La signature d’un accord de désarmement permettrait à M. Obama de nuancer l’image de « président de guerre » ayant décidé d’envoyer 30 000 soldats de plus en Afghanistan. Elle lui offrirait un succès diplomatique non négligeable : dix mois après avoir été inaugurée, la « relance » (reset) des relations avec Moscou n’a pas encore porté de fruits spectaculaires, même si la Maison Blanche se félicite de la coopération russe sur l’Afghanistan et d’un pas dans la bonne direction sur l’Iran.
Depuis le printemps, l’administration américaine a déployé des efforts considérables en direction de Moscou. M. Obama a rencontré Dmitri Medvedev à une demi-douzaine de reprises, soit plus souvent que ses autres homologues. En septembre, il a fait une concession importante, en renonçant au bouclier antimissile prévu par George Bush, notamment en Pologne et en République tchèque.
En retour, les signaux qui viennent de Moscou continuent d’être contradictoires. Jeudi, le président Medvedev a apporté son soutien à l’effort américain en Afghanistan, rappelant que la Russie avait autorisé, en juillet, le survol de son territoire par 4 500 avions militaires américains par an, y compris pour le transport de troupes. Il a aussi proposé que l’armée russe forme des policiers et militaires afghans.
Mais le même jour, le premier ministre, Vladimir Poutine, a eu des mots sans complaisance pour les Etats-Unis, accusés d’empêcher l’entrée de la Russie dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle elle postule depuis quinze ans. Et il a de nouveau affirmé ne pas avoir « d’informations selon lesquelles l’Iran utiliserait le nucléaire à des fins militaires », alors que Moscou s’est associé, la semaine dernière, au vote de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) réprouvant les activités nucléaires de l’Iran.
Pierre angulaire de la relance des relations : la renégociation du traité Start I signé en 1991 par George Bush père et Mikhaïl Gorbatchev.
Sur les grandes lignes, les deux parties sont d’accord. Dès leur rencontre à Moscou en juillet, MM. Obama et Medvedev avaient évoqué une réduction sur sept ans des têtes nucléaires (de 1 500 à 1 675 chacun, contre moins de 6 000 chacun actuellement) et des vecteurs (entre 500 et 1 100 contre 1 600). Reste à trouver un compromis sur le comptage des lanceurs mobiles et le mécanisme des inspections.
Moscou ne veut plus entendre parler du poste américain de contrôle à Votkinsk (Oudmourtie), à 900 km à l’est de Moscou, qui doit fermer le 5 décembre. Trente inspecteurs américains installés depuis quinze ans y surveillent la production des missiles SS-27 Topol-M et SS-26 Bulava. Les Russes ont perdu le droit de maintenir de semblables inspecteurs aux Etats-Unis en 2001, lorsque le site de production de missiles Peace Keeper, dans l’Utah, a fermé.
Ils s’inquiètent aussi des missiles de croisière américains non stratégiques, sans succès. Le Pentagone, qui a fait passer à usage conventionnel des systèmes comptabilisés en 1991 comme nucléaires, ne souhaite pas que ses sous-marins soient inclus dans l’arsenal.
L’autre revendication russe consiste à vouloir lier les armements stratégiques et la défense antimissile. Or pour Washington, lier la réduction des arsenaux nucléaires et la défense antimissile est difficilement envisageable. La moindre limitation sur les antimissiles réduirait les chances de ratification du traité par le Sénat, où M. Obama a besoin d’une majorité des deux tiers (67 voix). Les républicains ont des réserves, estimant les nouvelles procédures de vérification pas assez contraignantes.
Le général James Jones, conseiller à la sécurité nationale, s’est montré optimiste, jeudi, sur les négociations « contre-la-montre », a-t-il dit, qui continuent à Genève. « Les Russes sont demandeurs. C’est un sujet très complexe. Il ne nous reste plus que quelques derniers paragraphes », a-t-il dit, dans une interview à la chaîne Fox News. « Si nous pouvons terminer pour le 5 décembre, c’est bien. Peut-être cela sera un ou deux jours plus tard. » Les deux présidents se sont entretenus lundi et ont prévu de se reparler. Dans le cas où ils ne parviendraient pas à aplanir les divergences, les deux parties devraient s’entendre sur un accord de prolongation des arrangements actuels.
Ces difficultés sont normales si l’on se souvient que Start I est le traité le plus complexe de l’histoire du désarmement, mais elles soulignent néanmoins les limites de la « relance ». L’administration Obama avait quelque peu sous-estimé la difficulté de s’entendre avec Moscou sur les armements stratégiques. Or, justement, elle voudrait en finir au plus vite afin de passer à l’étape supérieure, la non-prolifération et le soutien russe dans le dossier nucléaire iranien.
Washington, Moscou Correspondantes Corine Lesnes et Marie Jégo
http://www.lemonde.fr/europe/articl...
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