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Digital New Deal : le nouveau Think Tank français pour détruire notre économie

dimanche 9 juin 2024

Notre ambition est d’accompagner la société sur les enjeux de centralisation des pouvoirs sur internet. Digital New Deal a pour vocation d’éclairer les évolutions à l’œuvre au sein des questions de « souveraineté numérique », dans l’acception la plus large du mot, et d’élaborer des pistes d’actions concrètes pour une « 3e voie numérique » à destination des entreprises et des décideurs publics français et européens.
Le numérique est une nouvelle donne sociétale, economique, culturelle et politique.
Le numérique a cessé de n’être qu’un secteur pour devenir une force de transformation de l’ensemble des activités humaines. Les effets d’échelle propres à l’économie numérique favorisant une logique de winner takes all, ce mouvement s’est accompagné de l’émergence de grandes entreprises structurantes souvent regroupées sous le nom de plateformes, comme pour mieux souligner leur rôle universellement central dans le réaménagement de la chaîne de valeur de nombreux secteurs économiques.
Digital New Deal

LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DU THINK-TANK
Les membres du Conseil d’administration du Think-Tank sont tous membres fondateurs. Ils sont issus d’horizons divers tout en étant en prise directe avec la transformation digitale des entreprises et des organisations. Forts de leur intérêt commun pour les questions numériques, ils ont décidé d’approfondir leurs débats en formalisant un cadre de production et de publication au sein duquel la complémentarité de leurs expériences pourra être mise au service du débat public et politique. Ils s’impliquent personnellement dans la vie de la Digital New Deal Foundation. Olivier Sichel

Le financement du think tank est basé sur les cotisations annuelles des membres du conseil d’administration suivants : Accor, Bona fidé, Bpifrance, La Poste, OS Conseil.
Le reste des financements proviennent des adhésions extérieures des entreprises suivantes : Dassault Systèmes, CNP Assurances, Deezer, Euronext, Fabernovel, FDJ, Grand Enov, Jolt Capital, L’Oréal, Qualium, TDF, Solutions30.

Liste des membres cliquez ici

Le numérique au service d’un futur durable

OPINION. « La “maison brûle”, ne laissons pas le thermomètre entre quelques mains... ». Afin d’atteindre les Objectifs de Développement Durable, le think-tank Digital New Deal publie un nouveau rapport de Véronique Blum et Maxime Mathon proposant que les données ESG, privatisées par 6 grandes compagnies américaines de notation, soient accessibles à tous via un commun numérique. Par Arno Pons, du think tank Digital New Deal

La Californie des années 1960 fut le berceau de deux mouvements innovateurs destinés à changer le monde : le numérique et le développement durable. Ils ont jusqu’ici vécu des parcours parallèles, pourtant parfois menés par les mêmes personnes au même endroit.

En 1967, un homme, Stewart Brand, incarne à lui seul cet incroyable chassé-croisé entre les révolutions écologique et numérique. L’éditeur du cultissime Whole Earth Catalog (véritable bible idéaliste des communautés geek et hippie) se mobilise pour faire circuler une question autour de lui : pourquoi n’avons-nous toujours pas vu une photo complète de la Terre vue de l’espace ? Quand la NASA répond à sa demande, la diffusion du cliché déclenche une prise de conscience immédiate, proche de « l’overview effect » ressenti par les astronautes. Cette photo vint bouleverser la perception commune de la surface terrestre, de sa fragilité, et marqua le début d’une conscience écologique mondiale. Quelques mois plus tard, le même Stewart Brand filme « The Mother of All Demos ». Cette démonstration événement fit découvrir au public : la souris, l’hypertexte, la visio-conférence, le courrier électronique et l’environnement de bureau. Cette vidéo marqua le début de l’informatique civil comme nouvelle aventure économique mondiale.

En 1990, un autre chassé-croisé nous accable collectivement sur notre inaction. Cette année tout était là sous nos yeux : le premier rapport du GIEC qui décrit précisément les enjeux, l’arrivée d’Internet qui ouvre l’ère du big data, et la publication de « Governing the Commons » par Elinor Ostrom qui donne les moyens politiques de se saisir de cette double transition.

Le rôle des données numériques, extra-financières en particulier.

Pour répondre aux grands défis et enfin entamer une convergence des deux mouvements numérique et écologique, cela passe notamment par le potentiel du « Big et Open Data » comme pourvoyeur d’une finance responsable. Car pour financer la transition écologique de notre économie carbonée, il faut beaucoup d’argent, et beaucoup de data... Il faut par exemple 4 000 milliards par an dans les énergies renouvelables (EnR) pour atteindre la neutralité carbone, d’où l’importance pour l’UE de s’appuyer sur les flux privés pour réussir ce plan de financement. Les données ESG (Environmental, Social & Governance) sont clefs à cet égard, grâce à elles l’information RSE devient « investissable ». Toutefois, contrairement au marché de l’information financière, cette information n’est ni standardisée, ni « certifiable » ni même « vérifiable ». Chaque utilisateur reste libre de la transformer est de l’interpréter selon sa sensibilité et ses priorités. C’est une aubaine pour les spécialistes de la diffusion d’informations financières qui produisent déjà un ensemble d’éléments informationnels : notations, scores, analyses, indices etc.

Asymétrie économique, dystopie écologique

Au sortir de la crise de 2008, on assiste alors à l’émergence d’un nouveau secteur concurrentiel autour de l’ESG. Celui-ci ne tarde pas à se consolider pour aboutir à la formation d’un oligopole composé de 6 groupes ayant absorbé la totalité des acteurs spécialisés. Cela soulève la question de la souveraineté car la captation de ces informations par un groupe d’acteurs privés, au détriment du reste des parties prenantes crée une asymétrie économique qui peut engendrer une dystopie écologique. Il y a en effet une incompatibilité entre d’un côté la poursuite de l’intérêt général et de l’autre les intérêts économiques de cette poignée de grandes agences de notation (on peut parler ici de Big Rating qui trustent et dénaturent le marché du traitement des données extra financières au même titre que les Big Tech le font sur les données personnelles et maintenant non personnelles via leurs offres de Cloud). On peut ainsi se demander en quoi ce marché de la donnée ESG, qui repose sur l’asymétrie d’informations entre les fournisseurs est-il aligné avec la feuille de route globale (ODD) qui impose que tous les acteurs « tirent dans le même sens » ?

L’état des lieux réalisé montre une inadéquation entre la structure de marché et des besoins exprimés par les différents acteurs présents dans l’arène ESG. Le diagnostic posé, celui d’une enclosure sur les données ESG, s’interprète comme un problème de gouvernance des communs.

Commun numérique, possible réponse aux crises

Un exemple inspirant est celui de la création d’un commun numérique suite à l’impuissance des régulateurs à travers le monde qui avient reconnu leur incapacité à identifier les parties prenantes aux transactions lors de la crise financière de 2008. S’en suivra une initiative exceptionnelle du G20 visant à créer un identifiant unique global pour les entités juridiques impliquées dans une transaction financière (Legal Entity Identifier - LEI). Jusqu’alors, les identifiants des entreprises étaient gérés de deux manières, un identifiant délivré par l’organisme national et un autre délivré par de multiples opérateurs privés à vocation globale (Bloomberg, Reuters Identification Code,....). La fragmentation entre les identifiants privés, et leur impossible interconnexions (pour questions commerciales évidentes) s’est révélé fatale. En laissant les acteurs créer leur propre clé de lecture du monde pour des besoins commerciaux, les institutions mondiales ont préféré favoriser la concurrence et l’innovation, tout en oubliant l’objectif de stabilité financière global.
Faire des données ESG un commun numérique pour atteindre les ODD

Ce succès du LEI, qui valide la pertinence du modèle de « commun numérique », mérite qu’on s’en inspire pour imaginer une solution du même type appliquée aux données ESG. C’est ce que propose les auteurs Véronique Blum et Maxime Mathon, en imaginant confier la gestion opérationnelle des données ESG à l’ONU via son Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI / WIPO). Cette base de données « fédérée » permettrait alors aux parties prenantes d’accèder gratuitement à des données ESG brutes auditées sur un périmètre global. En construisant ce système de commun numérique, il deviendrait possible de sortir ces informations du marché de l’asymétrie et de libérer leur usage, en ligne avec leur vocation initiale qui est de permettre aux entreprises de rendre compte de leurs efforts en termes de RSE.

Cette proposition est une approche iconoclaste des « Communs » qui sont trop souvent antonymes aux logiques financières. Nous préférons dans nos travaux aborder une approche pragmatique et non dogmatique des communs, en leur donnant un rôle central dans la construction d’un nouveau capitalisme plus ouvert et plus responsable. Selon nous, les communs numériques sont une condition sine qua non de compétitivité, seule la coopération peut nous permettre de nous hisser au niveau des monopoles technologiques.

Cette proposition s’inscrit pleinement dans l’ambition portée par Emmanuel Macron lors du « Sommet pour un nouveau pacte financier global ». Gageons que la communauté internationale s’en saisisse, et que la France prenne l’avant-poste de ce Green-Digital New Deal.


POUR ALLER PLUS LOIN DANS LA REFLEXION

Résumé des propositions du rapport « LE NUMÉRIQUE AU SERVICE D’UN FUTUR DURABLE : Atteindre les Objectifs de Développement Durable en créant un commun numérique pour les données ESG » :

INFRASTRUCTURE PARTAGÉE : remplacer la fabrique d’asymétrie d’information entre les fournisseurs par une solution technologique non-propriétaire, raisonnée et indolore pour l’ensemble des acteurs (coordonnée par l’ONU via son Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle - OMPI)
GOUVERNANCE COLLECTIVE : prendre appui sur une gouvernance d’une communauté d’acteurs de confiance opérationnels au niveau global (pour assurer l’implication des parties prenantes dans cette mission d’intérêt général)
DATA DE CONFIANCE : garantir l’accès à un registre global des données extra-financières « brutes » (data non désintermediées/biaisées via une Forge logicielle Open Source).

> « LE NUMÉRIQUE AU SERVICE D’UN FUTUR DURABLE : Atteindre les Objectifs de Développement Durable en créant un commun numérique pour les données ESG »

A lire ici : https://www.thedigitalnewdeal.org/l...

Arno Pons

Arno Pons dirige depuis 3 ans la Fondation « Digital New Deal », think-tank qui accompagne les décideurs politiques et économiques pour créer une 3e voie économique. Pendant quinze ans, il a accompagné les grands groupes et institutions publiques dans leurs stratégies de transformation numérique et de communication en tant que dirigeant d’agences conseils (DGA Saatchi & Saatchi, DG 5e Gauche, puis VP Herezie Group).
Arno Pons est également enseignant à Sciences Po Paris, à l’Ecole du Management et de l’Innovation, sur les enjeux de souveraineté numérique liés à la centralisation des pouvoirs par les Big Tech.

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