Frédéric Michel, un Français au cœur du scandale Murdoch au Royaume-Uni
A l’exception de son ex-associé Jérôme Seydoux, milliardaire de culture anglo-saxonne, Rupert Murdoch n’aime guère les Français qui n’ont jamais voulu de lui. Pourtant très proche de lui, son fils James ne partage pas de tels préjugés, comme l’atteste le rôle majeur joué à ses côtés par son conseiller le plus influent, le Français Frédéric Michel, chargé des relations du groupe américain des médias News Corporation avec le monde politique européen.
Diplômé de Sciences Po, de l’université du Sussex et de l’Institut universitaire européen de Florence, le lobbyiste de News Corp est aujourd’hui au cœur du scandale d’influence qui ébranle le gouvernement britannique. L’affaire concerne les circonstances obscures de l’examen, par le ministre de la culture, des médias et du sport, Jeremy Hunt, de l’offre de News Corp de racheter la totalité du bouquet satellitaire britannique BSkyB. Frédéric Michel servait de « petit télégraphiste » entre James Murdoch, président de BSkyB et, à l’époque, de la filiale britannique News International, et le ministre conservateur.
MAILS COMPROMETTANTS
L’audition, le 24 avril, de James Murdoch devant la commission d’enquête Leveson sur les pratiques journalistiques au Royaume-Uni a fait l’effet d’une bombe. Une série de mails compromettants de Frédéric Michel a révélé la proximité entre News Corp et Jeremy Hunt, qui s’est départi de son rôle d’arbitre afin de tout faire pour que le rachat ait lieu. Or accepter ou rejeter une OPA est une décision quasi judiciaire impliquant l’obligation de neutralité gouvernementale. Rupert Murdoch avait été contraint de retirer son offre en juillet 2011 quand le scandale des écoutes téléphoniques clandestines du tabloïd News of the World avait rebondi.
La démission mercredi de l’un des adjoints de M. Hunt, après avoir reconnu que ses contacts avec l’état-major de Murdoch étaient « allés trop loin », n’a pas calmé la controverse. « L’idée que j’aie pu soutenir Murdoch pour racheter BSkyB est tout simplement risible », a déclaré, d’une voix terne, le ministre, conspué par le Labour, qui a exigé sa démission.
Le chef du gouvernement a également des explications à donner sur ses liens avec News Corporation. James Murdoch a confirmé avoir discuté avec l’hôte du 10 Downing Street de la question de BSKyB lors d’une fête de Noël organisée en 2010 par Rebekah Brooks. Alors directrice générale de News International, cette dernière a été arrêtée à deux reprises dans le cadre de l’enquête policière sur les écoutes.
Le chef du gouvernement n’a eu de cesse de cultiver ses liens avec le clan Murdoch, comme en témoigne le recrutement comme conseiller en communication d’Andy Coulson, ancien rédacteur en chef du News of the World, dont il a dû se séparer début 2011.
CARRIÈRE FULGURANTE
L’ascension de Frédéric Michel au sein de la galaxie Murdoch est un mystère, souligne Roy Greenslade, expert de la presse écrite qui a découvert l’existence du conseiller lors de l’audition de James Murdoch. Précisément, la moindre énigme de cette carrière fulgurante n’est pas la séduction qu’a pu opérer cet agitateur d’idées proche du New Labour de Tony Blair sur « M. Fils », un psychorigide libéral, anti-européen et réactionnaire.
Anglophile, « Fred », comme il se fait appeler, est un agent hors pair dans le petit monde de Westminster où son entregent, sa sympathie effrontée et son carnet d’adresses faisaient merveille auprès des membres du Cabinet comme de responsables de l’opposition.
Par ailleurs, Frédéric Michel avait le même profil qu’un Tim Allan, ancien porte-parole du 10 Downing Street sous Tony Blair, recruté comme directeur de la communication de BSkyB avant de créer sa propre entreprise de relations publiques. Après avoir travaillé dans deux centres de réflexion londoniens orientés à gauche, le Français était devenu consultant en image. En 2009, il avait rejoint News Corp, chargé des relations avec le Parlement pour être ensuite dépêché en février 2012 à Bruxelles comme vice-président senior des affaires gouvernementales auprès de l’Union européenne.
Placé au cœur du conglomérat Murdoch, Frédéric Michel était-il au courant du scandale des écoutes téléphoniques du News of the World ? A la fin 2010, le conseiller avait fait acte de candidature au poste de directeur de la communication et de stratégie de Lady Ashton, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Son échec aurait été lié à ses accointances avec les Murdoch, adversaires irréductibles de la construction européenne.