C’en était trop. Agacée, Camille Pouponneau a décidé de prendre sa plume, le 23 août dernier, pour écrire à Emmanuel Macron. La maire de Pibrac (Haute-Garonne) y dénonce les coûts exorbitants des élections législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet. L’élue de 35 ans a sorti la calculette : les achats de matériel lui ont coûté la coquette somme de 2 093 euros. Mais un tel scrutin ne se résume pas à l’achat de panneaux ou de stylos. Il faut y ajouter les frais du personnel chargé de l’organisation, qui représentent 16 669 euros, dont 4 825 euros rémunérant les heures supplémentaires. Les formations politiques ayant moins de militants et donc de scrutateurs à proposer pour veiller au bon déroulé des élections, un certain nombre de villes ont dû mobiliser des employés municipaux un dimanche. Au total, la facture s’élève à 18 762 euros.
Un montant salé pour cette petite commune de 9 000 habitants. « Lors des années électorales, on sait que l’on aura ce surcoût. On le prévoit dans le budget, détaille Camille Pouponneau. Là, nous n’avons pas pu anticiper. » Cette somme rondelette n’a pourtant rien d’anecdotique. Dans une ville comme Pibrac, elle représente une année d’achat de livres pour la médiathèque municipale. La maire ne se fait pas d’illusion : elle ne récupérera pas cet argent. « D’ailleurs, je n’ai pas eu de réponse depuis, se désole-t-elle. Mais ma démarche se voulait symbolique. Le but, c’était de faire remonter un ras-le bol des maires. » Pibrac n’est pas la seule à connaître un trou dans sa caisse après le scrutin surprise du début de l’été. Beaucoup d’édiles ont dû renoncer à l’organisation de mariages dans la salle des fêtes municipale lors des deux tours. Autant de rentrées d’argent en moins.
L’État doit payer, selon la loi
« Lors des scrutins, les communes ne sont remboursées qu’à hauteur de dix centimes par électeur, un montant qui n’a pas été revalorisé depuis des années », regrette André Robert, délégué général de l’Association des petites villes de France. Pour Pibrac, le remboursement de l’État ne dépasse pas 1 070 euros. L’article L70 du Code électoral stipule pourtant : « Les dépenses résultant des assemblées électorales tenues dans les communes sont à la charge de l’État. » Comble de l’exaspération pour ces élus, Bruno Le Maire reproche aujourd’hui aux collectivités locales de vivre au-dessus de leurs moyens.
C’est injuste et malhonnête
Le ministre démissionnaire des Finances estime que le « risque principal » pour les comptes publics de l’année 2024 est « l’augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités ». André Robert enrage : « C’est injuste et malhonnête. La part de la dette publique imputable aux collectivités représente moins de 10 % et ce, alors que dans le même temps on nous demande sans cesse d’assumer des charges supplémentaires. »
Entre la récente revalorisation du salaire des fonctionnaires, les nouvelles normes ou encore les besoins d’investissement dans la transition écologique, les mairies ont le sentiment de devoir faire plus avec moins. L’Association des maires de France espère que le gouvernement de Michel Barnier saura se montrer plus compréhensif…
Démission de Camille Pouponneau, maire de Pibrac : l’APVF exprime son soutien et appelle à un sursaut collectif pour stopper l’hémorragie des talents
Paris, le 18 octobre 2024
L’Association des Petites Villes de France (APVF) que préside Christophe Bouillon, ancien député de Seine Maritime et Maire de Barentin, et dont le Président délégué est Loïc Hervé, Sénateur de Haute-Savoie, exprime son soutien à Camille Pouponneau, membre de son Bureau, qui vient de démissionner de ses fonctions de maire de Pibrac (Haute-Garonne) et de conseillère métropolitaine.
Chaque maire de petite ville peut retrouver une part de lui-même dans la déclaration que Camille Pouponneau a publiée pour annoncer sa décision ; elle y exprime son sentiment « d’injustice et d’impuissance », regrettant de voir son rôle réduit à celui d’un « simple gestionnaire sans aucune marge de manœuvre, noyé sous le poids de règles étatiques rigides », fustigeant « la déresponsabilisation progressive des citoyens » et les menaces de poursuites judiciaires que subissent les élus, malgré leur engagement à hauteur de 70 heures par semaine pour un montant d’indemnités sans commune mesure avec cette charge de travail (80% du SMIC dans son cas).
L’engagement de Camille Pouponneau, jeune femme active ayant accepté de mettre entre parenthèses son activité professionnelle pour exercer son mandat, laissait espérer que le profil des maires se diversifie progressivement, en tendant vers une meilleure représentation de toutes les catégories de la population. Sa démission démontre que cette diversité n’est jamais acquise.
La décision de notre collègue illustre non seulement la difficulté de la fonction de maire mais également sa précarité, puisqu’aucun revenu de remplacement n’est versé en cas de démission en cours de mandat. Alors, même si l’amélioration du statut de l’élu par la loi ne suffira pas à retenir en mairie toutes les bonnes volontés qui s’y consacrent aujourd’hui, elle pourrait néanmoins y contribuer. Elle serait au surplus une marque bienvenue de considération de la part de la République envers celles et ceux qui la font vivre au plus près des territoires. La réforme du statut de l’élu, initiée au Parlement avant la dissolution, devient urgente, pour stopper l’hémorragie des talents.