Point de vue du lobby The Atlantic
Une attaque dévastatrice du Hamas
Comment Israël n’a-t-il rien vu venir ?
Les attaques du Hamas contre Israël qui ont commencé tôt ce matin, et dont certaines se poursuivent, seront réprimées par Israël avec force. La façon dont tout cela va se dérouler, et son impact sur la politique intérieure et mondiale, n’est pas clair, mais une réponse simple peut suffire pour l’instant : Cela ne se passera pas bien. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déjà prévenu ses concitoyens qu’ils étaient en guerre ; les réservistes civils ont été appelés ; des vidéos montrent des combats à mains nues dans les rues. Le pays est verrouillé, avec la possibilité de nouvelles frappes du Hamas dans le sud et de nouvelles frappes du Hezbollah dans le nord. Un pays déchiré par des divisions internes semble être uni contre un ennemi commun. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de morts est confirmé à au moins 70 Israéliens, et des centaines d’autres sont blessés.
Un aspect de cette question nécessite peu d’analyse, mais beaucoup d’explications : Comment les efforts considérables déployés par Israël pour lutter contre le terrorisme n’ont-ils pas permis de détecter une attaque menée sur terre, en mer et dans les airs ? Comment ses défenses ont-elles pu échouer à ce point ? Il ne s’agit pas seulement d’un échec en matière de renseignement. Il s’agit d’un échec total. Les commentateurs israéliens et américains décrivent déjà cet événement comme le 11 septembre d’Israël, mais cette comparaison n’est qu’une béquille - le 11 septembre était, selon les termes de la commission qui l’a examiné, un « manque d’imagination » pour comprendre ce qui pouvait se produire en Amérique, une nation qui n’avait jamais été confrontée à des menaces terroristes étrangères d’une ampleur significative. Israël a existé, et existe encore, avec cette perspective tout à fait imaginable comme partie intégrante de son être national.
Le fait de mettre l’accent sur l’état de préparation d’Israël n’excuse en rien les attaques du Hamas et n’a pas pour but de blâmer la victime. Certains sur les médias sociaux suggèrent imprudemment que les échecs ne peuvent être expliqués que par un effort diabolique de Netanyahou pour unifier le pays en entrant en guerre. Israël a été attaqué et des civils sont morts. Comme dans toute nation confrontée à une telle horreur, il est essentiel que le gouvernement détermine - sans l’interférence de la politique ou de la religion - pourquoi. Sinon, les ennemis profiteront de cette journée dévastatrice pour la stratégie antiterroriste d’Israël.
Les efforts d’Israël en matière de lutte contre le terrorisme sont considérables et bien soutenus par les États-Unis. (En tant que membre de la faculté de la Harvard’s Kennedy School, j’ai enseigné à de nombreux Israéliens la sécurité intérieure et la planification de la lutte contre le terrorisme). Les Israéliens infiltrent des groupes terroristes et paient leurs membres pour obtenir des renseignements. Ils détruisent les infrastructures à Gaza à titre de dissuasion. Les membres de la famille des terroristes présumés ne sont pas exclus. Israël utilise depuis longtemps l’assassinat contre ses ennemis en Iran et ailleurs. Les renseignements, échangés avec et depuis les alliés et même les pays arabes, sont nombreux. Les raids de bombardement et les excursions militaires contre le Hamas font partie de la mission antiterroriste d’Israël.
Apparemment, rien de tout cela n’a détecté, ou du moins pas assez tôt, les signes d’une attaque. Il y a quelques jours, la frontière de Gaza semblait s’être stabilisée après quelques troubles, et près de 20 000 travailleurs ont pu à nouveau la traverser. Aujourd’hui, des milliers de roquettes, qui ont dû être obtenues et cachées, ont été lancées par le Hamas. Cela ne s’est pas arrêté là. Le Hamas a utilisé des drones pour frapper des cibles israéliennes. Il a envoyé ses combattants à pied, en bateau et dans les airs à bord de parapentes motorisés. Des images ont été diffusées montrant des attaquants du Hamas dans les rues des villes israéliennes, terrorisant les citoyens, et pire encore. Il s’agit autant d’une attaque physique que d’une attaque performative : Regardez-nous, semble dire le Hamas. Le Hamas avait certainement prévu que l’attaque aurait lieu le jour saint juif de Simchat Torah et à l’occasion du 50e anniversaire de la guerre du Kippour.
Mais l’échec du renseignement n’est qu’un élément de ce qu’Israël va devoir affronter d’un point de vue opérationnel dans les jours à venir. C’est une chose de ne pas imaginer qu’une telle attaque puisse se produire. C’en est une autre de ne pas avoir apparemment mis en place les moyens de défense nécessaires. Israël prend au sérieux sa préparation à de telles attaques ; la plupart des citoyens sont soumis à la conscription obligatoire. Il teste régulièrement ses systèmes de réaction et d’évacuation. Il a récemment construit un vaste mur technologique - comprenant des radars, des caméras et des capteurs - sur 65 kilomètres de la barrière de Gaza. Ses capacités de gestion des situations d’urgence sont au point. Pourtant, à l’heure où nous écrivons ces lignes, le Hamas semble contrôler plusieurs zones peuplées du sud d’Israël. Les drones du Hamas semblent avoir pénétré dans certaines parties d’Israël sans que l’on ait signalé d’efforts de lutte contre les drones. Iron Dome, le célèbre système israélien de contre-armement, n’a pas fait le poids face à une campagne terroriste aux multiples facettes, semblable aux attaques de Mumbai en Inde en 2008.
La plupart des systèmes soumis à des attaques persistantes finissent par tomber en panne. Au cours de ce siècle, Israël a été en mesure d’arrêter de nombreux complots terroristes, certains soutenus par l’Iran et d’autres par d’autres pays. Il ne pourrait pas le faire aujourd’hui, avec un effet spectaculaire. Ce n’est pas maintenant, mais bientôt, qu’Israël devra se demander comment, à l’ère moderne, il a été confronté à un échec massif en matière de sécurité, d’une ampleur inégalée depuis la guerre du Kippour. Trouver la réponse est l’obligation d’Israël envers lui-même.
Juliette Kayyem est collaboratrice de The Atlantic, directrice du programme de sécurité intérieure à la Kennedy School of Government de Harvard et auteur de The Devil Never Sleeps : Learning to Live in an Age of Disasters.