Un rapport alarmant pointe les conséquences en cascade de la dénatalité sur la société française
Le Haut-commissariat à la stratégie et au plan, un organisme rattaché à Matignon, a publié hier une note sur la dénatalité, évoquant une véritable « marée descendante » qui va avoir de lourdes conséquences sur l’économie et l’infrastructure sociale du pays.
C’est un graphique particulièrement parlant : en cette année 2025, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, les courbes des naissances et des décès vont se croiser, et il y aura certainement dès l’an prochain davantage de décès que de naissances en France. Autrement dit, si l’on ne tient pas compte du solde migratoire, la population du pays va diminuer.
Pour mesure l’ampleur du phénomène, il suffit de dire que jusqu’au milieu des années 2010, il y avait un solde positif compris entre 200 000 et 300 000 : en 2007 par exemple, il y a eu environ 525 000 décès pour quelque 825 000 naissances – la population a donc augmenté de 300 000 personnes cette année-là.
Mais à partir de 2015, la natalité a commencé à diminuer de façon continue et relativement rapide. Après un bref sursaut en 2021, la chute s’est brutalement accélérée en 2022 – le nombre de naissances annuelles diminuant de 100 000 entre 2022 et 2024, et s’établissant désormais autour de 650 000. Est-ce le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022 et les peurs que cela implique pour l’avenir, ou encore l’aggravation de la crise écologique, l’inflation, ou tout cela à fois, qui a provoqué cette chute brutale ? Les études futures le diront, mais la tendance est claire, et s’accélère : la dénatalité devient « structurelle », note le Haut-commissariat dans son étude publiée hier.
À ce mouvement de diminution des naissances s’ajoute un mouvement, parallèle, d’augmentation des décès, depuis 2014 : il y a en moyenne 100 000 décès de plus par an aujourd’hui par rapport à 1995. La raison est, ici en revanche, clairement identifiée : la génération des baby-boomers – nés entre 1945 et 1965, années marquées par une explosion de la natalité – arrive progressivement à des âges de plus forte mortalité.
Conclusion : avec 10 ans d’avance sur les prévisions de l’Insee, le solde naturel va diminuer dès l’an prochain. On le sait déjà dans la mesure où sur les 6 premiers mois de 2025, les naissances sont en baisse de 3 % et les décès en hausse de 3 % par rapport au premier semestre précédent.
Conséquences en cascade
Cette évolution aura d’innombrables conséquences dans les années à venir, « des écoles au marché du travail », note le Haut-commissariat, qu’il convient d’anticiper. Le terme de « marée » utilisé dans le rapport est très parlant : au fil des années, de nouveaux secteurs subiront l’impact de cette diminution des naissances – d’abord l’école maternelle, puis l’école primaire, puis les collèges, les lycées, les universités et, enfin, le marché du travail.
Logiquement, ce sont donc les écoles maternelles et élémentaires qui sont touchées en premier, avec une baisse de 500 000 élèves sur les dix dernières années. « Dans de nombreux territoires, les classes se clairsèment et les écoles se vident, forçant les pouvoirs publics locaux à fusionner et à regrouper les établissements scolaires sur plusieurs communes », note l’auteur de l’étude. Le phénomène commence à toucher les collèges, qui constatent « une diminution continue de leurs effectifs depuis 2020 ». L’enseignement supérieur devrait être touché à partir de 2029.
Quant au marché du travail, il va subir dans les années à venir, en même temps, le choc de la dénatalité et celui du passage en retraite des baby-boomers, avec une population en âge de travailler qui devrait baisser de plus en plus vite. Les conséquences de cette évolution sur le marché du travail sont, pour l’instant, compensées par les deux bouts, s’il l’on peut dire, par la réforme de l’apprentissage, qui a fait augmenter le nombre de très jeunes gens au travail, et le recul de l’âge de la retraite. Mais ces réformes ont leurs limites, et le Haut-commissariat estime que la population active va diminuer fortement dans les années à venir.
Nécessaire « immigration de travail »
Pour la première fois « dans l’histoire du pays », la pyramide des âges s’est inversée, au sens où les personnes âgées sont aujourd’hui plus nombreuses que les jeunes. Ce phénomène va bouleverser « l’équilibre social de la nation », redoute le Haut-commissariat, notamment parce que moins de travailleurs signifie moins de cotisants. Le pays risque de se trouver, à l’avenir, dans une situation « de sous-effectif chronique », ce qui constitue un changement radical par rapport aux décennies précédentes, marquées par le chômage : le pays va passer de la pénurie d’emploi à la pénurie de main-d’œuvre.
Il va donc falloir, juge l’auteur de l’étude, « adapter l’économie » à cette évolution démographique. Ce qui tient, pour lui, en trois points : « Travailler plus, automatiser davantage, accueillir mieux ».
Travailler plus, cela signifie, en clair, reculer encore l’âge de la retraite à l’avenir. « Automatiser », c’est utiliser la robotique et l’intelligence artificielle pour pallier la raréfaction de la main-d’œuvre humaine. Enfin, « accueillir » : parce que l’économie du pays va avoir de plus en plus besoin de l’immigration pour compenser le taux de natalité de plus en plus faible. Le Haut-commissariat plaide donc pour que la France, à l’instar de ce qu’a fait l’Allemagne depuis plus de 10 ans, se dote « d’une stratégie d’immigration de travail », seul moyen, juge l’auteur, pour que le pays conserve sa compétitivité.












