Geopolintel

Ukraine : de la « guerre tiède » à la guerre réelle ?

samedi 6 septembre 2014

Kiev met en garde l’Europe contre « une grande guerre » avec la Russie !
Et Lech Walesa contre le risque de guerre nucléaire !

La « guerre tiède », notion inventée par un spécialiste de la Russie Jean Géronimo dans son livre La Pensée stratégique russe va-t-elle se transformer en une « guerre réelle » ?

Les années se suivent et le monde poursuit sa chute en feuille morte décrivant une lente, mais inexorable spirale descendante. Il y a un an tout juste, un certain samedi 31 août 2013, à l’occasion d’une intervention aussi courte que retentissante, le président Obama annonçait son renoncement à frapper la Syrie au moyen de ses missiles de croisière.

Stupeur et tremblement à l’Élysée où M. Hollande s’apprêtait à donner l’ordre de décollage à ses chasseurs-bombardiers. Récemment et assez paradoxalement M. Fabius, au vu de la création explosive du califat islamique de Mossoul en Irak et au Levant, regrettait l’occasion manquée... Or, quand bien même eût-elle abouti au renversement du Baas syrien et du clan Assad, nous aurions certainement aujourd’hui une situation analogue à celle du chaos libyen. Pays dévasté où le pouvoir laïc décapité, aussi contestable eût-il été, est remplacé par le pandémonium des luttes de factions entre salafo-wahhabites et autres fanatiques djihadistes.

État de choses qui laisse à penser que la décision de la Maison Blanche a été sage, en tout cas prudente, et que M. Fabius ne tient pas suffisamment compte des réalités pratiques du terrain. Un an après, le 28 août, rebelote, M. Obama tout en déplorant la tournure des événements en Ukraine et la vraisemblable présence d’éléments armés russes aux côtés des indépendantistes, vient de rafraîchir les humeurs de ceux qui partaient déjà en guerre, la fleur au fusil... parce qu’avec l’OTAN nous sommes les plus forts. Non, il n’est pas question que les puissances atlantiques se confrontent de quelques façons que ce soit avec la Fédération de Russie, « tout recours à la force est exclu pour résoudre le problème ukrainien »... La conclusion du Président américain est ici sans appel. M. Obama a été élu refermer les sinistres parenthèses des guerres d’Irak et d’Afghanistan, non pour accroître le désordre mondial.

Dans un excellent article du Figaro du 2 septembre, Renaud Girard souligne l’ancienneté de la crise actuelle et le mauvais tournant pris par les occidentalistes -suivant la terminologie d’Hubert Védrine- au moment de la décomposition de l’Union soviétique. Au lieu de dissoudre l’OTAN comme les Russes le firent unilatéralement avec le Pacte de Varsovie, l’Organisation atlantique se fit le vecteur d’une géopolitique invasive relevant d’une vision du monde dépassée à l’heure des grandes recompositions planétaires. Une imagerie héritée du père de la géopolitique, l’anglais John Mackinder [1861/1947], remise au goût du jour à la fin de la guerre froide en 1997 par Zbigniew Brzezinski, et selon laquelle l’empire mondial passe par la contention de l’espace continental eurasiatique.

Dans son récent livre Ukraine : l’engrenage Jean-Michel Vernochet écrit : « L’industrie médiatique n’est pas purement ’gratuite’’. Elle ne travestit pas le réel pour le simple plaisir, mais parce qu’elle remplit une fonction essentielle à l’ordre du monde tel que nous le subissons. À ce prix, celui de la falsification, la fonction sacralisée du Quatrième pouvoir est de ’dire le réel’ en congruence avec l’ordre régnant. Le drame ukrainien n’échappe pas à cette règle. Or l’observateur indépendant, et de ce fait relativement dégagé des contraintes de l’universelle tyrannie consensuelle, ne peut avoir des événements qu’une lecture différente. En premier lieu parce qu’il ne se croira pas a priori obligé de souscrire à la bienséante détestation de la Russie et de ses dirigeants actuels. Ni d’adorer les idoles réputées démocratiques devant lesquelles nous sommes chaque jour conviés à nous prosterner. L’Ukraine se situe aux frontières de l’Europe de Maëstricht. Pourtant, les turbulences qu’elle traverse ont fait l’objet ces derniers mois d’un traitement à peine moins partial que celui réservé tout au long de ces trois dernières années à la révolte syrienne contre le pouvoir conjoint du Parti Baas et du clan Assad. »

À l’heure du cyberespace, les missiles hypersoniques et avec l’effacement des totalitarismes collectivistes, il n’est plus sûr que cette théorie ait toujours autant de pertinence. Or, Bruxelles, sous la houlette de l’Administration américaine, a voulu lui redonner force et vigueur en Europe orientale et dans le Caucase.

Le cuisant fiasco géorgien d’août 2008 eut dû servir de leçon. Il n’en a rien été. S’entêtant dans l’erreur les euratlantistes ont cru pouvoir marcher en Ukraine sur les brisées de la Fédération de Russie. Or, Kiev est de toute évidence en train de perdre la guerre qu’elle a elle-même enclenchée contre ses propres populations du Donbass. Un afflux d’armes européennes ne changerait rien à cette donne.

L’Ukraine n’est pas le Kurdistan et la Russie un émirat né des bonnes œuvres de la CIA et du néoconservateur John McCain. L’Ukraine a déjà perdu la guerre, c’est la raison pour laquelle au moment où ces lignes sont écrites un (simili) accord de trêve est signé entre Porochenko et Poutine. Ce que, en passant, ne règle rien en réalité.

Par contre le risque serait grand d’une montée du conflit aux extrêmes voire d’un conflit nucléaire entre la Russie et l’OTAN comme a osé le dire à haute voix, le 2 septembre, le prix Nobel de la Paix, le polonais Lech Walesa.

À bon entendeur salut !

Source

—  0 commentaires  —

© Geopolintel 2009-2023 - site réalisé avec SPIP - l'actualité Geopolintel avec RSS Suivre la vie du site