cia ?
L’impact d’une GBU-43 sur l’Ile de la Cité
La péninsule coréenne en sus
C’est dans ce contexte de surchauffe que « le commandement américain dans le Pacifique a ordonné au groupe aéronaval déployé autour du porte-avions USS Carl Vinson d’être à disposition et présent dans l’ouest du Pacifique » ! Et certes l’envoi d’une Armada en Mer de Chine pour rappeler la Corée du Nord à plus de raison stratégique, n’est pas vraiment là pour rassurer dans les circonstances actuelles. Encore que ce soit certainement et surtout l’un des ces multiples effets d’annonce qu’affectionne une presse en mal de sensationnalisme et à l’occasion de catastrophisme… dans le but incertain de dramatiser des situations assez tendues à l’ordinaire puisque ce porte-avions américain et ses escorteurs (qui font route vers la péninsule coréenne) sont en réalité déjà sur ce secteur depuis janvier ayant quitté leur port d’attache de San Diego le 5 du même mois pour un déploiement de routine dans le Pacifique [9] . À nous de faire la part des choses et au final de ne pas prendre pour argent comptant des actes de guerre médiatique. Bref, il aura suffi d’une provocation et d’une mise en scène meurtrière en Syrie pour que D. Trump déclenche la foudre, en présence de l’impassible M. Xi, président de la Chine populaire marxiste-léniniste. Alors subtile autant que brutale diplomatie de la canonnière ou bien jeu dangereux avec le feu potentiellement nucléaire ?
Bagatelles pour de trop nombreux massacres
Pour ne pas conclure, nous ferons observer que les États-Unis qui viennent de monter une impressionnante promptitude à s’émouvoir après la mort de 72 personnes à Khan Cheikhoun dans une attaque chimique dont nul ne connaît les véritables auteurs, ont montré beaucoup moins d’empressement à stigmatiser, et encore moins à châtier, ceux qui ont ensanglanté Damas le 11 mars dans un double attentat ayant causé 74 morts… pour ne citer que l’un des derniers et innombrables carnages qui ont frappé la capitale syrienne ces dernières années. Assassinats de masse aussitôt revendiqués le Front Fatah Al-Cham, alias Front al-Nosra, alias Jabhat al-Nosra, soit anciennement Al-Qaida en Syrie. Ces bons et grands amis de Londres, Berlin et Paris, tout spécialement de M. Fabius lequel vient justement - en hommage à sa brillante carrière au service de la Vérité et de la Nation - d’être élevé au rang de Grand officier de la Légion d’honneur par son acolyte François Hollande. On reçoit en ce très bas monde ce que l’on mérite, n’est-ce pas ?
Dans une même perspective, le Pentagone s’est bien gardé d’aller détruire les bases connues de l’État islamique lorsque le 14 juillet 2016 à Nice un camion tueur fonce sur la foule des badauds en tuant 86, dont certains après une atroce agonie de plusieurs semaines. Que dire encore à nos pères la morale d’outre-Atlantique (qui se gardent bien de balayer devant leur porte), si ce n’est que leurs propres bombardements salvateurs, ceux de la coalition occidentale, ont fait quelque 2 720 victimes civiles des deux bords depuis le mois de février 2011 [10] ?
Le 1er mars, 80 civils trouvaient la mort dans le bombardement de la Mosquée Omar de Mossoul où ils s’étaient réfugiés. Le 16 mars, le bombardement par deux drones américains de la mosquée de la ville d’Al-Jinah dans Province d’Alep causait 42 décès et des centaines de blessés parmi les fidèles. Le 5, les bombardements du quartier Dawassa font entre 64 et 130 morts. Au moins 130 civils du quartier Al-Djadida à Mossoul sont également tués par les bombardements occidentaux dans l’effondrement de trois immeubles d’habitation. D’un autre côté, des bombardements au phosphore blanc, arme chimique interdite par les Nations Unies depuis 1983, ont atteint le bourg assyro-chaldéen catholique de Karakosh.
Pas plus tard que le jour de la Passion, au cours de l’évacuation de milliers de civils de diverses zones assiégées de la Syrie [11], un attentat suicide dirigé contre des autocars remplis de déplacés tuait au moins 126 personnes dont 68 enfants. Le correspondant de l’AFP à Rachidine, banlieue rebelle à l’ouest d’Alep où étaient stationnés les bus, témoigne avoir vu de très nombreux cadavres jonchant le sol, dont ceux d’enfants, les membres arrachés…
Si l’émotion est bien entendu de rigueur lorsque des civils sont victimes d’une bombe sale à Idlib, il serait bon a contrario que les mesures de rétorsion soient mieux distribuées et s’adressent en priorité aux terroristes authentiques. Que les classe politiques et médiatiques européennes et américaines n’en soient pas davantage convaincues ne peut in fine que nous plonger dans des abîmes de perplexité. Et au-delà, dans le dégoût d’establishments se montrant aussi aveugles qu’impudiques.
Léon Camus 17 avril 2017
* Voir l’analyse du rapport de renseignement de la Maison-Blanche daté du 11 avril 2017 par Theodore A. Postol, professeur émérite en science, technologie et politique de sécurité nationale au Massachusetts Institute of Technology, à propos de l’attaque à l’agent neurotoxique à Khan Cheikhoun en Syrie [les-crises.fr13avr17].