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NewsGuard, la start-up anti « fake news » sévit en France depuis 2019

vendredi 2 décembre 2022

Crée par deux professionnels de l’information aux Etats Unis et financé par Google Facebook et Publicis, NewsGuard a voulu analyser les sites d’information français.

Cette start-up a été fondé en 2018 aux États-Unis pour contrer l’ascension de Donald Trump lors de l’élection présidentielle américaine de 2016.
Sa spécialité c’est de labelliser les médias d’information, blogs, sites avec un indice mesurant la fiabilité de leurs publications.
En dehors des Etats Unis, Newsguard sévit au Royaume-Uni, en Allemagne en France en Italie et met en avant sa notation manuelle des sites d’information.

Collaboration AFP Newsguard

Alex Cadier, qui était auparavant analyste contributeur pour NewsGuard, a travaillé comme fact-checker pour le service de vérification numérique de l’Agence France-Presse, AFP Fact Check, depuis 2020, notamment sur les infox liées au COVID-19, les théories du complot sur la 5G.
L’AFP est, avec l’Associated Press et Reuters, une des trois agences de presse qui se partagent un quasi-monopole de l’information dans le monde.

En 2015, il y a eu un peu de désapprobation lorsque Reuters a annoncé qu’elle embauchait Dawn Scalici, gestionnaire et directrice de la CIA depuis 33 ans, en tant que directrice mondiale. L’entreprise a annoncé que son principal objectif était de faire progresser la capacité de Thomson Reuters à répondre aux besoins du gouvernement américain. De là à voir une collusion entre service de renseignement et Fact Checking il n’y a qu’un pas que personne ne veut faire.
Dawn Scalici a pris en février 2019, les fonctions de directrice des audits (head of diligence) chez McKinsey.

Newsguard travaille pour la CIA
Le comité consultatif de NewsGuard nous indique que le Général Michael Hayden, ancien directeur de la CIA et de la NSA, collabore à l’initiative de la vérification de l’information, c’est un adversaire de Donald Trump dont il évoquait la nécessité de le destituer juste après son élection en 2016.
Le légendaire journaliste Carl Bernstein a publié une enquête documentant la manière dont la CIA avait réussi à infiltrer les médias américains et mondiaux. La CIA avait placé des centaines d’agents dans les salles de rédaction et avait convaincu des centaines d’autres journalistes de collaborer avec elle. Parmi eux figuraient des personnes travaillant dans les médias les plus influents, dont le New York Times. La CIA avait besoin de faire cela clandestinement, car toute tentative de le faire ouvertement aurait nui à l’efficacité de l’opération et provoqué la colère du public.

L’objectif de ces agents d’influence est de laisser planer des sanctions en cas de mauvaise évaluation, qui vont au retrait de revenus publicitaires de Google, au bannissement de Youtube jusqu’à la perte de l’agrément d’agence de presse dont a été victime France Soir.

L’affaire Fact and Furious du blogueur Antoine Daoust a valu à France Soir de perdre son agrément de presse pour avoir révélé le scandale du Fact Checking en bande organisée.
Fact Checker des Fact Checkers est interdit par cette police de la pensée qui pratique la désinformation et surtout qui possède un droit de vie ou de mort économique sur les journalistes indépendants.
Fox News vient de perdre sa certification NewsGuard.

NewsGuard en France : l’information est-elle labellisable ?

Créée pour lutter contre la propagation des infox, cette société américaine attribue des notes de « crédibilité » et de « transparence » aux médias. Certains, comme Russia Today, l’accusent d’avoir des partis pris.

Pour lutter contre la désinformation, il y a un nouveau shérif en ville. L’entreprise américaine NewsGuard lance son système de notation des médias ce mercredi en France, après avoir déjà investi les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne. Elle s’est donné pour mission de mesurer la « crédibilité » et la « transparence » des sites d’actualité, attribuant un pictogramme vert en forme de bouclier à ceux qui en font preuve et un rouge à ceux qui en manquent.

Ces symboles sont visibles en ligne, accolés aux liens des médias notés sur les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux, à condition d’avoir téléchargé l’extension NewsGuard sur le navigateur internet qu’on utilise (ici sur Firefox, là sur Chrome). Aux Etats-Unis, le New York Times et le Washington Post sont en vert, mais le site de droite radicale pro-Trump Breitbart et la version locale de Russia Today sont en rouge. Idem en France pour le média financé par Moscou, ainsi que pour l’agence Sputnik.

Au démarrage ce mercredi, une soixantaine de médias français ont été analysés (2 200 l’ont été aux Etats-Unis en un an), dont Libération, noté en vert. « Ce sont les sites dont les contenus sont les plus partagés en France, explique Chine Labbé, porte-parole de NewsGuard pour la France et ex-journaliste de l’agence Reuters. Ils représentent 70% des contenus d’information consommés et partagés. Notre objectif est d’arriver à 90% fin juin. » La société américaine emploie 35 personnes, « analystes » ou « éditeurs », des journalistes pour la plupart (la liste est là), pour produire ces labellisations. Six d’entre elles travaillent sur les médias français, sous la supervision d’Alice Antheaume, directrice exécutive de l’école de journalisme de Sciences-Po. Cette dernière vient de rejoindre le « conseil consultatif » de la boîte.

Comme une « étiquette nutritionnelle »

Comment les évaluations sont-elles rendues ? NewsGuard attribue des points à chacun selon neuf critères, cinq relevant de la crédibilité, quatre de la transparence. Le plus important, qui rapporte 22 points, est le fait de « ne pas publier de façon répétée des contenus faux ». Vient ensuite celui de « recueillir et présenter l’information de manière responsable ». Les sites passés au crible sont également notés sur leur propension à corriger leurs erreurs ou sur la clarté avec laquelle ils distinguent informations et opinions, affichent les contenus publicitaires ou la répartition de leur capital. Il faut obtenir un score de 60 points pour décrocher le pictogramme vert. Les médias étudiés font l’objet d’un argumentaire signé par les analystes de NewsGuard, justifiant la note attribuée. Une « étiquette nutritionnelle », dans le jargon de NewsGuard, qui cherche ainsi à établir un parallèle avec les labels alimentaires.

Est-ce suffisant pour parvenir à un résultat irréfutable ? Cette ambition a vite fait de tourner à la distribution de bons et mauvais points. « Nous sommes très conscients de la complexité de la tâche, répond Chine Labbé. Nous avons des discussions fournies, parfois des désaccords. Notamment sur la distinction entre information et opinion, qui est peut-être le critère le plus subjectif. Nous ne jugeons pas selon qu’un site est de droite ou de gauche, pro-européen ou pas. Cela nous est égal. Mais s’il y a un biais, il doit être clair pour le lecteur. Le plus important, c’est la transparence. » Début 2017, le Monde avait essuyé une volée de critiques avec le lancement de son outil Decodex, qui visait un même objectif de classification, et reconnu qu’il était « loin d’être parfait ».

Difficulté de toute tentative de certification de l’information

NewsGuard explique solliciter les médias étudiés pour avoir un commentaire de leur part, en réaction à leur diagnostic.
« Ils peuvent répondre et on peut être amené à réévaluer notre analyse, dit la porte-parole française. Un quart des médias analysés ont changé leurs pratiques. C’est le cas d’Al-Jezira, qui ne faisait pas mention aux Etats-Unis de son lien avec l’Etat du Qatar et a modifié sa page à propos. Ils sont passés du rouge au vert. ». A la différence de Breitbart, resté au rouge malgré des précisions apportées récemment et intégrées à « l’étiquette nutritionnelle » qui les concerne.

Evidemment, NewsGuard fait hurler ceux qui sont entachés d’un pictogramme rouge.
C’est le cas de la version française de Russia Today (RT), particulièrement remontée contre la société américaine. Elle a publié plusieurs articles et vidéos visant à saper la crédibilité de NewsGuard. Son propos (en résumé) : NewsGuard est un outil de propagande au service de certains intérêts américains. RT France en veut pour preuve que le conseil consultatif de NewsGuard compte parmi ses membres le général Michael Hayden, ancien directeur de la CIA et de la NSA, et Anders Fogh Rasmussen, ex-Premier ministre du Danemark et ex-secrétaire général de l’Otan, ainsi que plusieurs anciens membres des administrations Bush et Obama. En termes d’irréprochabilité, on pouvait peut-être faire mieux… Que dirait-on si une société russe, coachée par un ancien patron du FSB et d’ex-conseillers de Poutine, se mettait en tête de noter la crédibilité de Libération, le Figaro et le Monde ?

Le sujet montre la difficulté de toute tentative de certification de l’information. Une entreprise à laquelle s’essaie de son côté Reporters sans frontières à travers la Journalism trust initiative, dont NewsGuard est l’un des partenaires.
Hommes de médias

« Le conseil consultatif n’a aucun pouvoir sur la ligne éditoriale, à l’exception des conseillers éditoriaux nationaux comme Alice Antheaume, se défend Chine Labbé. Il est là pour nous conseiller sur les implications sécuritaires de la désinformation et nous aider à mieux expliquer aux entreprises de technologie l’importance de ce combat. Nous n’avons pas de couleur politique. Les labels sont donnés par les analystes et les éditeurs, relus par nos deux co-PDG, qui peuvent faire des commentaires. »

Les deux dirigeants de l’entreprise, Steven Brill et Gordon Crovitz, en sont les actionnaires majoritaires depuis sa création en 2018. Des hommes de médias : le premier a notamment créé une revue de droit et une chaîne judiciaire aux Etats-Unis, le second a été journaliste et haut cadre au Wall Street Journal. Leur NewsGuard n’est pas une fondation à but non lucratif. Elle se finance en vendant des licences d’exploitation de son contenu avec des opérateurs de télécommunications, des réseaux sociaux ou des plateformes numériques. En janvier, elle a signé un contrat avec Microsoft pour que son service soit installé sur la version mobile du navigateur internet Edge.

Parmi les investisseurs entrés au capital de NewsGuard début 2018 lors d’une levée de fonds de 6 millions de dollars, on trouve le groupe publicitaire français Publicis. Son PDG, Arthur Sadoun, justifie auprès de Libé : « Nous avons la responsabilité d’investir pour le compte de nos clients [les annonceurs, ndlr] et le contenu des sites nous importe. Au-delà de toute dimension sociale ou politique, il est important que l’investissement publicitaire n’aille pas dans des médias faux, bidons ou diffusant des fake news. NewsGuard joue un rôle clé dans la lutte contre les « fake news ». » Et d’ajouter que leur méthodologie « assure un niveau de fiabilité de l’analyse incomparable à celle, par exemple, d’un algorithme ». Ce qui ne la rend cependant pas imperméable à la critique.

Libération

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