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La France tente de réduire le nombre de personnes vivant dans des bidonvilles

dimanche 3 décembre 2023

Un an après l’élection d’Emmanuel Macron, le cas des bidonvilles a commencé à poser des problèmes, et les promesses de reloger les sans domicile fixe se sont perdues dans les limbes.

En 2018, la France comptait quelques 570 bidonvilles où vivent entre 15 000 à 19 000 personnes, pour la plupart des ressortissants roumains et bulgares. Cosignée par huit ministres et secrétaires d’Etat, une instruction livre aux préfets une feuille de route très détaillée afin qu’ils définissent, puis mettent en place « une stratégie territoriale de résorption des bidonvilles ».

Cinq ans plus tard le problème persiste.

Bidonvilles : une politique de résorption toujours en construction

La Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) vient de publier son bilan 2023 en matière de résorption des bidonvilles en France. Si depuis 5 ans le nombre de personnes vivant en bidonvilles est en baisse, les expulsions restent fréquentes et dommageables, notamment pour les enfants.

Deux rapports ont été publiés cette semaine : l’un par la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) qui dresse un bilan plutôt positif de la politique de résorption des bidonvilles ; l’autre par l’Observatoire des expulsions collectives des lieux de vie informels qui déplore des expulsions lourdes de conséquences, notamment pour les jeunes enfants.

Des avancées…

« Sans ignorer les difficultés de cette politique publique complexe, il est important d’en noter les avancées et les résultats comme la baisse du nombre de personnes vivant en bidonvilles depuis cinq ans » , peut-on lire sur le blog de la Dihal.

Le but de ce nouveau rapport est de faire un état des lieux national de la résorption des bidonvilles, cinq années après l’entrée en vigueur d’une instruction datée du 25 janvier 2018 (lire Maire info du 31 janvier 2018). Ce texte devait apporter, selon le gouvernement, un réel « changement d’approche » visant la « résorption durable des sites, sans création de nouveaux sites, ce qui passe par des feuilles de route » dans chaque territoire.

D’abord, depuis 2018, le nombre de personnes vivant en bidonvilles est passé de 13 728 à 11 257 personnes en 2023. De même, le nombre de sites a baissé puisqu’en 2018 on en recensait 251, et qu’aujourd’hui on en compte 239.

Autre point positif : les moyens alloués à l’accompagnement des personnes et à la résorption des bidonvilles ont considérablement augmenté. L’enveloppe nationale dédiée a doublé depuis 2018 passant de 4 millions à plus de 8 millions d’euros. Au total, en 2022, « 20 départements ont bénéficié d’un soutien de l’enveloppe nationale dédiée à la résorption des bidonvilles » et « 63 associations ou services en charge de l’accompagnement ont été co-financés représentant 126 actions ».

L’augmentation de ces moyens a d’ailleurs permis d’engager davantage d’actions. Le rapport pointe d’abord que « le nombre de mineurs scolarisés est passé de 1 430 en 2019 à 3 577 en 2022 grâce au programme de médiation scolaire. Il faut cependant préciser qu’à partir de 2022, le chiffre de la scolarisation comprend à la fois les enfants scolarisés et accompagnés par les médiateurs scolaires et les enfants scolarisés par les bénévoles de l’association, ce qui explique la forte augmentation observée ».

L’accès à l’eau dans ces campements a aussi fait l’objet de progrès non négligeables, surtout depuis la crise sanitaire : « 55 % des personnes vivant en bidonvilles ont accès à l’eau en 2023, contre 37 % il y a 3 ans ». Côté hébergement, 17 % de personnes en plus ont accédé à une solution de logement longue durée en 2022 soit environ 1 256 personnes.

Enfin, d’autres avancées sont aussi soulignées dans le rapport notamment concernant l’accès à l’emploi (plus de 1 000 personnes ont accédé à un emploi en 2022) et à la santé (5 461 personnes ont bénéficié d’un accompagnement en 2022).

… mais des expulsions lourdes de conséquences

Cependant, ce premier constat relativement positif ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. En effet, l’Observatoire des expulsions collectives des lieux de vie informels s’inquiète de son côté du fait que « les expulsions [soient] toujours trop nombreuses et majoritairement mises en œuvre sans que les droits fondamentaux des personnes ne soient respectés ».

Pour 2023, l’Observatoire a recensé 1 111 expulsions sur le territoire national dont 729 dans le littoral nord où on recense en moyenne une expulsion toutes les 12 heures. Selon ses sources, l’Observatoire « démontre que dans 85 % des cas, les expulsions ne donnent lieu à aucune solution d’hébergement ou de relogement ».

Les huit associations qui ont collaboré à l’élaboration de cet observatoire – dont la Fondation Abbé-Pierre, la Ligue des droits de l’Homme ou Médecins du Monde – considèrent « que toutes les expulsions sans solution d’hébergement ou de relogement ajustée, digne et stable, quels que soient les lieux de vie informels concernés, portent de la même façon atteinte aux droits fondamentaux des personnes expulsées ».

Les expulsions présentent notamment un risque majeur pour enfants que cela soit pour leur santé, sur leur parcours vers la scolarisation et génèrent aussi « des conséquences psychologiques à long terme, non seulement pour les parents mais aussi et surtout pour les enfants ».

Le rôle des collectivités

Les associations militent pour l’instauration d’une trêve scolaire qui suspendrait « les expulsions pendant l’année scolaire afin de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et garantir une continuité pédagogique ». Ce système a été mis en place à Marseille, « grâce à la collaboration entre le tissu associatif, la municipalité et la préfecture » et « montre des résultats encourageants ».

Dans le rapport de la Dihal, il est rappelé que « la réussite d’une action sociale repose (...) en grande partie sur l’ingénierie de projet, la mobilisation et la construction d’une chaîne d’acteurs engagés vers une même direction ». La prise en compte de ces phénomènes évolue dans les collectivités concernées puisqu’en 2023 on recense un département avec une feuille de route signée (38), 3 départements avec une feuille de route en cours de construction ou de signature (34, 44 et 74) et 5 départements avec un pilotage structuré dont 3 départements d’Île-de-France.

La Dihal constate aussi que davantage de ressources humaines sont mobilisées dans les collectivités territoriales, « avec des postes dédiés dans certaines d’entre elles (Marseille, Montpellier, Lyon Métropole, Villeurbanne, Bordeaux, Nantes, Angers...) pour faciliter la coordination, appuyer les élus, mobiliser les autres services sur leurs compétences ».

La Dihal recommande enfin aux porteurs de l’action au niveau local d’ « élaborer en concertation avec les collectivités territoriales, les associations, le Conseil départemental, des feuilles de route partenariales ».

Mairie Info

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