Services publics, retraites, PMA, immigration... : Michel Barnier dévoile le cap fixé à son gouvernement
Le Premier ministre a annoncé vouloir notamment demander des « efforts » dans « tous les services publics ». Il estime que l’on peut faire « mieux » avec « peut-être moins d’argent public », mais plus « d’efficacité ».
Des « efforts » seront demandés aux plus riches, aux grandes entreprises, mais aussi aux services publics. C’est ce qu’a annoncé, hier soir, le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, dans un entretien aux 20 heures de France 2, dans la foulée de la présentation de son gouvernement.
Reconnaissant que son « mandat est fragile » et menacé par les oppositions, il a dévoilé les premières pistes de travail sur lesquelles devrait se pencher l’exécutif alors que sa déclaration de politique générale est attendue le 1er octobre.
Services publics : des « efforts » réclamés
Jugeant la situation du pays « très grave », avec plus de « 3 000 milliards » d’euros de dette et « 50 milliards d’intérêts à payer par an », il n’a, toutefois, pas pointé du doigt les collectivités – qu’il n’a d’ailleurs pas évoquées – comme l’avait fait au début du mois l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, en les jugeant responsables du dérapage attendu en 2024.
Son premier objectif est de ne « pas aggraver ni la dette financière ni la dette écologique », deux « sujets fondamentaux » aux yeux de celui qui a été ministre de l’Environnement dans les années 1990.
Afin de tenter de résorber le déficit de la France, celui-ci ne prévoit donc pas d’« alourdir encore l’impôt […] ni sur les gens les plus modestes, ni sur les gens qui travaillent, ni sur les classes moyennes ».
« Les plus riches », en revanche, devront « prendre part à l’effort de solidarité » afin de « redresser la situation ». Si le Premier ministre compte demander au gouvernement de « réfléchir à cet effort de solidarité auquel les plus riches doivent prendre leur part », il n’a, toutefois, pas précisé qui il désignait par « personnes les plus fortunées », ni selon quels critères elles seront définies, refusant au passage d’annoncer un éventuel rétablissement de l’ISF, l’impôt sur la fortune.
À ses yeux, il faudra donc « faire un effort collectif pour maîtriser » les finances publiques. « Cela peut se faire avec quelques prélèvements ciblés : les plus fortunés, certaines grandes entreprises, [mais aussi via] la maîtrise de la dépense publique ». Sur ce dernier point, le Premier ministre estime que l’on peut faire « mieux » dans « tous les services publics » avec « peut-être moins d’argent public » et plus « d’efficacité » en « évaluant » davantage les politiques mises en œuvre.
« Je voudrais aussi m’attaquer à un sujet qui coûte beaucoup d’argent, qui est celui de la fraude fiscale bien sûr, mais aussi de la fraude sociale », a-t-il également déclaré.
« Améliorer » la réforme des retraites
Le Premier ministre prévoit également « d’améliorer » la très polémique réforme des retraites entrée en vigueur en 2023.
« On a une loi qui prévoit un cadre financier et je pense que ce cadre financier doit être préservé », a-t-il expliqué, ajoutant toutefois qu’il allait « faire confiance aux partenaires sociaux pour améliorer cette loi, pour réformer la réforme des retraites ».
Et pour cela, Michel Barnier a assuré vouloir « prendre le temps », tout en esquissant les points de la réforme sur lesquels il pourrait agir. « Il y a beaucoup de progrès possibles : sur la prise en compte de la pénibilité, [pour] les mères de familles, sur les carrières longues », a-t-il énuméré, restant toutefois évasif sur la préservation ou non du décalage à 64 ans de l’âge de départ à la retraite.
Alors que la gauche et le Rassemblement national souhaitent abroger cette réforme, les représentants du parti d’extrême droite ont une nouvelle fois confirmé ce matin que, bien qu’ils fassent « confiance aux partenaires sociaux », ils proposeront de la supprimer, lors de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre.
Très controversée, cette réforme des retraites, qui n’avait pu être adoptée, l’an dernier, que grâce au « 49.3 » avant d’être promulguée au printemps, contient une série de dispositions qui concernent les agents et les élus locaux.
L’IVG et la PMA seront « préservées »
Le nouveau Premier ministre a dû, en outre, éclaircir sa position sur les questions sociétales alors que le chef de file des députés Ensemble pour la République (le groupe le plus important de l’alliance gouvernementale), Gabriel Attal, avait réclamé, un peu plus tôt dans la journée, des garanties sur « la PMA, le droit à l’IVG, les droits LGBT ».
L’ancien Premier ministre a fait part de ses préoccupations concernant la présence dans le gouvernement de plusieurs membres qui ont été ou sont toujours opposés au mariage pour tous ou à la procréation médicalement assistée (PMA).
Michel Barnier a ainsi assuré qu’il n’y avait « aucune ambiguïté » sur la question. Les « grandes lois de progrès social ou sociétal », que ce soit « la loi de Simone Veil » l’interruption volontaire de grossesse (IVG), « le mariage pour tous ou la PMA », seront « intégralement préservées », a-t-il garanti, affirmant qu’il serait « un rempart pour qu’on préserve l’ensemble de ces droits acquis pour les hommes et les femmes de France ».
Immigration : « Beaucoup plus de rigueur et de fermeté »
Autres tensions provoquées par la constitution du gouvernement : la nomination de Bruno Retailleau (LR) au ministère de l’Intérieur qui a été perçue par certains comme « un gage donné au Rassemblement national ».
Michel Barnier a défendu cette nomination comme « un gage donné aux Français » s’agissant de « la question de l’insécurité publique, pas seulement dans les quartiers, mais de plus en plus dans les régions rurales », ainsi que sur « la capacité d’intégrer les étrangers que l’on veut accueillir chez nous et de ne pas accepter tout le monde, de contrôler nos frontières qui sont souvent des frontières passoires ».
Le Premier ministre prévoit ainsi de « traiter cette question de l’immigration avec beaucoup plus de rigueur ». « Il y aura des ruptures, beaucoup plus de fermeté et en même temps de l’humanité », a-t-il souligné, précisant que ce serait « la ligne » qu’il compte « suivre ».
« On va faire des choses pratiques, comme tous nos voisins, pour maîtriser et limiter une immigration qui devient souvent insupportable et qui, d’ailleurs, conduit à ne pas bien accueillir ceux qu’on accueille chez nous », a ajouté Michel Barnier, assurant qu’il n’y a « ni tabou ni totem » s’agissant d’une éventuelle suppression de l’aide médicale d’État (AME).
Le sport, « grande ambition nationale décentralisée »
Sur le plan de la santé, le Premier ministre a annoncé qu’il souhaitait faire de la « santé mentale » la « grande cause nationale » de l’année 2025, sans plus de précisions, tandis que le secteur traverse une crise majeure depuis plusieurs années.
Il a également fait part de sa volonté de faire du sport « une grande ambition nationale, partout, décentralisée », après l’engouement suscité par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. La promotion de l’activité physique et sportive avait d’ailleurs été choisi, cette année, comme la « grande cause nationale » du pays.